I. Le Christ, vrai Dieu et vrai homme

Jésus est le verbe de Dieu fait homme (cf. Jn 1,14). Il est alors à la fois Dieu et homme. Dans les Écritures et dans l’Évangile en particulier, le Christ est présenté tantôt dans sa puissance divine, tantôt dans la faiblesse de sa nature humaine. Selon l’enseignement de l’Église, sont unies en la seule personne de Jésus, les deux natures divine et humaine. L’unité du Christ ainsi affirmée permet de résoudre de nombreux problèmes christologiques.

A. Des aspects de l’humanité de Jésus

1. Le Christ dans son agonie

Avant d’entrer dans sa passion, Jésus a connu des moments d’angoisse et de tristesse qui révèlent son humanité.

A Gethsémani, sentant l’imminence de sa mort, Jésus a déclaré : « Mon âme est triste à en mourir » Mc 14 ; 34. Il n’a pu s’empêcher aussi, vue la souffrance qui l’attendait, de prier en demandant au Père si cette coupe pouvait s’éloigner de lui (Mc 14 ; 36 ; Mt 26,42 ; Lc 22,42). Ces passages montrent jusqu’à quel point, le Christ a éprouvé comme tout homme, des sentiments de tristesse et d’angoisse. Ce fut pour lui des moments d’hésitation et d’angoisse devant la souffrance et la mort. Il a connu dans son agonie les moments les plus sombres et difficiles de sa vie terrestre. Ce fut pour lui des moments d’hésitation et de tensions car il se trouvait devant ce choix à faire : souffrir et mourir pour réaliser la volonté du Père ou éviter cette coupe. Le Christ a quelque peu, hésité quant à la réalisation de sa mission et ce, devant cette souffrance qui l’attendait. Mais s’étant soumis à la volonté du Père, il a accepté d’aller jusqu’au bout.

2. Une connaissance limitée

Dans les évangiles, des passages montrent bien que la personne de Jésus ne connaissait pas tout. Ils mettent ainsi une nuance à la théologie des penseurs de la Salamanque au XVIIème siècle. Ces théologiens qui ont mal interprété l’expression « parfait en humanité » utilisée par le concile de Chalcédoine (451) pour parler de l’humanité du Christ, lui attribuait toutes les perfections humaines possibles dans le domaine du savoir. Cette vision des choses n’est pas proche de l’Évangile.

En Luc 2, 46 par exemple, Jésus pose des questions aux maitres de la loi, signe qu’il ne connait pas tout mais cherche plutôt à apprendre des autres. En plus de cela, Jésus s’étonne devant certaines situations : il s’étonne de l’incrédulité des habitants de Nazareth (Mc 6,6) et aussi de la foi du centurion à Capharnaüm (Mt 3,10). Cette attitude d’étonnement est une preuve que le Christ n’avait pas une connaissance illimitée car l’étonnement implique la découverte d’une nouvelle réalité à laquelle on ne s’attendait pas. Le Christ en tant qu’homme a eu donc une connaissance limitée et progressivement acquise. C’est à cela que l’évangéliste Luc fait allusion quand il déclare que Jésus était en contact avec les hommes et les réalités de son milieu, parce qu’il s’efforçait d’acquérir de nouvelles connaissances.

3. La nescience de Jésus

Lorsqu’on évoque le problème de la nescience du Christ, l’aspect le plus saillant est son ignorance à propos de la parousie. C’est Jésus lui-même qui déclare ignorer le jour du jugement (Mc 13,32 ; Mt 24,36). L’ignorance de la parousie par le Christ pose question tout comme sa connaissance limitée. Comment le Fils de Dieu peut-il ignorer l’heure de la fin du monde ou avoir une connaissance limitée ?

L’ignorance de la parousie a fait l’objet de bien de discussions de la part des théologiens. Pour certains comme Saint Grégoire de Nysse, c’est dans sa nature humaine que Christ ignorait la parousie. Ce fut alors pour les penseurs chrétiens un argument contre l’hérésie d’Apollinaire qui niait l’humanité de Jésus. D’autres théologiens par contre comme Saint Jean-Chrysostome et Saint Augustin s’opposait à l’affirmation d’une ignorance réelle du Christ. Selon eux, Jésus connaissait le jour du jugement mais il n’était pas de sa mission de le révéler.

Mais le Christ n’est pas seulement homme. En plus de son humanité qui transparait dans les évangiles, il y a sa divinité expressive dans sa vision béatifique et dans ses œuvres.

B. L’origine divine de Jésus

1. Des traces d’une connaissance extraordinaire

Dans certains récits de l’Évangile, Jésus est présenté comme doué d’une connaissance extraordinaire. Au cours de sa vie terrestre, le Christ était en possession d’une pénétration exceptionnelle. Il connait Nathanaël à l’avance (Jn 1, 47) et lis les pensées sécrètes des hommes (Mc 2,8-9 ; Jn 6,64). Dans l’ensemble, il faut reconnaitre que Jésus avait un pouvoir surnaturel peut-être, qui lui permettait de voir les choses à l’avance et de connaitre l’avenir et ce qui est caché. A base des traces scripturaires, les théologiens ont attribué au Christ une science semblable à celle des prophètes dans l’Ancien Testament (Ez 8,1 S 10,1-8). Cette science lui était nécessaire dans l’accomplissement de sa mission.

En tant que Fils de Dieu, on reconnait au Christ un mode de connaissance d’origine divine qui faisait qu’il était éminemment plus qu’un simple prophète dans sa mission de révélation.

2. La conscience filiale de Jésus

Jésus est une personne divine, il est le Fils de Dieu et il en avait pleinement conscience dans sa psychologie humaine. Le Christ a toujours eu conscience de sa filiation divine et de son lien unique avec le Père. Il s’agissait d’une conscience immédiate, c’est-à-dire sans intermédiaire. Mais cette conscience de Jésus est allée grandissant avec sa conscience humaine.

L’épisode du baptême (Mt 3, 13-17 ; Mc 1, 9-11) décrit l’instant où Jésus prend conscience de sa mission de serviteur et où il acquiert une conscience vive originelle de sa relation filiale à Dieu. A cet événement important de sa vie, Jésus est investi de sa mission messianique par la descente de l’Esprit et la voix du Père le proclame Fils de Dieu.

Le récit de la transfiguration (Mc 9, 2-8 ; Mt 17, 1-8 ; Lc 9, 28-36) s’apparente à celui du baptême dans son contenu, Jésus y est de nouveau déclaré Fils de Dieu et sa gloire future est manifestée dans son corps transfiguré.

Les récits du baptême et de la transfiguration révèlent l’identité de Jésus fils de Dieu qui entre dans une certaine illumination. On peut dire qu’a certaines étapes de sa vie terrestre, le Christ a eu des moments d’illumination pour être, comme au baptême, orienté et éclairé dans la réalisation de sa mission.

3. Des traces d’une vision de Dieu

Des théologiens estiment à base de certaines données scripturaires que le Christ, en même temps qu’il était engagé dans sa vie sur terre, était en possession de la vision béatifique ou vision de Dieu. Cette vision béatifique de Jésus est révélatrice de son identité. Il s’agit de la vision bienheureuse du Fils de Dieu dans sa vie terrestre. Dans cet état, le Christ est censé tout connaitre. Les textes souvent cités pour justifier une vision béatifique chez le Christ sont : « Nul n’a jamais vu Dieu le fils unique qui est trouvé vers le sein du Père, lui l’a fait connaitre ». Certains théologiens ont vu dans ce verset un argument en faveur d’une vision permanente de Dieu par Jésus lors de sa vie terrestre. La mission de Jésus était de révéler le visage du Père. Lui seul connaissant Dieu, est aussi le seul àpouvoir le révéler aux hommes. D’où la nécessité pour lui de bénéficier sur terre d’une vision béatifique.

Mais peut-on admettre simplement que le Christ ait joui de la vision des bienheureux lors de sa vie terrestre ?

Dans les Écritures, l’humanité et la divinité de Jésus se révèlent à travers les imperfections et perfections qui sont soulignées à propos de sa personne. L’unité des contraires en Jésus ne peut se comprendre que si l’on tient de façon unie et inséparable sa nature humaine et sa nature divine.

C. L’union hypostatique et ses corollaires

Le Christ constitue une seule personne en deux natures : la nature divine et la nature humaine.

L’union hypostatique se définit comme étant l’union substantielle des deux natures, divine et humaine, dans la seule personne de Jésus. Cette union a lieu par le fait de l’incarnation du Verbe éternel de Dieu. Dans l’union hypostatique, il ya une union sans mélange, ni confusion des deux natures. Cela signifie que chaque nature conserve son intégrité et qu’ainsi les perfections de la divinité ne sont pas transmises directement à l’humanité de sorte qu’on ne puisse plus parler de nature humaine vraie. Mais chaque nature en vertu de l’union, agit selon les possibilités qui lui sont propres et ce, toujours en communion avec l’autre. La thèse de l’union hypostatique a été définie pour la première fois au concile de Chalcédoine en 451. Elle a donné des solutions à de nombreux problèmes christologiques. De cette thèse doctrinale de l’Église, on a pu déduire la dualité de volonté et d’opération de même que celle de la science du Christ. Il a eu une volonté divine et une volonté humaine qui sont à l’origine d’une double opération en lui.

Toute réflexion christologique qui prend appui sur l’union hypostatique, permet de mieux comprendre la personne du Christ en conciliant les aspects apparemment contradictoires de sa personnalité.

Faisons à présent un aperçu sur la science divine de Jésus et sur sa psychologie humaine afin d’éclairer davantage la suite de notre réflexion.

 

Abbé Apollinaire DIBENDE
Archidiocèse de Ouagadougou
Janvier 2004