[1]

a. Le fondateur

A l’origine d’Eckancar, se trouve l’Américain Paul Twitchell (1908-1971). Il dit avoir eu des expériences spirituelles dès son enfance, à la suite de son père qui manifestait certaines capacités paranormales. Paul Twitchell semble avoir été longtemps « en recherche » : il fréquente divers groupes, lit beaucoup, étudie les enseignements de plusieurs voies.

Son mouvement débute en 1965 : Paul Twitchell accepte le manteau spirituel de « Mahanta », c’est-à-dire Maître ECK (Eckankar) vivant. Selon les « eckistes » ou adeptes de l’Eckankar, il y a eu en permanence des Maîtres ECK à travers l’histoire, résidant dans la partie du monde spirituellement la plus active. Paul Twitchell fut choisi « par le conseil des neuf Adeptes ECK » en vue de présenter l’ancienne doctrine au monde moderne.

« Toutes les religions, les philosophies et les doctrines sacrées sont les sous-produits d’Eckankar, ce sont les branches et les feuilles de l’arbre de vie, tandis qu’Eckankar est le tronc principal. » [2]

En octobre 1971, après le décès de Twitchell, Darwin Gross le remplace comme « Mahanta », devenant ainsi « le 972ème Maître ECK Vivant dans la lignée ininterrompue la plus ancienne d’instructeurs spirituels sur cette planète ». En octobre 1981, Darwin Gross transmet le « bâton de pouvoir » au nouveau Maître ECK Vivant, Harold Klemp.

Dans ses écrits, Paul Twitchell accorde un statut très élevé au Maître ECK Vivant : « chacun des Maîtres ECK est omniscient, omniprésent et omnipotent ». Le « chéla » (l’étudiant d’Eckankar), vivant dans un corps physique, « doit avoir un Maître vivant également dans un corps physique ». Les Maîtres du passé « ne peuvent plus agir comme canal d’expression pour le pouvoir ECK parce qu’ils n’ont plus de véhicule (corps) dont le ECK peut se servir ici-bas ».

Bien que le Maître ECK Vivant soit important, il joue surtout le rôle d’un guide qui doit conduire les étudiants vers le monde spirituel. Eckankar n’est pas un enseignement pour tout le monde, car il nécessite la capacité d’assumer sa responsabilité et d’accepter sa liberté.

« Les membres d’Eckankar ne vivent pas en communautés, ne suivent pas de régime particulier (…). Les membres ne cherchent pas à convertir autrui, sachant que c’est une violation d’une loi spirituelle que d’essayer de manier on d’influencer la manière de vivre ou de penser d’un autre individu. » [3]

b. Le voyage de l’âme selon Eckankar

C’est « la projection de la conscience intérieure, qui voyage à travers différents états inférieurs, s’élevant jusqu’aux états extatiques » ; c’est l’ancienne science du voyage de l’âme, grâce à laquelle l’âme, l’esprit, apprend à quitter le corps physique pour explorer les mondes supérieurs, « parvenant éventuellement à la destination ultime, l’Anami Lok, qui est le nom donné à la région innommable, véritable ciel, dans lequel règne le suprême Sugmad, ou Dieu. [4]

« … l’omniscience ne peut être atteinte que par la libération de l’âme avec sa prison de chair, pendant que l’on est encore en vie et actif dans le corps physique. La méthode de retrait volontaire de l’âme constitue la technique la plus avancée et doit être la principale occupation du chercheur de vérité. » [5]

L’homme devant de toute façon quitter son corps, il l’abandonnera sans souffrances ou regrets à l’heure de la mort s’il apprend dès maintenant à le quitter à volonté.

Le ECK est la science de la conscience totale, qui grandit à partir des expériences du Voyage de l’Âme : « Rien ne peut exister sans le ECK (le courant cosmique), qui peut être entendu en tant que son et vu sans forme de lumière ». Toute la création se fonde sur le Son et la Lumière. Le courant sonore est la pierre d’angle du Voyage de l’âme. Mais il ne s’agit pas d’arriver un jour à un stade ultime ou définitif : tout est dynamique, en évolution, même la conscience du Maître.

Les initiations ont une grande importance et signifient une relation plus étroite avec l’Esprit, avec le ECK. Il existe plusieurs niveaux d’initiation : d’abord pendant le sommeil, mais tout le monde ne le perçoit pas. Les initiations suivantes sont données par des spécialement préparés.

La voie d’Eckankar n’est pas fondée sur les écrits (bien que ces derniers constituent une aide), mais sur l’expérience individuelle de chaque « chéla ». L’essentiel est donc la pratique des exercices spirituels et l’expérience du Son et de la Lumière.

Commentaire

On remarque que cette doctrine est fortement marquée par le panthéisme gnostique et le dualisme. Comme le Mahikari et d’autres mouvements, elle impose à l’adepte tout un vocabulaire ésotérique. Comme de nombreux mouvements marqués par l’influence orientale, l’Eckankar prétend relever d’une tradition aussi ancienne que l’humanité avec ce 972ème Maître Eck (Maître qui a sans doute eu des successeurs depuis 1971) appartenant à une chaîne ininterrompue d’instructeurs spirituels. Il est étonnant qu’aujourd’hui où l’on attache beaucoup d’importance à la preuve dans le domaine de l’histoire, de telles affirmations ne suscitent que l’admiration et le respect béat des adeptes. Les Rose Croix font dans le même genre avec leurs maîtres qui seraient apparus dès les débuts de l’humanité, bien qu’on n’ait commencé à mentionner les Rose Croix qu’au 17ème siècle. On est tenté de se demander si une telle doctrine n’est pas sortie du cerveau imaginatif d’un enfant qui s’est ensuite attaché à lui donner des apparences de vraisemblance. En vérité, la revendication d’une chaine de Maîtres aussi ancienne que l’humanité est liée à cette conception panthéiste d’un esprit cosmique à l’œuvre dans l’humanité depuis les origines. Les Maîtres se répétant, aucun n’a une véritable originalité.

L’Eckankar peut séduire des milieux africains avec ses idées de migration des âmes et d’initiation pendant le sommeil. Il rejoint aussi le désir de bien des gens d’apparaître comme des initiés qui connaissent les secrets du monde et des hommes.

Notes :

[1] Eckankar : voir Mayer Jean-François, Sectes nouvelles : un regard neuf, Paris, Cerf, 1985, p. 59-61.

[2] Paul Twichell, Eckankar. La Cité des Mondes secrets, Menlo Park (Californie), I.W.P., 1973, p. 261.

[3] Eckankar en Suisse romande, janvier 1983, p. 1.

[4] Paul Twichell, Eckankar. La Cité des Mondes secrets, op. cit., p. 10.

[5] Ibidem, p. 15.

Père Yves MOREL
Société des Jésuites
Dans : Le défi des sectes, des N.M.R. et des intégrismes, Abidjan, INADES, 1999.

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