LA VIE DANS LE CHRIST

1691. " Chrétien, reconnais ta dignité. Puisque tu participes maintenant à la nature divine, ne dégénère pas en revenant à la déchéance de ta vie passée. Rappelle-toi à quel Chef tu appartiens et de quel Corps tu es membre. Souviens-toi que tu as été arraché au pouvoir des ténèbres pour être transféré dans la lumière et le Royaume de Dieu " (S. Léon le Grand, serm. 21, 2-3 : PL 54, 192A).

1692. Le Symbole de la foi a professé la grandeur des dons de Dieu à l’homme dans l’œuvre de sa création, et plus encore par la rédemption et la sanctification. Ce que la foi confesse, les sacrements le communiquent : par " les sacrements qui les ont fait renaître ", les chrétiens sont devenus " enfants de Dieu " (Jn 1, 12 ; 1 Jn 3, 1), " participants de la nature divine " (2 P 1, 4). En reconnaissant dans la foi leur dignité nouvelle, les chrétiens sont appelés à mener désormais une " vie digne de l’Evangile du Christ " (Ph 1, 27). Par les sacrements et la prière, ils reçoivent la grâce du Christ et les dons de son Esprit qui les en rendent capables.

1693. Le Christ Jésus a toujours fait ce qui plaisait au Père (cf. Jn 8, 29). Il a toujours vécu en parfaite communion avec Lui. De même ses disciples sont-ils invités à vivre sous le regard du Père" qui voit dans le secret " (cf. Mt 6) pour devenir " parfaits comme le Père céleste est parfait " (Mt 5, 47).

1694. Incorporés au Christ par le baptême (cf. Rm 6, 5), les chrétiens sont " morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus " (Rm 6, 11), participant ainsi à la vie du Ressuscité (cf. Col 2, 12). A la suite du Christ et en union avec lui (cf. Jn 15, 5), les chrétiens peuvent " chercher à imiter Dieu comme des enfants bien-aimés et suivre la voie de l’amour " (Ep 5, 1), en conformant leurs pensées, leurs paroles et leurs actions aux " sentiments qui sont dans le Christ Jésus " (Ph 2, 5) et en suivant ses exemples (cf. Jn 13, 12-16).

1695. " Justifiés par le Nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu " (1 Co 6, 11), " sanctifiés et appelés à être saints " (1 Co 1, 2), les chrétiens sont devenus " le Temple de l’Esprit Saint " (cf. 1 Co 6, 19). Cet " Esprit du Fils " leur apprend à prier le Père (cf. Ga 4, 6) et, étant devenu leur vie, les fait agir (cf. Ga 5, 25) pour " porter les fruits de l’Esprit " (Ga 5, 22) par la charité en œuvre. Guérissant les blessures du péché, l’Esprit Saint nous " renouvelle intérieurement par une transformation spirituelle " (Ep 4, 23), il nous éclaire et nous fortifie pour vivre en " enfant de lumière " (Ep 5, 8) par " la bonté, la justice et la vérité " en toute chose (Ep 5, 9).

1696. La voie du Christ " mène à la vie ", une voie contraire " mène à la perdition " (Mt 7, 13 ; cf. Dt 30, 15-20). La parabole évangélique des deux voies reste toujours présente dans la catéchèse de l’Église. Elle signifie l’importance des décisions morales pour notre salut. " Il y a deux voies, l’une de la vie, l’autre de la mort ; mais entre les deux, une grande différence " (Didaché 1, 1).

1697. Dans la catéchèse, il importe de révéler en toute clarté la joie et les exigences de la voie du Christ (cf. CT 29). La catéchèse de la " vie nouvelle " (Rm 6, 4) en Lui sera :

une catéchèse du Saint Esprit, Maître intérieur de la vie selon le Christ, doux hôte et ami qui inspire, conduit, rectifie et fortifie cette vie ;

une catéchèse de la grâce, car c’est par grâce que nous sommes sauvés, et c’est encore par la grâce que nos œuvres peuvent porter du fruit pour la vie éternelle ;

une catéchèse des béatitudes, car la voie du Christ est résumée dans les béatitudes, seul chemin vers le bonheur éternel auquel le cœur de l’homme aspire ;

une catéchèse du péché et du pardon, car sans se reconnaître pécheur, l’homme ne peut connaître la vérité sur lui-même, condition de l’agir juste, et sans l’offre du pardon il ne pourrait supporter cette vérité ;

une catéchèse des vertus humaines qui fait saisir la beauté et l’attrait des droites dispositions pour le bien ;

une catéchèse des vertus chrétiennes de foi, d’espérance et de charité qui s’inspire magnanimement de l’exemple des saints ;

une catéchèse du double commandement de la charité déployé dans le Décalogue ;

une catéchèse ecclésiale, car c’est dans les multiples échanges des " biens spirituels " dans la " communion des saints " que la vie chrétienne peut croître, se déployer et se communiquer.

1698. La référence première et ultime de cette catéchèse sera toujours Jésus Christ lui-même qui est " le chemin, la vérité et la vie " (Jn 14, 6). C’est en le regardant dans la foi que les fidèles du Christ peuvent espérer qu’il réalise lui-même en eux ses promesses, et qu’en l’aimant de l’amour dont il les a aimés, ils fassent les œuvres qui correspondent à leur dignité :

Je vous prie de considérer que Jésus Christ notre Seigneur est votre véritable Chef, et que vous êtes un de ses membres. Il est à vous comme le chef est à ses membres ; tout ce qui est à lui est à vous, son esprit, son Cœur, son corps, son âme, et toutes ses facultés, et vous devez en faire usage comme de choses qui sont vôtres, pour servir, louer, aimer et glorifier Dieu. Vous êtes à Lui, comme les membres sont à leur chef. Aussi désire-t-il ardemment faire usage de tout ce qui est en vous, pour le service et la gloire de son Père, comme des choses qui sont à lui (S. Jean Eudes, Le cœur admirable de la Très Sacrée Mère de Dieu, 1, 5 : Oeuvres complètes v. 6 [Paris 1908] p. 113-114).

Ma vie, c’est le Christ (Ph 1, 21).

PREMIERE SECTION : LA VOCATION DE L’HOMME: LA VIE DANS L’ESPRIT

1699. La vie dans l’Esprit Saint accomplit la vocation de l’homme (Chapitre premier). Elle est faite de charité divine et de solidarité humaine (Chapitre deuxième). Elle est gracieusement accordée comme un Salut (Chapitre troisième).

CHAPITRE PREMIER : LA DIGNITE DE LA PERSONNE HUMAINE

1700. La dignité de la personne humaine s’enracine dans sa création à l’image et à la ressemblance de Dieu (article 1) ; elle s’accomplit dans sa vocation à la béatitude divine (article 2). Il appartient à l’être humain de se porter librement à cet achèvement (article 3). Par ses actes délibérés (article 4), la personne humaine se conforme, ou non, au bien promis par Dieu et attesté par la conscience morale (article 5). Les êtres humains s’édifient eux-mêmes et grandissent de l’intérieur : ils font de toute leur vie sensible et spirituelle un matériau de leur croissance (article 6). Avec l’aide de la grâce ils grandissent dans la vertu (article 7), évitent le péché et s’ils l’ont commis, s’en remettent comme l’enfant prodigue (cf. Lc 15, 11-31) à la miséricorde de notre Père des Cieux (article 8). Ils accèdent ainsi à la perfection de la charité.


Article 1. L’homme image de Dieu

1701. " Le Christ, dans la révélation du mystère du Père et de son Amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation " (GS 22, § 1). C’est dans le Christ, " image du Dieu invisible " (Col 1, 15 ; cf. 2 Co 4, 4), que l’homme a été créé à " l’image et à la ressemblance " du Créateur. C’est dans le Christ, rédempteur et sauveur, que l’image divine, altérée dans l’homme par le premier péché, a été restaurée dans sa beauté originelle et ennoblie de la grâce de Dieu (cf. GS 22).

1702. L’image divine est présente en chaque homme. Elle resplendit dans la communion des personnes, à la ressemblance de l’unité des personnes divines entre elles (cf. chapitre deuxième).

1703. Dotée d’une âme " spirituelle et immortelle " (GS 14), la personne humaine est " la seule créature sur la terre que Dieu a voulue pour elle-même " (GS 24, § 3). Dès sa conception, elle est destinée à la béatitude éternelle.

1704. La personne humaine participe à la lumière et à la force de l’Esprit divin. Par la raison, elle est capable de comprendre l’ordre des choses établi par le Créateur. Par sa volonté, elle est capable de se porter d’elle-même vers son bien véritable. Elle trouve sa perfection dans " la recherche et l’amour du vrai et du bien " (GS 15, § 2).

1705. En vertu de son âme et de ses puissances spirituelles d’intelligence et de volonté l’homme est doté de liberté " signe privilégié de l’image divine " (GS 17).

1706. Par sa raison, l’homme connaît la voix de Dieu qui le presse " d’accomplir le bien et d’éviter le mal " (GS 16). Chacun est tenu de suivre cette loi qui résonne dans la conscience et qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain. L’exercice de la vie morale atteste la dignité de la personne.

1707. " Séduit par le Malin, dès le début de l’histoire, l’homme a abusé de sa liberté " (GS 13, § 1). Il a succombé à la tentation et commis le mal. Il conserve le désir du bien, mais sa nature porte la blessure du péché originel. Il est devenu enclin au mal et sujet à l’erreur :

C’est en lui-même que l’homme est divisé. Voici que toute la vie des hommes, individuelle et collective, se manifeste comme une lutte, combien dramatique, entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres (GS 13, § 2).

1708. Par sa passion, le Christ nous a délivrés de Satan et du péché. Il nous a mérité la vie nouvelle dans l’Esprit Saint. Sa grâce restaure ce que le péché avait détérioré en nous.

1709. Celui qui croit au Christ devient fils de Dieu. Cette adoption filiale le transforme en lui donnant de suivre l’exemple du Christ. Elle le rend capable d’agir droitement et de pratiquer le bien. Dans l’union avec son Sauveur, le disciple atteint la perfection de la charité, la sainteté. Mûrie dans la grâce, la vie morale s’épanouit en vie éternelle, dans la gloire du ciel.

EN BREF

1710 " Le Christ manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation " (GS 22, § 1).

1711 Dotée d’une âme spirituelle, d’intelligence et de volonté, la personne humaine est dès sa conception ordonnée à Dieu et destinée à la béatitude éternelle. Elle poursuit sa perfection dans " la recherche et l’amour du vrai et du bien " (GS 15, § 2).

1712 La liberté véritable est en l’homme le " signe privilégié de l’image divine " (GS 17).

1713 L’homme est tenu de suivre la loi morale qui le presse d’ "accomplir le bien et d’éviter le mal " (GS 16). Cette loi résonne dans sa conscience.

1714 L’homme blessé dans sa nature par le péché originel est sujet à l’erreur et enclin au mal dans l’exercice de sa liberté.

1715 Celui qui croit au Christ a la vie nouvelle dans l’Esprit Saint. La vie morale, grandie et mûrie dans la grâce, doit s’accomplir dans la gloire du ciel.


Article 2. Notre vocation a la beatitude

I. Les béatitudes

1716. Les béatitudes sont au cœur de la prédication de Jésus. Leur annonce reprend les promesses faites au peuple élu depuis Abraham. Elle les accomplit en les ordonnant non plus à la seule jouissance d’une terre, mais au Royaume des Cieux :

Bienheureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des cieux est à eux.

Bienheureux les doux, car ils possèderont la terre.

Bienheureux les affligés, car ils seront consolés.

Bienheureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés.

Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.

Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.

Bienheureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.

Bienheureux les persécutés pour la justice, car le Royaume de Dieu est à eux.

Bienheureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi.

Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux

(Mt 5, 3-10).

1717. Les béatitudes dépeignent le visage de Jésus-Christ et en décrivent la charité ; elles expriment la vocation des fidèles associés à la gloire de sa Passion et de sa Résurrection ; elles éclairent les actions et les attitudes caractéristiques de la vie chrétienne ; elles sont les promesses paradoxales qui soutiennent l’espérance dans les tribulations ; elles annoncent les bénédictions et les récompenses déjà obscurément acquises aux disciples ; elles sont inaugurées dans la vie de la Vierge Marie et de tous les saints.

II. Le désir de bonheur

1718. Les béatitudes répondent au désir naturel de bonheur. Ce désir est d’origine divine : Dieu l’a mis dans le cœur de l’homme afin de l’attirer à Lui qui seul peut le combler :

Tous certainement nous voulons vivre heureux, et dans le genre humain il n’est personne qui ne donne son assentiment à cette proposition avant même qu’elle ne soit pleinement énoncée (S. Augustin, mor. eccl. 1, 3, 4 : PL 32, 1312).

Comment est-ce donc que je te cherche, Seigneur ? Puisqu’en te cherchant, mon Dieu, je cherche la vie heureuse, fais que je te cherche pour que vive mon âme, car mon corps vit de mon âme et mon âme vit de toi (S. Augustin, conf. 10, 29).

Dieu seul rassasie (S. Thomas d’A., symb. 1).

1719. Les béatitudes découvrent le but de l’existence humaine, la fin ultime des actes humains : Dieu nous appelle à sa propre béatitude. Cette vocation s’adresse à chacun personnellement, mais aussi à l’ensemble de l’Église, peuple nouveau de ceux qui ont accueilli la promesse et en vivent dans la foi.

III. La béatitude chrétienne

1720. Le Nouveau Testament utilise plusieurs expressions pour caractériser la béatitude à laquelle Dieu appelle l’homme : l’avènement du Royaume de Dieu (cf. Mt 4, 17) ; la vision de Dieu : " Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu " (Mt 5, 8 ; cf. 1 Jn 3, 2 ; 1 Co 13, 12) ; l’entrée dans la joie du Seigneur (cf. Mt 25, 21. 23) ; l’entrée dans le Repos de Dieu (He 4, 7-11) :

Là nous reposerons et nous verrons ; nous verrons et nous aimerons ; nous aimerons et nous louerons. Voilà ce qui sera à la fin sans fin. Et quelle autre fin avons-nous, sinon de parvenir au royaume qui n’aura pas de fin ? (S. Augustin, civ. 22, 30).

1721. Car Dieu nous a mis au monde pour le connaître, le servir et l’aimer et ainsi parvenir en Paradis. La béatitude nous fait participer à la nature divine (1 P 1, 4) et à la Vie éternelle (cf. Jn 17, 3). Avec elle, l’homme entre dans la gloire du Christ (cf. Rm 8, 18) et dans la jouissance de la vie trinitaire.

1722. Une telle béatitude dépasse l’intelligence et les seules forces humaines. Elle résulte d’un don gratuit de Dieu. C’est pourquoi on la dit surnaturelle, ainsi que la grâce qui dispose l’homme à entrer dans la jouissance divine.

" Bienheureux les cœurs purs parce qu’ils verront Dieu ". Certes, selon sa grandeur et son inexprimable gloire, " nul ne verra Dieu et vivra ", car le Père est insaisissable ; mais selon son amour, sa bonté envers les hommes et sa toute-puissance, il va jusqu’à accorder à ceux qui l’aiment le privilège de voir Dieu ... " car ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu " (S. Irénée, hær. 4, 20, 5).

1723. La béatitude promise nous place devant les choix moraux décisifs. Elle nous invite à purifier notre cœur de ses instincts mauvais et à rechercher l’amour de Dieu par dessus tout. Elle nous enseigne que le vrai bonheur ne réside ni dans la richesse ou le bien-être, ni dans la gloire humaine ou le pouvoir, ni dans aucune œuvre humaine, si utile soit-elle, comme les sciences, les techniques et les arts, ni dans aucune créature, mais en Dieu seul, source de tout bien et de tout amour :

La richesse est la grande divinité du jour ; c’est à elle que la multitude, toute la masse des hommes, rend un instinctif hommage. Ils mesurent le bonheur d’après la fortune, et d’après la fortune aussi ils mesurent l’honorabilité ... Tout cela vient de cette conviction qu’avec la richesse on peut tout. La richesse est donc une des idoles du jour et la notoriété en est une autre ... La notoriété, le fait d’être connu et de faire du bruit dans le monde (ce qu’on pourrait nommer une renommée de presse), en est venue à être considérée comme un bien en elle-même, un souverain bien, un objet, elle aussi, de véritable vénération (Newman, mix. 5, sur la sainteté).

1724. Le Décalogue, le Sermon sur la Montagne et la catéchèse apostolique nous décrivent les chemins qui conduisent au Royaume des cieux. Nous nous y engageons pas à pas, par des actes quotidiens, soutenus par la grâce de l’Esprit Saint. Fécondés par la Parole du Christ, lentement nous portons des fruits dans l’Église pour la gloire de Dieu (cf. la parabole du semeur : Mt 13, 3-23).

EN BREF

1725 Les béatitudes reprennent et accomplissent les promesses de Dieu depuis Abraham en les ordonnant au Royaume des cieux. Elles répondent au désir de bonheur que Dieu a placé dans le cœur de l’homme.

1726 Les béatitudes nous enseignent la fin ultime à laquelle Dieu nous appelle : le Royaume, la vision de Dieu, la participation à la nature divine, la vie éternelle, la filiation, le repos en Dieu.

1727 La béatitude de la vie éternelle est un don gratuit de Dieu ; elle est surnaturelle comme la grâce qui y conduit.

1728 Les béatitudes nous placent devant des choix décisifs concernant les biens terrestres ; elles purifient notre cœur pour nous apprendre à aimer Dieu par dessus tout.

1729 La béatitude du Ciel détermine les critères de discernement dans l’usage des biens terrestres conformément à la Loi de Dieu.


Article 3. La liberté de l’homme

1730. Dieu a créé l’homme raisonnable en lui conférant la dignité d’une personne douée de l’initiative et de la maîtrise de ses actes. " Dieu a ‘laissé l’homme à son propre conseil’ (Si 15, 14) pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à Lui, parvenir à la pleine et bienheureuse perfection " (GS 17) :

L’homme est raisonnable, et par là semblable à Dieu, créé libre et maître de ses actes (S. Irénée, hær. 4, 4, 3).

I. Liberté et responsabilité

1731. La liberté est le pouvoir, enraciné dans la raison et la volonté, d’agir ou de ne pas agir, de faire ceci ou cela, de poser ainsi par soi-même des actions délibérées. Par le libre arbitre chacun dispose de soi. La liberté est en l’homme une force de croissance et de maturation dans la vérité et la bonté. La liberté atteint sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu, notre béatitude.

1732. Tant qu’elle ne s’est pas fixée définitivement dans son bien ultime qu’est Dieu, la liberté implique la possibilité de choisir entre le bien et le mal, donc celle de grandir en perfection ou de défaillir et de pécher. Elle caractérise les actes proprement humains. Elle devient source de louange ou de blâme, de mérite ou de démérite.

1733. Plus on fait le bien, plus on devient libre. Il n’y a de liberté vraie qu’au service du bien et de la justice. Le choix de la désobéissance et du mal est un abus de la liberté et conduit à " l’esclavage du péché " (cf. Rm 6, 17).

1734. La liberté rend l’homme responsable de ses actes dans la mesure où ils sont volontaires. Le progrès dans la vertu, la connaissance du bien et l’ascèse accroissent la maîtrise de la volonté sur ses actes.

1735. L’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées voire supprimées par l’ignorance, l’inadvertance, la violence, la crainte, les habitudes, les affections immodérées et d’autres facteurs psychiques ou sociaux.

1736. Tout acte directement voulu est imputable à son auteur :

Ainsi le Seigneur demande à Adam après le péché dans le jardin : " Qu’as-tu fait là ? " (Gn 3, 13). De même à Caïn (cf. Gn 4, 10). Ainsi encore le prophète Nathan au roi David après l’adultère avec la femme d’Urie et le meurtre de celui-ci (cf. 2 S 12, 7-15).

Une action peut être indirectement volontaire quant elle résulte d’une négligence à l’égard de ce qu’on aurait dû connaître ou faire, par exemple un accident provenant d’une ignorance du code de la route.

1737. Un effet peut être toléré sans être voulu par l’agent, par exemple l’épuisement d’une mère au chevet de son enfant malade. L’effet mauvais n’est pas imputable s’il n’a été voulu ni comme fin ni comme moyen de l’action, ainsi la mort reçue en portant secours à une personne en danger. Pour que l’effet mauvais soit imputable, il faut qu’il soit prévisible et que celui qui agit ait la possibilité de l’éviter, par exemple dans le cas d’un homicide commis par un conducteur en état d’ivresse.

1738. La liberté s’exerce dans les rapports entre les êtres humains. Chaque personne humaine, créée à l’image de Dieu, a le droit naturel d’être reconnue comme un être libre et responsable. Tous doivent à chacun ce devoir du respect. Le droit à l’exercice de la liberté est une exigence inséparable de la dignité de la personne humaine, notamment en matière morale et religieuse (cf. DH 2). Ce droit doit être civilement reconnu et protégé dans les limites du bien commun et de l’ordre public (cf. DH 7).

II. La liberté humaine dans l’économie du salut

1739 Liberté et péché. La liberté de l’homme est finie et faillible. De fait, l’homme a failli. Librement, il a péché. En refusant le projet d’amour de Dieu, il s’est trompé lui-même ; il est devenu esclave du péché. Cette aliénation première en a engendré une multitude d’autres. L’histoire de l’humanité, depuis ses origines, témoigne des malheurs et des oppressions nés du cœur de l’homme, par suite d’un mauvais usage de la liberté.

1740 Menaces pour la liberté.L’exercice de la liberté n’implique pas le droit de tout dire et de tout faire. Il est faux de prétendre que " l’homme, sujet de la liberté, se suffit à lui-même en ayant pour fin la satisfaction de son intérêt propre dans la jouissance des biens terrestres " (CDF, instr. " Libertatis conscientia " 13). Par ailleurs, les conditions d’ordre économique et social, politique et culturel requises pour un juste exercice de la liberté sont trop souvent méconnues et violées. Ces situations d’aveuglement et d’injustice grèvent la vie morale et placent aussi bien les forts que les faibles en tentation de pécher contre la charité. En s’écartant de la loi morale, l’homme porte atteinte à sa propre liberté, il s’enchaîne à lui-même, rompt la fraternité de ses semblables et se rebelle contre la vérité divine.

1741 Libération et salut. Par sa Croix glorieuse, le Christ a obtenu le salut de tous les hommes. Il les a rachetés du péché qui les détenait en esclavage. " C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés " (Ga 5, 1). En Lui, nous communions à " la vérité qui nous rend libres " (Jn 8, 32). L’Esprit Saint nous a été donné et, comme l’enseigne l’Apôtre, " là où est l’Esprit, là est la liberté " (2 Co 3, 17). Dès maintenant, nous nous glorifions de la " liberté des enfants de Dieu " (Rm 8, 21).

1742 Liberté et grâce. La grâce du Christ ne se pose nullement en concurrente de notre liberté, quand celle-ci correspond au sens de la vérité et du bien que Dieu a placé dans le cœur de l’homme. Au contraire, comme l’expérience chrétienne en témoigne notamment dans la prière, plus nous sommes dociles aux impulsions de la grâce, plus s’accroissent notre liberté intime et notre assurance dans les épreuves, comme devant les pressions et les contraintes du monde extérieur. Par le travail de la grâce, l’Esprit Saint nous éduque à la liberté spirituelle pour faire de nous de libres collaborateurs de son œuvre dans l’Église et dans le monde :

Dieu qui es bon et tout-puissant, éloigne de nous ce qui nous arrête, afin que sans aucune entrave, ni d’esprit ni de corps, nous soyons libres pour accomplir ta volonté (MR, collecte du 32e dimanche).

EN BREF

1743 " Dieu a laissé l’homme à son propre conseil " (Si 15, 14) pour qu’il puisse librement adhérer à son Créateur et parvenir ainsi à la bienheureuse perfection (cf. GS 17, § 1).

1744 La liberté est le pouvoir d’agir ou de ne pas agir et de poser ainsi par soi-même des actions délibérées. Elle atteint la perfection de son acte quand elle est ordonnée à Dieu, le souverain Bien.

1745 La liberté caractérise les actes proprement humains. Elle rend l’être humain responsable des actes dont il est volontairement l’auteur. Son agir délibéré lui appartient en propre.

1746 L’imputabilité ou la responsabilité d’une action peut être diminuée ou supprimée par l’ignorance, la violence, la crainte et d’autres facteurs psychiques ou sociaux.

1747 Le droit à l’exercice de la liberté est une exigence inséparable de la dignité de l’homme, notamment en matière religieuse et morale. Mais l’exercice de la liberté n’implique pas le droit supposé de tout dire ni de tout faire.

1748 " C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés " (Ga 5, 1).


Article 4. La moralité des actes humains

1749. La liberté fait de l’homme un sujet moral. Quand il agit de manière délibérée, l’homme est, pour ainsi dire, le père de ses actes. Les actes humains, c’est-à-dire librement choisis par suite d’un jugement de conscience, sont moralement qualifiables. Ils sont bons ou mauvais.

I. Les sources de la moralité

1750 La moralité des actes humains dépend :

– de l’objet choisi ;

– de la fin visée ou l’intention ;

– des circonstances de l’action.

L’objet, l’intention et les circonstances forment les " sources ", ou éléments constitutifs, de la moralité des actes humains.

1751. L’objet choisi est un bien vers lequel se porte délibérément la volonté. Il est la matière d’un acte humain. L’objet choisi spécifie moralement l’acte du vouloir, selon que la raison le reconnaît et le juge conforme ou non au bien véritable. Les règles objectives de la moralité énoncent l’ordre rationnel du bien et du mal, attesté par la conscience.

1752. Face à l’objet, l’intention se place du côté du sujet agissant. Parce qu’elle se tient à la source volontaire de l’action et la détermine par la fin, l’intention est un élément essentiel dans la qualification morale de l’action. La fin est le terme premier de l’intention et désigne le but poursuivi dans l’action. L’intention est un mouvement de la volonté vers la fin ; elle regarde le terme de l’agir. Elle est la visée du bien attendu de l’action entreprise. Elle ne se limite pas à la direction de nos actions singulières, mais peut ordonner vers un même but des actions multiples ; elle peut orienter toute la vie vers la fin ultime. Par exemple, un service rendu a pour fin d’aider le prochain, mais peut être inspiré en même temps par l’amour de Dieu comme fin ultime de toutes nos actions. Une même action peut aussi être inspirée par plusieurs intentions, comme de rendre service pour obtenir une faveur ou pour en tirer vanité.

1753. Une intention bonne (par exemple : aider le prochain) ne rend ni bon ni juste un comportement en lui-même désordonné (comme le mensonge et la médisance). La fin ne justifie pas les moyens. Ainsi ne peut-on pas justifier la condamnation d’un innocent comme un moyen légitime de sauver le peuple. Par contre, une intention mauvaise surajoutée (ainsi la vaine gloire) rend mauvais un acte qui, de soi, peut être bon (comme l’aumône ; cf. Mt 6, 2-4).

1754. Les circonstances, y compris les conséquences, sont les éléments secondaires d’un acte moral. Elles contribuent à aggraver ou à diminuer la bonté ou la malice morale des actes humains (par exemple le montant d’un vol). Elles peuvent aussi atténuer ou augmenter la responsabilité de l’agent (ainsi agir par crainte de la mort). Les circonstances ne peuvent de soi modifier la qualité morale des actes eux-mêmes ; elles ne peuvent rendre ni bonne, ni juste une action en elle-même mauvaise.

II. Les actes bons et les actes mauvais

1755. L’acte moralement bon suppose à la fois la bonté de l’objet, de la fin et des circonstances. Une fin mauvaise corrompt l’action, même si son objet est bon en soi (comme de prier et de jeûner " pour être vu des hommes ").

L’objet du choix peut à lui seul vicier l’ensemble d’un agir. Il y a des comportements concrets – comme la fornication – qu’il est toujours erroné de choisir, parce que leur choix comporte un désordre de la volonté, c’est-à-dire un mal moral.

1756. Il est donc erroné de juger de la moralité des actes humains en ne considérant que l’intention qui les inspire, ou les circonstances (milieu, pression sociale, contrainte ou nécessité d’agir, etc.) qui en sont le cadre. Il y a des actes qui par eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances et des intentions, sont toujours gravement illicites en raison de leur objet ; ainsi le blasphème et le parjure, l’homicide et l’adultère. Il n’est pas permis de faire le mal pour qu’il en résulte un bien.

EN BREF

1757 L’objet, l’intention et les circonstances constituent les trois " sources " de la moralité des actes humains.

1758 L’objet choisi spécifie moralement l’acte du vouloir selon que la raison le reconnaît et le juge bon ou mauvais.

1759 " On ne peut justifier une action mauvaise faite avec une bonne intention " (S. Thomas d’A., dec. præc. 6). La fin ne justifie pas les moyens.

1760 L’acte moralement bon suppose à la fois la bonté de l’objet, de la fin et des circonstances.

1761 Il y a des comportements concrets qu’il est toujours erroné de choisir parce que leur choix comporte un désordre de la volonté, c’est-à-dire un mal moral. Il n’est pas permis de faire le mal pour qu’il en résulte un bien.


Article 5. La moralité des passions

1762. La personne humaine s’ordonne à la béatitude par ses actes délibérés : les passions ou sentiments qu’elle éprouve peuvent l’y disposer et y contribuer.

I. Les Passions

1763. Le terme de " passions " appartient au patrimoine chrétien. Les sentiments ou passions désignent les émotions ou mouvements de la sensibilité, qui inclinent à agir ou à ne pas agir en vue de ce qui est ressenti ou imaginé comme bon ou comme mauvais.

1764. Les passions sont des composantes naturelles du psychisme humain, elles forment le lieu de passage et assurent le lien entre la vie sensible et la vie de l’esprit. Notre Seigneur désigne le cœur de l’homme comme la source d’où jaillit le mouvement des passions (cf. Mc 7, 21).

1765. Les passions sont nombreuses. La passion la plus fondamentale est l’amour provoqué par l’attrait du bien. L’amour cause le désir du bien absent et l’espoir de l’obtenir. Ce mouvement s’achève dans le plaisir et la joie du bien possédé. L’appréhension du mal cause la haine, l’aversion et la crainte du mal à venir. Ce mouvement s’achève dans la tristesse du mal présent ou la colère qui s’y oppose.

1766. " Aimer, c’est vouloir du bien à quelqu’un " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 26, 4). Toutes les autres affections ont leur source dans ce mouvement originel du cœur de l’homme vers le bien. Il n’y a que le bien qui soit aimé (cf. S. Augustin, Trin. 8, 3, 4). " Les passions sont mauvaises si l’amour est mauvais, bonnes s’il est bon " (S. Augustin, civ.14, 7).

II. Passions et vie morale

1767. En elles-mêmes, les passions ne sont ni bonnes ni mauvaises. Elles ne reçoivent de qualification morale que dans la mesure où elles relèvent effectivement de la raison et de la volonté. Les passions sont dites volontaires, " ou bien parce qu’elles sont commandées par la volonté, ou bien parce que la volonté n’y fait pas obstacle " (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 24, 1). Il appartient à la perfection du bien moral ou humain que les passions soient réglées par la raison (cf. s. th. 2-2, 24, 3).

1768. Les grands sentiments ne décident ni de la moralité, ni de la sainteté des personnes ; ils sont le réservoir inépuisable des images et des affections où s’exprime la vie morale. Les passions sont moralement bonnes quand elles contribuent à une action bonne, et mauvaises dans le cas contraire. La volonté droite ordonne au bien et à la béatitude les mouvements sensibles qu’elle assume ; la volonté mauvaise succombe aux passions désordonnées et les exacerbe. Les émotions et sentiments peuvent être assumés dans les vertus, ou pervertis dans les vices.

1769. Dans la vie chrétienne, l’Esprit Saint lui-même accomplit son œuvre en mobilisant l’être tout entier y compris ses douleurs, craintes et tristesses, comme il apparaît dans l’Agonie et la Passion du Seigneur. Dans le Christ, les sentiments humains peuvent recevoir leur consommation dans la charité et la béatitude divine.

1770. La perfection morale est que l’homme ne soit pas mû au bien par sa volonté seulement, mais aussi par son appétit sensible selon cette parole du Psaume : " Mon cœur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant " (Ps 84, 3).

EN BREF

1771 Le terme " passions " désigne les affections ou les sentiments. A travers ses émotions, l’homme pressent le bien et soupçonne le mal.

1772 Les principales passions sont l’amour et la haine, le désir et la crainte, la joie, la tristesse et la colère.

1773 Dans les passions comme mouvements de la sensibilité, il n’y a ni bien ni mal moral. Mais selon qu’elles relèvent ou non de la raison et de la volonté, il y a en elles bien ou mal moral.

1774 Les émotions et les sentiments peuvent être assumés dans les vertus, ou pervertis dans les vices.

1775 La perfection du bien moral est que l’homme ne soit pas mû au bien par sa seule volonté mais aussi par son " cœur ".


Article 6. La conscience morale

1776. " Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur ... C’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme. La conscience est le centre le plus intime et le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre " (GS 16).

I. Le jugement de conscience

1777. Présente au cœur de la personne, la conscience morale (cf. Rm 2, 14-16), lui enjoint, au moment opportun, d’accomplir le bien et d’éviter le mal. Elle juge aussi les choix concrets, approuvant ceux qui sont bons, dénonçant ceux qui sont mauvais (cf. Rm 1, 32). Elle atteste l’autorité de la vérité en référence au Bien suprême dont la personne humaine reçoit l’attirance et accueille les commandements. Quand il écoute la conscience morale, l’homme prudent peut entendre Dieu qui parle.

1778. La conscience morale est un jugement de la raison par lequel la personne humaine reconnaît la qualité morale d’un acte concret qu’elle va poser, est en train d’exécuter ou a accompli. En tout ce qu’il dit et fait, l’homme est tenu de suivre fidèlement ce qu’il sait être juste et droit. C’est par le jugement de sa conscience que l’homme perçoit et reconnaît les prescriptions de la loi divine :

La conscience est une loi de notre esprit, mais qui dépasse notre esprit, qui nous fait des injonctions, qui signifie responsabilité et devoir, crainte et espérance ... Elle est la messagère de Celui qui, dans le monde de la nature comme dans celui de la grâce, nous parle à travers le voile, nous instruit et nous gouverne. La conscience est le premier de tous les vicaires du Christ (Newman, lettre au Duc de Norfolk 5).

1779. Il importe à chacun d’être assez présent à lui-même pour entendre et suivre la voix de sa conscience. Cette requête d’intériorité est d’autant plus nécessaire que la vie nous expose souvent à nous soustraire à toute réflexion, examen ou retour sur soi :

Fais retour à ta conscience, interroge-la ... Retournez, frères, à l’intérieur et en tout ce que vous faites, regardez le Témoin, Dieu (S. Augustin, ep. Jo. 8, 9).

1780. La dignité de la personne humaine implique et exige la rectitude de la conscience morale. La conscience morale comprend la perception des principes de la moralité (" syndérèse "), leur application dans les circonstances données par un discernement pratique des raisons et des biens et, en conclusion, le jugement porté sur les actes concrets à poser ou déjà posés. La vérité sur le bien moral, déclarée dans la loi de la raison, est reconnue pratiquement et concrètement par le jugement prudent de la conscience. On appelle prudent l’homme qui choisit conformément à ce jugement.

1781. La conscience permet d’assumer la responsabilité des actes posés. Si l’homme commet le mal, le juste jugement de la conscience peut demeurer en lui le témoin de la vérité universelle du bien, en même temps que de la malice de son choix singulier. Le verdict du jugement de conscience demeure un gage d’espérance et de miséricorde. En attestant la faute commise, il rappelle le pardon à demander, le bien à pratiquer encore et la vertu à cultiver sans cesse avec la grâce de Dieu :

Devant Lui, nous apaisons notre cœur, parce que, si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout (1 Jn 3, 19-20).

1782. L’homme a le droit d’agir en conscience et en liberté afin de prendre personnellement les décisions morales. " L’homme ne doit pas être contraint d’agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non plus d’agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse " (DH 3).

II. La formation de la conscience

1783. La conscience doit être informée et le jugement moral éclairé. Une conscience bien formée est droite et véridique. Elle formule ses jugements suivant la raison, conformément au bien véritable voulu par la sagesse du Créateur. L’éducation de la conscience est indispensable à des êtres humains soumis à des influences négatives et tentés par le péché de préférer leur jugement propre et de récuser les enseignements autorisés.

1784. L’éducation de la conscience est une tâche de toute la vie. Dès les premières années, elle éveille l’enfant à la connaissance et à la pratique de la loi intérieure reconnue par la conscience morale. Une éducation prudente enseigne la vertu ; elle préserve ou guérit de la peur, de l’égoïsme et de l’orgueil, des ressentiments de la culpabilité et des mouvements de complaisance, nés de la faiblesse et des fautes humaines. L’éducation de la conscience garantit la liberté et engendre la paix du cœur.

1785. Dans la formation de la conscience la Parole de Dieu est la lumière sur notre route ; il nous faut l’assimiler dans la foi et la prière, et la mettre en pratique. Il nous faut encore examiner notre conscience au regard de la Croix du Seigneur. Nous sommes assistés des dons de l’Esprit Saint, aidés par le témoignage ou les conseils d’autrui et guidés par l’enseignement autorisé de l’Église (cf. DH 14).

III. Les choix de la conscience

1786. Mise en présence d’un choix moral, la conscience peut porter soit un jugement droit en accord avec la raison et avec la loi divine, soit au contraire, un jugement erroné qui s’en éloigne.

1787. L’homme est quelquefois affronté à des situations qui rendent le jugement moral moins assuré et la décision difficile. Mais il doit toujours rechercher ce qui est juste et bon et discerner la volonté de Dieu exprimée dans la loi divine.

1788. A cet effet, l’homme s’efforce d’interpréter les données de l’expérience et les signes des temps grâce à la vertu de prudence, aux conseils des personnes avisées et à l’aide de l’Esprit Saint et de ses dons.

1789. Quelques règles s’appliquent dans tous les cas :

– Il n’est jamais permis de faire le mal pour qu’il en résulte un bien.

– La " règle d’or " : " Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux " (Mt 7, 12 ; cf. Lc 6, 31 ; Tb 4, 15).

– La charité passe toujours par le respect du prochain et de sa conscience : " En parlant contre les frères et en blessant leur conscience ..., c’est contre le Christ que vous péchez " (1 Co 8, 12). " Ce qui est bien, c’est de s’abstenir... de tout ce qui fait buter ou tomber ou faiblir ton frère " (Rm 14, 21).

IV. le jugement erroné

1790. L’être humain doit toujours obéir au jugement certain de sa conscience. S’il agissait délibérément contre ce dernier, il se condamnerait lui-même. Mais il arrive que la conscience morale soit dans l’ignorance et porte des jugements erronés sur des actes à poser ou déjà commis.

1791. Cette ignorance peut souvent être imputée à la responsabilité personnelle. Il en va ainsi, " lorsque l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu la conscience presque aveugle " (GS 16). En ces cas, la personne est coupable du mal qu’elle commet.

1792. L’ignorance du Christ et de son Évangile, les mauvais exemples donnés par autrui, la servitude des passions, la prétention à une autonomie mal entendue de la conscience, le refus de l’autorité de l’Église et de son enseignement, le manque de conversion et de charité peuvent être à l’origine des déviations du jugement dans la conduite morale.

1793. Si – au contraire – l’ignorance est invincible, ou le jugement erroné sans responsabilité du sujet moral, le mal commis par la personne ne peut lui être imputé. Il n’en demeure pas moins un mal, une privation, un désordre. Il faut donc travailler à corriger la conscience morale de ses erreurs.

1794. La conscience bonne et pure est éclairée par la foi véritable. Car la charité procède en même temps " d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sans détours " (1 Tm 1, 5 ; cf. 3, 9 ; 2 Tm 1, 3 ; 1 P 3, 21 ; Ac 24, 16) :

Plus la conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux règles objectives de la moralité (GS 16).

EN BREF

1795 " La conscience est le centre le plus intime et le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est le seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre " (GS 16).

1796 La conscience morale est un jugement de la raison par lequel la personne humaine reconnaît la qualité morale d’un acte concret.

1797 Pour l’homme qui a commis le mal, le verdict de sa conscience demeure un gage de conversion et d’espérance.

1798 Une conscience bien formée est droite et véridique. Elle formule ses jugements suivant la raison, conformément au bien véritable voulu par la sagesse du Créateur. Chacun doit prendre les moyens de former sa conscience.

1799 Mise en présence d’un choix moral, la conscience peut porter soit un jugement droit en accord avec la raison et avec la loi divine, soit au contraire, un jugement erroné qui s’en éloigne.

1800 L’être humain doit toujours obéir au jugement certain de sa conscience.

1801 La conscience morale peut rester dans l’ignorance ou porter des jugements erronés. Ces ignorances et ces erreurs ne sont pas toujours exemptes de culpabilité.

1802 La Parole de Dieu est une lumière sur nos pas. Il nous faut l’assimiler dans la foi et dans la prière, et la mettre en pratique. Ainsi se forme la conscience morale.


Article 7. Les vertus

1803. " Tout ce qui est vrai, tout ce qui est digne, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui a bon renom, s’il est quelque vertu et s’il est quelque chose de louable, que ce soit pour vous ce qui compte " (Ph 4, 8).

La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le bien. Elle permet à la personne, non seulement d’accomplir des actes bons, mais de donner le meilleur d’elle-même. De toutes ses forces sensibles et spirituelles, la personne vertueuse tend vers le bien ; elle le poursuit et le choisit en des actions concrètes.

Le but d’une vie vertueuse consiste à devenir semblable à Dieu (S. Grégoire de Nysse, beat. 1 : PG 44, 1200D).

I. Les vertus humaines

1804. Les vertus humaines sont des attitudes fermes, des dispositions stables, des perfections habituelles de l’intelligence et de la volonté qui règlent nos actes, ordonnent nos passions et guident notre conduite selon la raison et la foi. Elles procurent facilité, maîtrise et joie pour mener une vie moralement bonne. L’homme vertueux, c’est celui qui librement pratique le bien.

Les vertus morales sont humainement acquises. Elles sont les fruits et les germes des actes moralement bons ; elles disposent toutes les puissances de l’être humain à communier à l’amour divin.

Distinction des vertus cardinales

1805. Quatre vertus jouent un rôle charnière. Pour cette raison on les appelle " cardinales " ; toutes les autres se regroupent autour d’elles. Ce sont : la prudence, la justice, la force et la tempérance. " Aime-t-on la rectitude ? Les vertus sont les fruits de ses travaux, car elle enseigne tempérance et prudence, justice et courage " (Sg 8, 7). Sous d’autres noms, ces vertus sont louées dans de nombreux passages de l’Écriture.

1806. La prudence est la vertu qui dispose la raison pratique à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir. " L’homme avisé surveille ses pas " (Pr 14, 15). " Soyez sages et sobres en vue de la prière " (1 P 4, 7). La prudence est la " droite règle de l’action ", écrit saint Thomas (s. th. 2-2, 47, 2) après Aristote. Elle ne se confond ni avec la timidité ou la peur, ni avec la duplicité ou la dissimulation. Elle est dite auriga virtutum : elle conduit les autres vertus en leur indiquant règle et mesure. C’est la prudence qui guide immédiatement le jugement de conscience. L’homme prudent décide et ordonne sa conduite suivant ce jugement. Grâce à cette vertu, nous appliquons sans erreur les principes moraux aux cas particuliers et nous surmontons les doutes sur le bien à accomplir et le mal à éviter.

1807. La justice est la vertu morale qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû. La justice envers Dieu est appelée " vertu de religion ". Envers les hommes, elle dispose à respecter les droits de chacun et à établir dans les relations humaines l’harmonie qui promeut l’équité à l’égard des personnes et du bien commun. L’homme juste, souvent évoqué dans les Livres saints, se distingue par la droiture habituelle de ses pensées et la rectitude de sa conduite envers le prochain. " Tu n’auras ni faveur pour le petit, ni complaisance pour le grand ; c’est avec justice que tu jugeras ton prochain " (Lv 19, 15). " Maîtres, accordez à vos esclaves le juste et l’équitable, sachant que, vous aussi, vous avez un Maître au ciel " (Col 4, 1).

1808. La force est la vertu morale qui assure dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du bien. Elle affermit la résolution de résister aux tentations et de surmonter les obstacles dans la vie morale. La vertu de force rend capable de vaincre la peur, même de la mort, d’affronter l’épreuve et les persécutions. Elle dispose à aller jusqu’au renoncement et au sacrifice de sa vie pour défendre une juste cause. " Ma force et mon chant, c’est le Seigneur " (Ps 118, 14). " Dans le monde, vous aurez de l’affliction, mais courage, moi j’ai vaincu le monde " (Jn 16, 33).

1809. La tempérance est la vertu morale qui modère l’attrait des plaisirs et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés. Elle assure la maîtrise de la volonté sur les instincts et maintient les désirs dans les limites de l’honnêteté. La personne tempérante oriente vers le bien ses appétits sensibles, garde une saine discrétion et " ne se laisse pas entraîner pour suivre les passions de son cœur " (Si 5, 2 ; cf. 37, 27-31). La tempérance est souvent louée dans l’Ancien Testament : " Ne te laisse pas aller à tes convoitises, réprime tes appétits " (Si 18, 30). Dans le Nouveau Testament, elle est appelée " modération " ou " sobriété ". Nous devons " vivre avec modération, justice et piété dans le monde présent " (Tt 2, 12).

Bien vivre n’est autre chose qu’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de tout son agir. On Lui conserve un amour entier (par la tempérance) que nul malheur ne peut ébranler (ce qui relève de la force), qui n’obéit qu’à Lui seul (et ceci est la justice), qui veille pour discerner toutes choses de peur de se laisser surprendre par la ruse et le mensonge (et ceci est la prudence) (S. Augustin, mor. eccl. 1, 25, 46 : PL 32, 1330-1331).

Les vertus et la grâce

1810. Les vertus humaines acquises par l’éducation, par des actes délibérés et par une persévérance toujours reprise dans l’effort, sont purifiées et élevées par la grâce divine. Avec l’aide de Dieu, elles forgent le caractère et donnent aisance dans la pratique du bien. L’homme vertueux est heureux de les pratiquer.

1811. Il n’est pas facile pour l’homme blessé par le péché de garder l’équilibre moral. Le don du salut par le Christ nous accorde la grâce nécessaire pour persévérer dans la recherche des vertus. Chacun doit toujours demander cette grâce de lumière et de force, recourir aux sacrements, coopérer avec le Saint-Esprit, suivre ses appels à aimer le bien et à se garder du mal.

II. Les vertus théologales

1812. Les vertus humaines s’enracinent dans les vertus théologales qui adaptent les facultés de l’homme à la participation de la nature divine (cf. 2 P 1, 4). Car les vertus théologales se réfèrent directement à Dieu. Elles disposent les chrétiens à vivre en relation avec la Sainte Trinité. Elles ont Dieu Un et Trine pour origine, pour motif et pour objet.

1813. Les vertus théologales fondent, animent et caractérisent l’agir moral du chrétien. Elles informent et vivifient toutes les vertus morales. Elles sont infusées par Dieu dans l’âme des fidèles pour les rendre capables d’agir comme ses enfants et de mériter la vie éternelle. Elles sont le gage de la présence et de l’action du Saint Esprit dans les facultés de l’être humain. Il y a trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité (cf. 1 Co 13, 13).

La foi

1814. La foi est la vertu théologale par laquelle nous croyons en Dieu et à tout ce qu’Il nous a dit et révélé, et que la Sainte Église nous propose à croire, parce qu’Il est la vérité même. Par la foi " l’homme s’en remet tout entier librement à Dieu " (DV 5). C’est pourquoi le croyant cherche à connaître et à faire la volonté de Dieu. " Le juste vivra de la foi " (Rm 1, 17). La foi vivante " agit par la charité " (Ga 5, 6).

1815. Le don de la foi demeure en celui qui n’a pas péché contre elle (cf. Cc. Trente : DS 1545). Mais " sans les œuvres, la foi est morte " (Jc 2, 26) : privée de l’espérance et de l’amour, la foi n’unit pas pleinement le fidèle au Christ et n’en fait pas un membre vivant de son Corps.

1816. Le disciple du Christ ne doit pas seulement garder la foi et en vivre, mais encore la professer, en témoigner avec assurance et la répandre : " Tous doivent être prêts à confesser le Christ devant les hommes et à le suivre sur le chemin de la Croix, au milieu des persécutions qui ne manquent jamais à l’Église " (LG 42 ; cf. DH 14). Le service et le témoignage de la foi sont requis pour le Salut : " Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, je me déclarerai, moi aussi, pour lui devant mon Père qui est aux cieux ; mais celui qui me reniera devant les hommes, je le renierai, moi aussi, devant mon Père qui est aux cieux " (Mt 10, 32-33).

L’espérance

1817. L’espérance est la vertu théologale par laquelle nous désirons comme notre bonheur le Royaume des cieux et la Vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit. " Gardons indéfectible la confession de l’espérance, car celui qui a promis est fidèle " (He 10, 23). " Cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par la grâce du Christ, nous obtenions en espérance l’héritage de la vie éternelle " (Tt 3, 6-7).

1818. La vertu d’espérance répond à l’aspiration au bonheur placée par Dieu dans le cœur de tout homme ; elle assume les espoirs qui inspirent les activités des hommes ; elle les purifie pour les ordonner au Royaume des cieux ; elle protège du découragement ; elle soutient en tout délaissement ; elle dilate le cœur dans l’attente de la béatitude éternelle. L’élan de l’espérance préserve de l’égoïsme et conduit au bonheur de la charité.

1819. L’espérance chrétienne reprend et accomplit l’espérance du peuple élu qui trouve son origine et son modèle dans l’espérance d’Abraham comblé en Isaac des promesses de Dieu et purifié par l’épreuve du sacrifice (cf. Gn 17, 4-8 ; 22, 1-18). " Espérant contre toute espérance, il crut et devint ainsi père d’une multitude de peuples " (Rm 4, 18).

1820. L’espérance chrétienne se déploie dès le début de la prédication de Jésus dans l’annonce des béatitudes. Les béatitudes élèvent notre espérance vers le Ciel comme vers la nouvelle Terre promise ; elles en tracent le chemin à travers les épreuves qui attendent les disciples de Jésus. Mais par les mérites de Jésus Christ et de sa passion, Dieu nous garde dans " l’espérance qui ne déçoit pas " (Rm 5, 5). L’espérance est " l’ancre de l’âme ", sûre et ferme, " qui pénètre ... là où est entré pour nous, en précurseur, Jésus " (He 6, 19-20). Elle est aussi une arme qui nous protège dans le combat du salut : " Revêtons la cuirasse de la foi et de la charité, avec le casque de l’espérance du salut " (1 Th 5, 8). Elle nous procure la joie dans l’épreuve même : " avec la joie de l’espérance, constants dans la tribulation " (Rm 12, 12). Elle s’exprime et se nourrit dans la prière, tout particulièrement dans celle du Pater, résumé de tout ce que l’espérance nous fait désirer.

1821. Nous pouvons donc espérer la gloire du ciel promise par Dieu à ceux qui l’aiment (cf. Rm 8, 28-30) et font sa volonté (cf. Mt 7, 21). En toute circonstance, chacun doit espérer, avec la grâce de Dieu, " persévérer jusqu’à la fin " (cf. Mt 10, 22 ; cf. Cc. Trente : DS 1541) et obtenir la joie du ciel, comme l’éternelle récompense de Dieu pour les bonnes œuvres accomplies avec la grâce du Christ. Dans l’espérance l’Église prie que " tous les hommes soient sauvés " (1 Tm 2, 4). Elle aspire à être, dans la gloire du ciel, unie au Christ, son Epoux :

Espère, ô mon âme, espère. Tu ignores le jour et l’heure. Veille soigneusement, tout passe avec rapidité, quoique ton impatience rende douteux ce qui est certain, et long un temps bien court. Songe que plus tu combattras, plus tu prouveras l’amour que tu portes à ton Dieu, et plus tu te réjouiras un jour avec ton Bien-Aimé, dans un bonheur et un ravissement qui ne pourront jamais finir (Ste. Thérèse de Jésus, excl. 15, 3).

La charité

1822. La charité est la vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toute chose pour Lui-même, et notre prochain comme nous-mêmes pour l’amour de Dieu.

1823. Jésus fait de la charité le commandement nouveau (cf. Jn 13, 34). En aimant les siens " jusqu’à la fin " (Jn 13, 1), il manifeste l’amour du Père qu’il reçoit. En s’aimant les uns les autres, les disciples imitent l’amour de Jésus qu’ils reçoivent aussi en eux. C’est pourquoi Jésus dit : " Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour " (Jn 15, 9). Et encore : " Voici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 15, 12).

1824. Fruit de l’Esprit et plénitude de la loi, la charité garde les commandements de Dieu et de son Christ : " Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour " (Jn 15, 9-10 ; cf. Mt 22, 40 ; Rm 13, 8-10).

1825. Le Christ est mort par amour pour nous alors que nous étions encore " ennemis " (Rm 5, 10). Le Seigneur nous demande d’aimer comme Lui jusqu’à nos ennemis (Mt 5, 44), de nous faire le prochain du plus lointain (cf. Lc 10, 27-37), d’aimer les enfants (cf. Mc 9, 37) et les pauvres comme Lui-même (cf. Mt 25, 40. 45).

L’apôtre saint Paul a donné un incomparable tableau de la charité : " La charité prend patience, la charité rend service, elle ne jalouse pas, elle ne plastronne pas, elle ne s’enfle pas d’orgueil, elle ne fait rien de laid, elle ne cherche pas son intérêt, elle ne s’irrite pas, elle n’entretient pas de rancune, elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle trouve sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle endure tout " (1 Co 13, 4-7).

1826. " Sans la charité, dit encore l’Apôtre, je ne suis rien ... ". Et tout ce qui est privilège, service, vertu même ... " sans la charité, cela ne me sert de rien " (1 Co 13, 1-4). La charité est supérieure à toutes les vertus. Elle est la première des vertus théologales : " Les trois demeurent : la foi, l’espérance et la charité. Mais la charité est la plus grande " (1 Co 13, 13).

1827. L’exercice de toutes les vertus est animé et inspiré par la charité. Celle-ci est le " lien de la perfection " (Col 3, 14) ; elle est la forme des vertus ; elle les articule et les ordonne entre elles ; elle est source et terme de leur pratique chrétienne. La charité assure et purifie notre puissance humaine d’aimer. Elle l’élève à la perfection surnaturelle de l’amour divin.

1828. La pratique de la vie morale animée par la charité donne au chrétien la liberté spirituelle des enfants de Dieu. Il ne se tient plus devant Dieu comme un esclave, dans la crainte servile, ni comme le mercenaire en quête de salaire, mais comme un fils qui répond à l’amour de " celui qui nous a aimés le premier " (1 Jn 4, 19) :

Ou bien nous nous détournons du mal par crainte du châtiment, et nous sommes dans la disposition de l’esclave. Ou bien nous poursuivons l’appât de la récompense et nous ressemblons aux mercenaires. Ou enfin c’est pour le bien lui-même et l’amour de celui qui commande que nous obéissons ... et nous sommes alors dans la disposition des enfants (S. Basile, reg. fus. prol. 3 : PG 31, 896B).

1829. La charité a pour fruits la joie, la paix et la miséricorde ; elle exige la bienfaisance et la correction fraternelle ; elle est bienveillance ; elle suscite la réciprocité, demeure désintéressée et libérale ; elle est amitié et communion :

L’achèvement de toutes nos œuvres, c’est la dilection. Là est la fin ; c’est pour l’obtenir que nous courons, c’est vers elle que nous courons ; une fois arrivés, c’est en elle que nous nous reposerons (S. Augustin, ep. Jo. 10, 4).

III. Les dons et les Fruits du Saint-Esprit

1830. La vie morale des chrétiens est soutenue par les dons du Saint-Esprit. Ceux-ci sont des dispositions permanentes qui rendent l’homme docile à suivre les impulsions de l’Esprit Saint.

1831. Les sept dons du Saint-Esprit sont la sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la science, la piété et la crainte de Dieu. Ils appartiennent en leur plénitude au Christ, Fils de David (cf. Is 11, 1-2). Ils complètent et mènent à leur perfection les vertus de ceux qui les reçoivent. Ils rendent les fidèles dociles à obéir avec promptitude aux inspirations divines.

Que ton Esprit bon me conduise sur une terre unie (Ps 143, 10).

Tout ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu... Enfants et donc héritiers ; héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ (Rm 8, 14. 17).

1832. Les fruits de l’Esprit sont des perfections que forme en nous le Saint-Esprit comme des prémices de la gloire éternelle. La tradition de l’Église en énumère douze : " charité, joie, paix, patience, longanimité, bonté, bénignité, mansuétude, fidélité, modestie, continence, chasteté " (Ga 5, 22-23 vulg.).

EN BREF

1833 La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le bien.

1834 Les vertus humaines sont des dispositions stables de l’intelligence et de la volonté, qui règlent nos actes, ordonnent nos passions et guident notre conduite selon la raison et la foi. Elles peuvent être regroupées autour de quatre vertus cardinales : la prudence, la justice, la force et la tempérance.

1835 La prudence dispose la raison pratique à discerner, en toute circonstance, notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir.

1836 La justice consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui lui est dû.

1837 La force assure, dans les difficultés, la fermeté et la constance dans la poursuite du bien.

1838 La tempérance modère l’attrait des plaisirs sensibles et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés.

1839 Les vertus morales grandissent par l’éducation, par des actes délibérés et par la persévérance dans l’effort. La grâce divine les purifie et les élève.

1840 Les vertus théologales disposent les chrétiens à vivre en relation avec la Sainte Trinité. Elles ont Dieu pour origine, pour motif et pour objet, Dieu connu par la foi, espéré et aimé pour Lui-même.

1841 Il y a trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité (cf. 1 Co 13, 13). Elles informent et vivifient toutes les vertus morales.

1842 Par la foi nous croyons en Dieu et nous croyons tout ce qu’Il nous a révélé et que la Sainte Église nous propose à croire.

1843 Par l’espérance nous désirons et attendons de Dieu avec une ferme confiance la vie éternelle et les grâces pour la mériter.

1844 Par la charité nous aimons Dieu par-dessus toute chose et notre prochain comme nous-même pour l’amour de Dieu. Elle est le " lien de la perfection " (Col 3, 14) et la forme de toutes les vertus.

1845 Les sept dons du Saint Esprit accordés aux chrétiens sont la sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la science, la piété et la crainte de Dieu.


Article 8. Le péché

I. La miséricorde et le péché

1846. L’Evangile est la révélation, en Jésus Christ, de la miséricorde de Dieu pour les pécheurs (cf. Lc 15). L’ange l’annonce à Joseph : " Tu lui donneras le nom de Jésus : car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés " (Mt 1, 21). Il en va de même de l’Eucharistie, sacrement de la Rédemption : " Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés " (Mt 26, 28).

1847. " Dieu nous a créés sans nous, il n’a pas voulu nous sauver sans nous " (S. Augustin, serm. 169, 11, 13 : PL 38, 923). L’accueil de sa miséricorde réclame de nous l’aveu de nos fautes. " Si nous disons : ‘Nous n’avons pas de péché’, nous nous abusons, la vérité n’est pas en nous. Si nous confessons nos péchés, Il est assez fidèle et juste pour remettre nos péchés et nous purifier de toute injustice " (1 Jn 1, 8-9).

1848. Comme l’affirme saint Paul : " Où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé ". Mais pour faire son œuvre, la grâce doit découvrir le péché pour convertir notre cœur et nous conférer " la justice pour la vie éternelle par Jésus Christ Notre Seigneur " (Rm 5, 20-21). Tel un médecin qui sonde la plaie avant de la panser, Dieu, par sa Parole et par son Esprit, projette une lumière vive sur le péché :

La conversion requiert la mise en lumière du péché, elle contient en elle-même le jugement intérieur de la conscience. On peut y voir la preuve de l’action de l’Esprit de vérité au plus profond de l’homme, et cela devient en même temps le commencement d’un nouveau don de la grâce et de l’amour : " Recevez l’Esprit Saint ". Ainsi, dans cette " mise en lumière du péché " nous découvrons un double don : le don de la vérité de la conscience et le don de la certitude de la rédemption. L’Esprit de vérité est le Consolateur (DeV 31).

II. La définition du péché

1849. Le péché est une faute contre la raison, la vérité, la conscience droite ; il est un manquement à l’amour véritable, envers Dieu et envers le prochain, à cause d’un attachement pervers à certains biens. Il blesse la nature de l’homme et porte atteinte à la solidarité humaine. Il a été défini comme " une parole, un acte ou un désir contraires à la loi éternelle " (S. Augustin, Faust. 22, 27 : PL 42, 418 ; S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 71, 6).

1850. Le péché est une offense de Dieu : " Contre toi, toi seul, j’ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait " (Ps 51, 6). Le péché se dresse contre l’amour de Dieu pour nous et en détourne nos cœurs. Comme le péché premier, il est une désobéissance, une révolte contre Dieu, par la volonté de devenir " comme des dieux ", connaissant et déterminant le bien et le mal (Gn 3, 5). Le péché est ainsi " amour de soi jusqu’au mépris de Dieu " (S. Augustin, civ. 14, 28). Par cette exaltation orgueilleuse de soi, le péché est diamétralement contraire à l’obéissance de Jésus qui accomplit le salut (cf. Ph 2, 6-9).

1851. C’est précisément dans la Passion où la miséricorde du Christ va le vaincre, que le péché manifeste le mieux sa violence et sa multiplicité : incrédulité, haine meurtrière, rejet et moqueries de la part des chefs et du peuple, lâcheté de Pilate et cruauté des soldats, trahison de Judas si dure à Jésus, reniement de Pierre et abandon des disciples. Cependant, à l’heure même des ténèbres et du Prince de ce monde (cf. Jn 14, 30), le sacrifice du Christ devient secrètement la source de laquelle jaillira intarissablement le pardon de nos péchés.

III. La diversité des péchés

1852. La variété des péchés est grande. L’Écriture en fournit plusieurs listes. L’épître aux Galates oppose les œuvres de la chair au fruit de l’Esprit : " On sait bien tout ce que produit la chair : fornication, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, disputes, dissensions, scissions, sentiments d’envie, orgies, ripailles et choses semblables – et je vous préviens, comme je l’ai déjà fait, que ceux qui commettent ces fautes là n’hériteront pas du Royaume de Dieu " (5, 19-21 ; cf. Rm 1, 28-32 ; 1 Co 6, 9-10 ; Ep 5, 3-5 ; Col 3, 5-8 ; 1 Tm 1, 9-10 ; 2 Tm 3, 2-5).

1853. On peut distinguer les péchés selon leur objet, comme pour tout acte humain, ou selon les vertus auxquelles ils s’opposent, par excès ou par défaut, ou selon les commandements qu’ils contrarient. On peut les ranger aussi selon qu’ils concernent Dieu, le prochain ou soi-même ; on peut les diviser en péchés spirituels et charnels, ou encore en péchés en pensée, en parole, par action ou par omission. La racine du péché est dans le cœur de l’homme, dans sa libre volonté, selon l’enseignement du Seigneur : " Du cœur en effet procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations. Voilà les choses qui rendent l’homme impur " (Mt 15, 19). Dans le cœur réside aussi la charité, principe des œuvres bonnes et pures, que blesse le péché.

IV. La gravité du péché : péché mortel et véniel

1854. Il convient d’apprécier les péchés selon leur gravité. Déjà perceptible dans l’Écriture (cf. 1 Jn 5, 16-17), la distinction entre péché mortel et péché véniel s’est imposée dans la tradition de l’Église. L’expérience des hommes la corrobore.

1855. Le péché mortel détruit la charité dans le cœur de l’homme par une infraction grave à la loi de Dieu ; il détourne l’homme de Dieu, qui est sa fin ultime et sa béatitude en Lui préférant un bien inférieur.

Le péché véniel laisse subsister la charité, même s’il l’offense et la blesse.

1856. Le péché mortel, attaquant en nous le principe vital qu’est la charité, nécessite une nouvelle initiative de la miséricorde de Dieu et une conversion du cœur qui s’accomplit normalement dans le cadre du sacrement de la Réconciliation :

Lorsque la volonté se porte à une chose de soi contraire à la charité par laquelle on est ordonné à la fin ultime, le péché par son objet même a de quoi être mortel... qu’il soit contre l’amour de Dieu, comme le blasphème, le parjure, etc. ou contre l’amour du prochain, comme l’homicide, l’adultère, etc ... En revanche, lorsque la volonté du pécheur se porte quelquefois à une chose qui contient en soi un désordre mais n’est cependant pas contraire à l’amour de Dieu et du prochain, tel que parole oiseuse, rire superflu, etc., de tels péchés sont véniels (S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 88, 2).

1857. Pour qu’un péché soit mortel trois conditions sont ensemble requises : " Est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave, et qui est commis en pleine conscience et de propos délibéré " (RP 17).

1858. La matière grave est précisée par les Dix commandements selon la réponse de Jésus au jeune homme riche : " Ne tue pas, ne commets pas d’adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage, ne fais pas de tort, honore ton père et ta mère " (Mc 10, 18). La gravité des péchés est plus ou moins grande : un meurtre est plus grave qu’un vol. La qualité des personnes lésées entre aussi en ligne de compte : la violence exercée contre les parents est de soi plus grave qu’envers un étranger.

1859. Le péché mortel requiert pleine connaissance et entier consentement. Il présuppose la connaissance du caractère peccamineux de l’acte, de son opposition à la Loi de Dieu. Il implique aussi un consentement suffisamment délibéré pour être un choix personnel. L’ignorance affectée et l’endurcissement du cœur (cf. Mc 3, 5-6 ; Lc 16, 19-31) ne diminuent pas, mais augmentent le caractère volontaire du péché.

1860. L’ignorance involontaire peut diminuer sinon excuser l’imputabilité d’une faute grave. Mais nul n’est censé ignorer les principes de la loi morale qui sont inscrits dans la conscience de tout homme. Les impulsions de la sensibilité, les passions peuvent également réduire le caractère volontaire et libre de la faute, de même que des pressions extérieures ou des troubles pathologiques. Le péché par malice, par choix délibéré du mal, est le plus grave.

1861. Le péché mortel est une possibilité radicale de la liberté humaine comme l’amour lui-même. Il entraîne la perte de la charité et la privation de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire de l’état de grâce. S’il n’est pas racheté par le repentir et le pardon de Dieu, il cause l’exclusion du Royaume du Christ et la mort éternelle de l’enfer, notre liberté ayant le pouvoir de faire des choix pour toujours, sans retour. Cependant si nous pouvons juger qu’un acte est en soi une faute grave, nous devons confier le jugement sur les personnes à la justice et à la miséricorde de Dieu.

1862. On commet un péché véniel quand on n’observe pas dans une matière légère la mesure prescrite par la loi morale, ou bien quand on désobéit à la loi morale en matière grave, mais sans pleine connaissance ou sans entier consentement.

1863. Le péché véniel affaiblit la charité ; il traduit une affection désordonnée pour des biens créés ; il empêche les progrès de l’âme dans l’exercice des vertus et la pratique du bien moral ; il mérite des peines temporelles. Le péché véniel délibéré et resté sans repentance nous dispose peu à peu à commettre le péché mortel. Cependant le péché véniel ne rompt pas l’Alliance avec Dieu. Il est humainement réparable avec la grâce de Dieu. " Il ne prive pas de la grâce sanctifiante ou déifiante et de la charité, ni par suite, de la béatitude éternelle " (RP 17) :

L’homme ne peut, tant qu’il est dans la chair, éviter tout péché, du moins les péchés légers. Mais ces péchés que nous disons légers, ne les tiens pas pour anodins : si tu les tiens pour anodins quand tu les pèses, tremble quand tu les comptes. Nombre d’objets légers font une grande masse ; nombre de gouttes emplissent un fleuve ; nombre de grains font un monceau. Quelle est alors notre espérance ? Avant tout, la confession ... (S. Augustin, ep. Jo. 1, 6).

1864. " Tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis " (Mt 12, 31 ; cf. Mc 3, 29 ; Lc 12, 10). Il n’y a pas de limites à la miséricorde de Dieu, mais qui refuse délibérément d’accueillir la miséricorde de Dieu par le repentir rejette le pardon de ses péchés et le salut offert par l’Esprit Saint (cf. DeV 46). Un tel endurcissement peut conduire à l’impénitence finale et à la perte éternelle.

V. La prolifération du péché

1865. Le péché crée un entraînement au péché ; il engendre le vice par la répétition des mêmes actes. Il en résulte des inclinations perverses qui obscurcissent la conscience et corrompent l’appréciation concrète du bien et du mal. Ainsi le péché tend-il à se reproduire et à se renforcer, mais il ne peut détruire le sens moral jusqu’en sa racine.

1866. Les vices peuvent être rangés d’après les vertus qu’ils contrarient, ou encore rattachés aux péchés capitaux que l’expérience chrétienne a distingués à la suite de S. Jean Cassien et de S. Grégoire le Grand (mor. 31, 45 : PL 76, 621A). Ils sont appelés capitaux parce qu’ils sont générateurs d’autres péchés, d’autres vices. Ce sont l’orgueil, l’avarice, l’envie, la colère, l’impureté, la gourmandise, la paresse ou acédie.

1867. La tradition catéchétique rappelle aussi qu’il existe des " péchés qui crient vers le ciel ". Crient vers le ciel : le sang d’Abel (cf. Gn 4, 10) ; le péché des Sodomites (cf. Gn 18, 20 ; 19, 13) ; la clameur du peuple opprimé en Egypte (cf. Ex 3, 7-10) ; la plainte de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin (cf. Ex 22, 20-22) ; l’injustice envers le salarié (cf. Dt 24, 14-15 ; Jc 5, 4).

1868. Le péché est un acte personnel. De plus, nous avons une responsabilité dans les péchés commis par d’autres, quand nous y coopérons :

– en y participant directement et volontairement ;

– en les commandant, les conseillant, les louant ou les approuvant ;

– en ne les révélant pas ou en ne les empêchant pas, quand on y est tenu ;

– en protégeant ceux qui font le mal.

1869. Ainsi le péché rend les hommes complices les uns des autres, fait régner entre eux la concupiscence, la violence et l’injustice. Les péchés provoquent des situations sociales et des institutions contraires à la Bonté divine. Les " structures de péché " sont l’expression et l’effet des péchés personnels. Elles induisent leurs victimes à commettre le mal à leur tour. Dans un sens analogique elles constituent un " péché social " (cf. RP 16).

EN BREF

1870 " Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde " (Rm 11, 32).

1871 Le péché est " une parole, un acte ou un désir contraires à la loi éternelle. Il est une offense à Dieu. Il se dresse contre Dieu dans une désobéissance contraire à l’obéissance du Christ.

1872 Le péché et un acte contraire à la raison. Il blesse la nature de l’homme et porte atteinte à la solidarité humaine.

1873 La racine de tous les péchés est dans le cœur de l’homme. Leurs espèces et leur gravité se mesurent principalement selon leur objet.

1874 Choisir délibérément, c’est-à-dire en le sachant et en le voulant, une chose gravement contraire à la loi divine et à la fin dernière de l’homme, c’est commettre un péché mortel. Celui-ci détruit en nous la charité sans laquelle la béatitude éternelle est impossible. Sans repentir, il entraîne la mort éternelle.

1875 Le péché véniel constitue un désordre moral réparable par la charité qu’il laisse subsister en nous.

1876 La répétition des péchés, même véniels, engendre les vices parmi lesquels on distingue les péchés capitaux.


CHAPITRE DEUXIEME : LA COMMUNAUTE HUMAINE

1877. La vocation de l’humanité est de manifester l’image de Dieu et d’être transformée à l’image du Fils Unique du Père. Cette vocation revêt une forme personnelle, puisque chacun est appelé à entrer dans la béatitude divine ; elle concerne aussi l’ensemble de la communauté humaine.

Article 1. La Personne et la Société

I. Le caractère communautaire de la vocation humaine

1878. Tous les hommes sont appelés à la même fin, Dieu lui-même. Il existe une certaine ressemblance entre l’unité des personnes divines et la fraternité que les hommes doivent instaurer entre eux, dans la vérité et l’amour (cf. GS 24, § 3). L’amour du prochain est inséparable de l’amour pour Dieu.

1879. La personne humaine a besoin de la vie sociale. Celle-ci ne constitue pas pour elle quelque chose de surajouté, mais une exigence de sa nature. Par l’échange avec autrui, la réciprocité des services et le dialogue avec ses frères, l’homme développe ses virtualités ; il répond ainsi à sa vocation (cf. GS 25, § 1).

1880. Une société est un ensemble de personnes liées de façon organique par un principe d’unité qui dépasse chacune d’elles. Assemblée à la fois visible et spirituelle, une société perdure dans le temps : elle recueille le passé et prépare l’avenir. Par elle, chaque homme est constitué " héritier ", reçoit des " talents " qui enrichissent son identité et dont il doit développer les fruits (cf. Lc 19, 16. 19). A juste titre, chacun doit le dévouement aux communautés dont il fait partie et le respect aux autorités en charge du bien commun.

1881. Chaque communauté se définit par son but et obéit en conséquence à des règles spécifiques, mais " la personne humaine est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions sociales " (GS 25, § 1).

1882. Certaines sociétés, telles que la famille et la cité, correspondent plus immédiatement à la nature de l’homme. Elles lui sont nécessaires. Afin de favoriser la participation du plus grand nombre à la vie sociale, il faut encourager la création d’associations et d’institutions d’élection " à buts économiques, culturels, sociaux, sportifs, récréatifs, professionnels, politiques, aussi bien à l’intérieur des communautés politiques que sur le plan mondial " (MM 60). Cette " socialisation " exprime également la tendance naturelle qui pousse les humains à s’associer, en vue d’atteindre des objectifs qui excèdent les capacités individuelles. Elle développe les qualités de la personne, en particulier, son sens de l’initiative et de la responsabilité. Elle aide à garantir ses droits (cf. GS 25, § 2 ; CA 12).

1883. La socialisation présente aussi des dangers. Une intervention trop poussée de l’Etat peut menacer la liberté et l’initiative personnelles. La doctrine de l’Église a élaboré le principe dit de subsidiarité. Selon celui-ci, " une société d’ordre supérieur ne doit pas intervenir dans la vie interne d’une société d’ordre inférieur en lui enlevant ses compétences, mais elle doit plutôt la soutenir en cas de nécessité et l’aider à coordonner son action avec celle des autres éléments qui composent la société, en vue du bien commun " (CA 48 ; cf. Pie XI, enc. " Quadragesimo anno ").

1884. Dieu n’a pas voulu retenir pour lui seul l’exercice de tous les pouvoirs. Il remet à chaque créature les fonctions qu’elle est capable d’exercer, selon les capacités de sa nature propre. Ce mode de gouvernement doit être imité dans la vie sociale. Le comportement de Dieu dans le gouvernement du monde, qui témoigne de si grands égards pour la liberté humaine, devrait inspirer la sagesse de ceux qui gouvernent les communautés humaines. Ils ont à se comporter en ministres de la providence divine.

1885. Le principe de subsidiarité s’oppose à toutes les formes de collectivisme. Il trace les limites de l’intervention de l’Etat. Il vise à harmoniser les rapports entre les individus et les sociétés. Il tend à instaurer un véritable ordre international.

II. La Conversion et la Société

1886. La société est indispensable à la réalisation de la vocation humaine. Pour atteindre ce but il faut que soit respectée la juste hiérarchie des valeurs qui " subordonne les dimensions physiques et instinctives aux dimensions intérieures et spirituelles " (CA 36) :

La vie en société doit être considérée avant tout comme une réalité d’ordre spirituel. Elle est, en effet, échange de connaissances dans la lumière de la vérité, exercice de droits et accomplissement des devoirs, émulation dans la recherche du bien moral, communion dans la noble jouissance du beau en toutes ses expressions légitimes, disposition permanente à communiquer à autrui le meilleur de soi-même et aspiration commune à un constant enrichissement spirituel. Telles sont les valeurs qui doivent animer et orienter l’activité culturelle, la vie économique, l’organisation sociale, les mouvements et les régimes politiques, la législation et toutes les autres expressions de la vie sociale dans sa continuelle évolution (PT 35).

1887. L’inversion des moyens et des fins (cf. CA 41), qui aboutit à donner valeur de fin ultime à ce qui n’est que moyen d’y concourir, ou à considérer des personnes comme de purs moyens en vue d’un but, engendre des structures injustes qui " rendent ardue et pratiquement impossible une conduite chrétienne, conforme aux commandements du Divin Législateur " (Pie XII, discours 1er juin 1941).

1888. Il faut alors faire appel aux capacités spirituelles et morales de la personne et à l’exigence permanente de sa conversion intérieure, afin d’obtenir des changements sociaux qui soient réellement à son service. La priorité reconnue à la conversion du cœur n’élimine nullement, elle impose, au contraire, l’obligation d’apporter aux institutions et aux conditions de vie, quand elles provoquent le péché, les assainissements convenables pour qu’elles se conforment aux normes de la justice, et favorisent le bien au lieu d’y faire obstacle (cf. LG 36).

1889. Sans le secours de la grâce, les hommes ne sauraient " découvrir le sentier, souvent étroit, entre la lâcheté qui cède au mal et la violence qui, croyant le combattre, l’aggrave " (CA 25). C’est le chemin de la charité, c’est-à-dire de l’amour de Dieu et du prochain. La charité représente le plus grand commandement social. Elle respecte autrui et ses droits. Elle exige la pratique de la justice et seule nous en rend capables. Elle inspire une vie de don de soi : " Qui cherchera à conserver sa vie la perdra, et qui la perdra la sauvera " (Lc 17, 33).

EN BREF

1890 Il existe une certaine ressemblance entre l’unité des personnes divines et la fraternité que les hommes doivent instaurer entre eux.

1891 Pour se développer en conformité avec sa nature, la personne humaine a besoin de la vie sociale. Certaines sociétés, comme la famille et la cité, correspondent plus immédiatement à la nature de l’homme.

1892 " La personne humaine est, et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions sociales " (GS 25, § 1).

1893 Il faut encourager une large participation à des associations et des institutions d’élection.

1894 Selon le principe de subsidiarité, ni l’Etat ni aucune société plus vaste ne doivent se substituer à l’initiative et à la responsabilité des personnes et des corps intermédiaires.

1895 La société doit favoriser l’exercice des vertus, non y faire obstacle. Une juste hiérarchie des valeurs doit l’inspirer.

1896 Là où le péché pervertit le climat social, il faut faire appel à la conversion des cœurs et à la grâce de Dieu. La charité pousse à de justes réformes. Il n’y a pas de solution à la question sociale en dehors de l’Evangile (cf. CA 3).

Article 2. La participation à la vie sociale

I. L’autorité

1897. " A la vie en société manqueraient l’ordre et la fécondité sans la présence d’hommes légitimement investis de l’autorité et qui assurent la sauvegarde des institutions et pourvoient, dans une mesure suffisante, au bien commun " (PT 46).

On appelle " autorité " la qualité en vertu de laquelle des personnes ou des institutions donnent des lois et des ordres à des hommes, et attendent une obéissance de leur part.

1898. Toute communauté humaine a besoin d’une autorité qui la régisse (cf. Léon XIII, enc. " Immortale Dei "; enc. " Diuturnum illud "). Celle-ci trouve son fondement dans la nature humaine. Elle est nécessaire à l’unité de la Cité. Son rôle consiste à assurer autant que possible le bien commun de la société.

1899. L’autorité exigée par l’ordre moral émane de Dieu : " Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui. Ainsi, celui qui s’oppose à l’autorité se rebelle contre l’ordre voulu par Dieu, et les rebelles attireront la condamnation sur eux-mêmes " (Rm 13, 1-2 ; cf. 1 P 2, 13-17).

1900. Le devoir d’obéissance impose à tous de rendre à l’autorité les honneurs qui lui sont dus, et d’entourer de respect et, selon leur mérite, de gratitude et de bienveillance les personnes qui en exercent la charge.

On trouve sous la plume du pape S. Clément de Rome la plus ancienne prière de l’Église pour l’autorité politique (cf. déjà 1 Tm 2, 1-2) :

" Accorde-leur, Seigneur, la santé, la paix, la concorde, la stabilité, pour qu’ils exercent sans heurt la souveraineté que tu leur as remise. C’est toi, Maître, céleste roi des siècles, qui donne aux fils des hommes gloire, honneur et pouvoir sur les choses de la terre. Dirige, Seigneur, leur conseil, suivant ce qui est bien, suivant ce qui est agréable à tes yeux, afin qu’en exerçant avec piété, dans la paix et la mansuétude, le pouvoir que tu leur as donné, ils te trouvent propice " (Cor. 61, 1-2).

1901. Si l’autorité renvoie à un ordre fixé par Dieu, " la détermination des régimes politiques, comme la détermination de leurs dirigeants, doivent être laissées à la libre volonté des citoyens " (GS 74, § 3).

La diversité des régimes politiques est moralement admissible, pourvu qu’ils concourent au bien légitime de la communauté qui les adopte. Les régimes dont la nature est contraire à la loi naturelle, à l’ordre public et aux droits fondamentaux des personnes, ne peuvent réaliser le bien commun des nations auxquelles ils se sont imposés.

1902. L’autorité ne tire pas d’elle-même sa légitimité morale. Elle ne doit pas se comporter de manière despotique, mais agir pour le bien commun comme une " force morale fondée sur la liberté et le sens de la responsabilité " (GS 74, § 2) :

La législation humaine ne revêt le caractère de loi qu’autant qu’elle se conforme à la juste raison ; d’où il apparaît qu’elle tient sa vigueur de la loi éternelle. Dans la mesure où elle s’écarterait de la raison, il faudrait la déclarer injuste, car elle ne vérifierait pas la notion de loi ; elle serait plutôt une forme de violence (S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 93, 3, ad 2).

1903. L’autorité ne s’exerce légitimement que si elle recherche le bien commun du groupe considéré et si , pour l’atteindre, elle emploie des moyens moralement licites. S’il arrive aux dirigeants d’édicter des lois injustes ou de prendre des mesures contraires à l’ordre moral, ces dispositions ne sauraient obliger les consciences. " En pareil cas, l’autorité cesse d’être elle-même et dégénère en oppression " (PT 51).

1904. " Il est préférable que tout pouvoir soit équilibré par d’autres pouvoirs et par d’autres compétences qui le maintiennent dans de justes limites. C’est là le principe de ‘l’Etat de droit’ dans lequel la souveraineté appartient à la loi et non pas aux volontés arbitraires des hommes " (CA 44).

II. Le Bien Commun

1905. Conformément à la nature sociale de l’homme, le bien de chacun est nécessairement en rapport avec le bien commun. Celui-ci ne peut être défini qu’en référence à la personne humaine :

Ne vivez point isolés, retirés en vous-mêmes, comme si vous étiez déjà justifiés, mais rassemblez vous pour rechercher ensemble ce qui est de l’intérêt commun (Barnabé, ep. 4, 10).

1906. Par bien commun, il faut entendre " l’ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres d’atteindre leur perfection, d’une façon plus totale et plus aisée " (GS 26, § 1 ; cf. GS 74, § 1). Le bien commun intéresse la vie de tous. Il réclame la prudence de la part de chacun, et plus encore de la part de ceux qui exercent la charge de l’autorité. Il comporte trois éléments essentiels :

1907. Il suppose, en premier lieu, le respect de la personne en tant que telle. Au nom du bien commun, les pouvoirs publics se tenus de respecter les droits fondamentaux et inaliénables de la personne humaine. La société se doit de permettre à chacun de ses membres de réaliser sa vocation. En particulier, le bien commun réside dans les conditions d’exercice des libertés naturelles qui sont indispensables à l’épanouissement de la vocation humaine : " ainsi : droit d’agir selon la droite règle de sa conscience, droit à la sauvegarde de la vie privée et à la juste liberté, y compris en matière religieuse " (GS 26, § 2).

1908. En second lieu, le bien commun demande le bien-être social et le développement du groupe lui-même. Le développement est le résumé de tous les devoirs sociaux. Certes, il revient à l’autorité d’arbitrer, au nom du bien commun, entre les divers intérêts particuliers. Mais elle doit rendre accessible à chacun ce dont il a besoin pour mener une vie vraiment humaine : nourriture, vêtement, santé, travail, éducation et culture, information convenable, droit de fonder une famille, etc. (cf. GS 26, § 2).

1909. Le bien commun implique enfin la paix, c’est-à-dire la durée et la sécurité d’un ordre juste. Il suppose donc que l’autorité assure, par des moyens honnêtes, la sécurité de la société et celle de ses membres. Il fonde le droit à la légitime défense personnelle et collective.

1910. Si chaque communauté humaine possède un bien commun qui lui permet de se reconnaître en tant que telle, c’est dans la communauté politique qu’on trouve sa réalisation la plus complète. Il revient à l’Etat de défendre et de promouvoir le bien commun de la société civile, des citoyens et des corps intermédiaires.

1911. Les dépendances humaines s’intensifient. Ils s’étendent peu à peu à la terre entière. L’unité de la famille humaine, rassemblant des êtres jouissant d’une dignité naturelle égale, implique un bien commun universel. Celui-ci appelle une organisation de la communauté des nations capable de " pourvoir aux divers besoins des hommes, aussi bien dans le domaine de la vie sociale (alimentation, santé, éducation ...), que pour faire face à maintes circonstances particulières qui peuvent surgir ici ou là (par exemple : l’accueil des réfugiés, l’assistance aux migrants et à leurs familles ...) " (GS 84, § 2).

1912. Le bien commun est toujours orienté vers le progrès des personnes : " L’ordre des choses doit être subordonné à l’ordre des personnes, et non l’inverse " (GS 27, § 3). Cet ordre a pour base la vérité, il s’édifie dans la justice, il est vivifié par l’amour.

III. Responsabilité et Participation

1913. La participation est l’engagement volontaire et généreux de la personne dans les échanges sociaux. Il est nécessaire que tous participent, chacun selon la place qu’il occupe et le rôle qu’il joue, à promouvoir le bien commun. Ce devoir est inhérent à la dignité de la personne humaine.

1914. La participation se réalise d’abord dans la prise en charge des domaines dont on assume la responsabilité personnelle : par le soin apporté à l’éducation de sa famille, par la conscience dans son travail, l’homme participe au bien d’autrui et de la société (cf. CA 43).

1915. Les citoyens doivent autant que possible prendre une part active à la vie publique. Les modalités de cette participation peuvent varier d’un pays ou d’une culture à l’autre. " Il faut louer la façon d’agir des nations où, dans une liberté authentique, le plus grand nombre possible de citoyens participe aux affaires publiques " (GS 31, § 3).

1916. La participation de tous à la mise en œuvre du bien commun implique, comme tout devoir éthique, une conversion sans cesse renouvelée des partenaires sociaux. La fraude et autres subterfuges par lesquels certains échappent aux contraintes de la loi et aux prescriptions du devoir social doivent être fermement condamnées, parce qu’incompatibles avec les exigences de la justice. Il faut s’occuper de l’essor des institutions qui améliorent les conditions de la vie humaine (cf. GS 30, § 1).

1917. Il revient à ceux qui exercent la charge de l’autorité d’affermir les valeurs qui attirent la confiance des membres du groupe et les incitent à se mettre au service de leurs semblables. La participation commence par l’éducation et la culture. " On peut légitimement penser que l’avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d’espérer " (GS 31, § 3).

EN BREF

1918 " Il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui " (Rm 13, 1).

1919 Toute communauté humaine a besoin d’une autorité pour se maintenir et se développer.

1920 " La communauté politique et l’autorité publique trouvent leur fondement dans la nature humaine et relèvent par là d’un ordre fixé par Dieu " (GS 74, § 3)

1921 L’autorité s’exerce d’une manière légitime si elle s’attache à la poursuite du bien commun de la société. Pour l’atteindre, elle doit employer des moyens moralement recevables.

1922 La diversité des régimes politiques est légitime, pourvu qu’ils concourent au bien de la communauté.

1923 L’autorité politique doit se déployer dans les limites de l’ordre moral et garantir les conditions d’exercice de la liberté.

1924 Le bien commun comprend " l’ensemble des conditions sociales qui permettent aux groupes et aux personnes d’atteindre leur perfection, de manière plus totale et plus aisée " (GS 26, § 1).

1925 Le bien commun comporte trois éléments essentiels : le respect et la promotion des droits fondamentaux de la personne ; la prospérité ou le développement des biens spirituels et temporels de la société ; la paix et la sécurité du groupe et de ses membres.

1926 La dignité de la personne humaine implique la recherche du bien commun. Chacun doit se préoccuper de susciter et de soutenir des institutions qui améliorent les conditions de la vie humaine.

1927 Il revient à l’Etat de défendre et de promouvoir le bien commun de la société civile. Le bien commun de la famille humaine tout entière appelle une organisation de la société internationale.

Article 3. La Justice Sociale

1928. La société assure la justice sociale lorsqu’elle réalise les conditions permettant aux associations et à chacun d’obtenir ce qui leur est dû selon leur nature et leur vocation. La justice sociale est en lien avec le bien commun et avec l’exercice de l’autorité.

I. Le respect de la personne humaine

1929. La justice sociale ne peut être obtenue que dans le respect de la dignité transcendante de l’homme. La personne représente le but ultime de la société, qui lui est ordonnée :

La défense et la promotion de la dignité humaine nous ont été confiées par le Créateur. Dans toutes les circonstances de l’histoire les hommes et les femmes en sont rigoureusement responsables et débiteurs (SRS 47).

1930. Le respect de la personne humaine implique celui des droits qui découlent de sa dignité de créature. Ces droits sont antérieurs à la société et s’imposent à elle. Ils fondent la légitimité morale de toute autorité : en les bafouant, ou en refusant de les reconnaître dans sa législation positive, une société mine sa propre légitimité morale (cf. PT 65). Sans un tel respect, une autorité ne peut que s’appuyer sur la force ou la violence pour obtenir l’obéissance de ses sujets. Il revient à l’Église de rappeler ces droits à la mémoire des hommes de bonne volonté, et de les distinguer des revendications abusives ou fausses.

1931. Le respect de la personne humaine passe par le respect du principe : " Que chacun considère son prochain, sans aucune exception, comme ‘un autre lui-même’. Qu’il tienne compte avant tout de son existence et des moyens qui lui sont nécessaires pour vivre dignement " (GS 27, §1). Aucune législation ne saurait par elle-même faire disparaître les craintes, les préjugés, les attitudes d’orgueil et d’égoïsme qui font obstacle à l’établissement de sociétés vraiment fraternelles. Ces comportements ne cessent qu’avec la charité qui trouve en chaque homme un " prochain ", un frère.

1932. Le devoir de se faire le prochain d’autrui et de le servir activement se fait plus pressant encore lorsque celui-ci est plus démuni, en quelque domaine que ce soit. " Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait " (Mt 25, 40).

1933. Ce même devoir s’étend à ceux qui pensent ou agissent différemment de nous. L’enseignement du Christ va jusqu’à requérir le pardon des offenses. Il étend le commandement de l’amour, qui est celui de la loi nouvelle, à tous les ennemis (cf. Mt 5, 43-44). La libération dans l’esprit de l’Evangile est incompatible avec la haine de l’ennemi en tant que personne mais non avec la haine du mal qu’il fait en tant qu’ennemi.

II. Egalité et Différences entre les hommes

1934. Créés à l’image du Dieu unique, dotés d’une même âme raisonnable, tous les hommes ont même nature et même origine. Rachetés par le sacrifice du Christ, tous sont appelés à participer à la même béatitude divine : tous jouissent donc d’une égale dignité.

1935. L’égalité entre les hommes porte essentiellement sur leur dignité personnelle et les droits qui en découlent :

Toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu’elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être dépassée, comme contraire au dessein de Dieu (GS 29, § 2).

1936. En venant au monde, l’homme ne dispose pas de tout ce qui est nécessaire au développement de sa vie, corporelle et spirituelle. Il a besoin des autres. Des différences apparaissent liées à l’âge, aux capacités physiques, aux aptitudes intellectuelles ou morales, aux échanges dont chacun a pu bénéficier, à la distribution des richesses (cf. GS 29, § 2). Les " talents " ne sont pas distribués également (cf. Mt 25, 14-30 ; Lc 19, 11-27).

1937. Ces différences appartiennent au plan de Dieu, qui veut que chacun reçoive d’autrui ce dont il a besoin, et que ceux qui disposent de " talents " particuliers en communiquent les bienfaits à ceux qui en ont besoin. Les différences encouragent et souvent obligent les personnes à la magnanimité, à la bienveillance et au partage ; elles incitent les cultures à s’enrichir les unes les autres :

Je ne donne pas toutes les vertus également à chacun ... Il en est plusieurs que je distribue de telle manière, tantôt à l’un, tantôt à l’autre ... A l’un, c’est la charité ; à l’autre, la justice ; à celui-ci l’humilité ; à celui-là, une foi vive ... Quant aux biens temporels, pour les choses nécessaires à la vie humaine, je les ai distribués avec la plus grande inégalité, et je n’ai pas voulu que chacun possédât tout ce qui lui était nécessaire pour que les hommes aient ainsi l’occasion, par nécessité, de pratiquer la charité les uns envers les autres ... J’ai voulu qu’ils eussent besoin les uns des autres et qu’ils fussent mes ministres pour la distribution des grâces et des libéralités qu’ils ont reçues de moi (S. Catherine de Sienne, dial. 1, 6).

1938. Il existe aussi des inégalités iniques qui frappent des millions d’hommes et de femmes. Elles sont en contradiction ouverte avec l’Evangile :

L’égale dignité des personnes exige que l’on parvienne à des conditions de vie plus justes et plus humaines. Les inégalités économiques et sociales excessives entre les membres ou entre les peuples d’une seule famille humaine font scandale. Elles font obstacle à la justice sociale, à l’équité, à la dignité de la personne humaine, ainsi qu’à la paix sociale et internationale (GS 29, § 3).

III. La Solidarité humaine

1939. Le principe de solidarité, énoncé encore sous le nom d’ "amitié " ou de " charité sociale ", est une exigence directe de la fraternité humaine et chrétienne (cf. SRS 38-40 ; CA 10) :

Une erreur, " aujourd’hui largement répandue, est l’oubli de cette loi de solidarité humaine et de charité, dictée et imposée aussi bien par la communauté d’origine et par l’égalité de la nature raisonnable chez tous les hommes, à quelque peuple qu’ils appartiennent, que par le sacrifice de rédemption offert par Jésus-Christ sur l’autel de la Croix à son Père céleste, en faveur de l’humanité pécheresse " (Pie XII, enc. " Summi pontificatus ").

1940. La solidarité se manifeste en premier lieu dans la répartition des biens et la rémunération du travail. Elle suppose aussi l’effort en faveur d’un ordre social plus juste dans lequel les tensions pourront être mieux résorbées, et où les conflits trouveront plus facilement leur issue négociée.

1941. Les problèmes socio-économiques ne peuvent être résolus qu’avec l’aide de toutes les formes de solidarité : solidarité des pauvres entre eux, des riches et des pauvres, des travailleurs entre eux, des employeurs et des employés dans l’entreprise, solidarité entre les nations et entre les peuples. La solidarité internationale est une exigence d’ordre moral. La paix du monde en dépend pour une part.

1942. La vertu de solidarité va au delà des biens matériels. En répandant les biens spirituels de la foi, l’Église a, de surcroît, favorisé le développement des biens temporels auquel elle a souvent ouvert des voies nouvelles. Ainsi s’est vérifiée, tout au long des siècles, la parole du Seigneur : " Cherchez d’abord le Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît " (Mt 6, 33) :

Depuis deux mille ans, vit et persévère dans l’âme de l’Église ce sentiment qui a poussé et pousse encore les âmes jusqu’à l’héroïsme charitable des moines agriculteurs, des libérateurs d’esclaves, des guérisseurs de malades, des messagers de foi, de civilisation, de science à toutes les générations et à tous les peuples en vue de créer des conditions sociales capables de rendre à tous possible une vie digne de l’homme et du chrétien (Pie XII, discours 1er juin 1941).

EN BREF

1943 La société assure la justice sociale en réalisant les conditions permettant aux associations et à chacun d’obtenir ce qui leur est dû.

1944 Le respect de la personne humaine considère autrui comme un " autre soi-même ". Il suppose le respect des droits fondamentaux qui découlent de la dignité intrinsèque de la personne.

1945 L’égalité entre les hommes porte sur leur dignité personnelle et sur les droits qui en découlent.

1946 Les différences entre les personnes appartiennent au dessein de Dieu qui veut que nous ayons besoin les uns des autres. Elles doivent encourager la charité.

1947 L’égale dignité des personnes humaines demande l’effort pour réduire les inégalités sociales et économiques excessives. Elle pousse à la disparition des inégalités iniques.

1948 La solidarité est une vertu éminemment chrétienne. Elle pratique le partage des biens spirituels plus encore que matériels.


CHAPITRE TROISIEME : LE SALUT DE DIEU: LA LOI ET LA GRACE

1949. Appelé à la béatitude, mais blessé par le péché, l’homme a besoin du salut de Dieu. Le secours divin lui parvient dans le Christ par la loi qui le dirige et dans la grâce qui le soutient :

Travaillez avec crainte et tremblement à accomplir votre salut : aussi bien, Dieu est là qui opère en vous à la fois le vouloir et l’opération même, au profit de ses bienveillants desseins (Ph 2, 12-13).

Article 1. LA LOI MORALE

1950. La loi morale est l’œuvre de la Sagesse divine. On peut la définir, au sens biblique, comme une instruction paternelle, une pédagogie de Dieu. Elle prescrit à l’homme les voies, les règles de conduite qui mènent vers la béatitude promise ; elle proscrit les chemins du mal qui détournent de Dieu et de son amour. Elle est à la fois ferme dans ses préceptes et aimable dans ses promesses.

1951. La loi est une règle de conduite édictée par l’autorité compétente en vue du bien commun. La loi morale suppose l’ordre rationnel établi entre les créatures, pour leur bien et en vue de leur fin, par la puissance, la sagesse et la bonté du Créateur. Toute loi trouve dans la loi éternelle sa vérité première et ultime. La loi est déclarée et établie par la raison comme une participation à la providence du Dieu vivant Créateur et Rédempteur de tous. " Cette ordination de la raison, voilà ce qu’on appelle la loi " (Léon XIII, enc. " Libertas præstantissimum " ; citant Thomas d’A., s. th. 1-2, 90, 1) :

Seul parmi tous les êtres animés, l’homme peut se glorifier d’avoir été digne de recevoir de Dieu une loi : animal doué de raison, capable de comprendre et de discerner, il réglera sa conduite en disposant de sa liberté et de sa raison, dans la soumission à Celui qui lui a tout remis (Tertullien, Marc. 2, 4).

1952. Les expressions de la loi morale sont diverses, et elles sont toutes coordonnées entre elles : la loi éternelle, source en Dieu de toutes les lois ; la loi naturelle ; la loi révélée comprenant la Loi ancienne et la Loi nouvelle ou évangélique ; enfin les lois civiles et ecclésiastiques.

1953. La loi morale trouve dans le Christ sa plénitude et son unité. Jésus Christ est en personne le chemin de la perfection. Il est la fin de la Loi, car lui seul enseigne et donne la justice de Dieu : " Car la fin de la Loi, c’est le Christ pour la justification de tout croyant " (Rm 10, 4).

I. La loi morale naturelle

1954. L’homme participe à la sagesse et à la bonté du Créateur qui lui confère la maîtrise de ses actes et la capacité de se gouverner en vue de la vérité et du bien. La loi naturelle exprime le sens moral originel qui permet à l’homme de discerner par la raison ce que sont le bien et le mal, la vérité et le mensonge :

La loi naturelle est écrite et gravée dans l’âme de tous et de chacun des hommes parce qu’elle est la raison humaine ordonnant de bien faire et interdisant de pécher ... Mais cette prescription de la raison humaine ne saurait avoir force de loi, si elle n’était la voix et l’interprète d’une raison plus haute à laquelle notre esprit et notre liberté doivent être soumises (Léon XIII, enc. " Libertas præstantissimum ").

1955. La loi " divine et naturelle " (GS 89, § 1) montre à l’homme la voie à suivre pour pratiquer le bien et atteindre sa fin. La loi naturelle énonce les préceptes premiers et essentiels qui régissent la vie morale. Elle a pour pivot l’aspiration et la soumission à Dieu, source et juge de tout bien, ainsi que le sens d’autrui comme égal à soi-même. Elle est exposée en ses principaux préceptes dans le Décalogue. Cette loi est dite naturelle non pas en référence à la nature des êtres irrationnels, mais parce que la raison qui l’édicte appartient en propre à la nature humaine :

Où donc ces règles sont-elles inscrites, sinon dans le livre de cette lumière qu’on appelle la Vérité ? C’est là qu’est écrite toute loi juste, c’est de là qu’elle passe dans le cœur de l’homme qui accomplit la justice, non qu’elle émigre en lui, mais elle y pose son empreinte, à la manière d’un sceau qui d’une bague passe à la cire, mais sans quitter la bague (S. Augustin, Trin. 14, 15, 21).

La loi naturelle n’est rien d’autre que la lumière de l’intelligence mise en nous par Dieu ; par elle, nous connaissons ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter. Cette lumière ou cette loi, Dieu l’a donnée à la création (S. Thomas d’A., dec. præc. 1).

1956. Présente dans le cœur de chaque homme et établie par la raison, la loi naturelle est universelle en ses préceptes et son autorité s’étend à tous les hommes. Elle exprime la dignité de la personne et détermine la base de ses droits et de ses devoirs fondamentaux :

Il existe certes une vraie loi, c’est la droite raison ; elle est conforme à la nature, répandue chez tous les hommes ; elle est immuable et éternelle ; ses ordres appellent au devoir ; ses interdictions détournent de la faute ... C’est un sacrilège que de la remplacer par une loi contraire ; il est interdit de n’en pas appliquer une seule disposition ; quant à l’abroger entièrement, personne n’en a la possibilité (Cicéron, rép. 3, 22, 33).

1957. L’application de la loi naturelle varie beaucoup ; elle peut requérir une réflexion adaptée à la multiplicité des conditions de vie, selon les lieux, les époques, et les circonstances. Néanmoins, dans la diversité des cultures, la loi naturelle demeure comme une règle reliant entre eux les hommes et leur imposant, au-delà des différences inévitables, des principes communs.

1958. La loi naturelle est immuable (cf. GS 10) et permanente à travers les variations de l’histoire ; elle subsiste sous le flux des idées et des mœurs et en soutient le progrès. Les règles qui l’expriment demeurent substantiellement valables. Même si on renie jusqu’à ses principes, on ne peut pas la détruire ni l’enlever du cœur de l’homme. Toujours elle ressurgit dans la vie des individus et des sociétés :

Le vol est assurément puni par ta loi, Seigneur, et par la loi qui est écrite dans le cœur de l’homme et que l’iniquité elle-même n’efface pas (S. Augustin, conf.2, 4, 9).

1959. Œuvre très bonne du Créateur, la loi naturelle fournit les fondements solides sur lesquels l’homme peut construire l’édifice des règles morales qui guideront ses choix. Elle pose aussi la base morale indispensable pour l’édification de la communauté des hommes. Elle procure enfin la base nécessaire à la loi civile qui se rattache à elle, soit par une réflexion qui tire les conclusions de ses principes, soit par des additions de nature positive et juridique.

1960. Les préceptes de la loi naturelle ne sont pas perçus par tous d’une manière claire et immédiate. Dans la situation actuelle, la grâce et la révélation nous sont nécessaires à l’homme pécheur pour que les vérités religieuses et morales puissent être connues " de tous et sans difficulté, avec une ferme certitude et sans mélange d’erreur " (Pie XII, enc. " Humani generis " : DS 3876). La loi naturelle procure à la Loi révélée et à la grâce une assise préparée par Dieu et accordée à l’œuvre de l’Esprit.

II. La loi ancienne

1961. Dieu, notre Créateur et notre Rédempteur, s’est choisi Israël comme son peuple et lui a révélé sa Loi, préparant ainsi la venue du Christ. La Loi de Moïse exprime plusieurs vérités naturellement accessibles à la raison. Celles-ci se trouvent déclarées et authentifiées à l’intérieur de l’Alliance du Salut.

1962. La Loi ancienne est le premier état de la Loi révélée. Ses prescriptions morales sont résumées dans lesDix commandements. Les préceptes du Décalogue posent les fondements de la vocation de l’homme, façonné à l’image de Dieu ; ils interdisent ce qui est contraire à l’amour de Dieu et du prochain, et prescrivent ce qui lui est essentiel. Le Décalogue est une lumière offerte à la conscience de tout homme pour lui manifester l’appel et les voies de Dieu, et le protéger contre le mal :

Dieu a écrit sur les tables de la Loi ce que les hommes ne lisaient pas dans leurs cœurs (S. Augustin, Psal. 57, 1).

1963. Selon la tradition chrétienne, la Loi sainte (cf. Rm 7, 12), spirituelle (cf. Rm 7, 14) et bonne (cf. Rm 7, 16) est encore imparfaite. Comme un pédagogue (cf. Ga 3, 24) elle montre ce qu’il faut faire, mais ne donne pas de soi la force, la grâce de l’Esprit pour l’accomplir. A cause du péché qu’elle ne peut enlever, elle reste une loi de servitude. Selon S. Paul, elle a notamment pour fonction de dénoncer et de manifester le péché qui forme une " loi de concupiscence " (Rm 7, 20) dans le cœur de l’homme. Cependant la Loi demeure la première étape sur le chemin du Royaume. Elle prépare et dispose le peuple élu et chaque chrétien à la conversion et à la foi dans le Dieu Sauveur. Elle procure un enseignement qui subsiste pour toujours, comme la Parole de Dieu.

1964. La Loi ancienne est une préparation à l’Evangile. " La loi est prophétie et pédagogie des réalités à venir " (S. Irénée, hær. 4, 15, 1). Elle prophétise et présage l’œuvre de la libération du péché qui s’accomplira avec le Christ, elle fournit au Nouveau Testament les images, les " types ", les symboles, pour exprimer la vie selon l’Esprit. La Loi se complète enfin par l’enseignement des livres sapientiaux et des prophètes qui l’orientent vers la Nouvelle Alliance et le Royaume des cieux.

Il y eut ..., sous le régime de l’ancienne alliance, des gens qui possédaient la charité et la grâce de l’Esprit Saint et aspiraient avant tout aux promesses spirituelles et éternelles, en quoi ils se rattachaient à la loi nouvelle. Inversement, il existe sous la nouvelle alliance des hommes charnels, encore éloignés de la perfection de la loi nouvelle : pour les inciter aux œuvres vertueuses, la crainte du châtiment et certaines promesses temporelles ont été nécessaires, jusque sous la nouvelle alliance. En tout cas, même si la loi ancienne prescrivait la charité, elle ne donnait pas l’Esprit Saint par qui ‘la charité est répandue dans nos cœurs’ (Rm 5, 5) (S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 107, 1, ad 2).

III. La Loi nouvelle ou Loi évangélique

1965. La Loi nouvelle ou Loi évangélique est la perfection ici-bas de la loi divine, naturelle et révélée. Elle est l’œuvre du Christ et s’exprime particulièrement dans le Sermon sur la montagne. Elle est aussi l’œuvre de l’Esprit Saint et, par lui, elle devient la loi intérieure de la charité : " Je conclurai avec la maison d’Israël une alliance nouvelle ... Je mettrai mes lois dans leur pensée, je les graverai dans leur cœur, et je serai leur Dieu et ils seront mon peuple " (He 8, 8-10 ; cf. Jr 31, 31-34).

1966. La Loi nouvelle est la grâce du Saint-Esprit donnée aux fidèles par la foi au Christ. Elle opère par la charité, elle use du Sermon du Seigneur pour nous enseigner ce qu’il faut faire, et des sacrements pour nous communiquer la grâce de le faire :

Celui qui voudra méditer avec piété et perspicacité le Sermon que notre Seigneur a prononcé sur la montagne, tel que nous le lisons dans l’Evangile de Saint Matthieu, y trouvera, sans aucun doute, la charte parfaite de la vie chrétienne ... Ce Sermon contient tous les préceptes propres à guider la vie chrétienne (S. Augustin, serm. Dom. 1, 1 : PL 34, 1229-1231).

1967. La Loi évangélique " accomplit " (cf. Mt 5, 17-19), affine, dépasse et mène à sa perfection la Loi ancienne. Dans les " Béatitudes ", elle accomplit les promesses divines en les élevant et les ordonnant au " Royaume des cieux ". Elle s’adresse à ceux qui sont disposés à accueillir avec foi cette espérance nouvelle : les pauvres, les humbles, les affligés, les cœurs purs, les persécutés à cause du Christ, traçant ainsi les voies surprenantes du Royaume.

1968. La Loi évangélique accomplit les commandements de la Loi. Le Sermon du Seigneur, loin d’abolir ou de dévaluer les prescriptions morales de la Loi ancienne, en dégage les virtualités cachées et en fait surgir de nouvelles exigences : il en révèle toute la vérité divine et humaine. Il n’ajoute pas de préceptes extérieurs nouveaux, mais il va jusqu’à réformer la racine des actes, le cœur, là où l’homme choisit entre le pur et l’impur (cf. Mt 15, 18-19), où se forment la foi, l’espérance et la charité, et avec elles, les autres vertus. L’Evangile conduit ainsi la loi à sa plénitude par l’imitation de la perfection du Père céleste (cf. Mt 5, 48), par le pardon des ennemis et la prière pour les persécuteurs, à l’instar de la générosité divine (cf. Mt 5, 44).

1969. La Loi nouvelle pratique les actes de la religion : l’aumône, la prière et le jeûne, en les ordonnant au " Père qui voit dans le secret ", à l’encontre du désir " d’être vu des hommes " (cf. Mt 6, 1-6 ; 16-18). Sa prière est le " Notre Père " (Mt 6, 9-13).

1970. La Loi évangélique comporte le choix décisif entre " les deux voies " (cf. Mt 7, 13-14) et la mise en pratique des paroles du Seigneur (cf. Mt 7, 21-27) ; elle se résume dans la règle d’or : " Ainsi, tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes " (Mt 7, 12 ; cf. Lc 6, 31).

Toute la Loi évangélique tient dans le " commandement nouveau " de Jésus (Jn 13, 34), de nous aimer les uns les autres comme Il nous a aimés (cf. Jn 15, 12).

1971. Au Sermon du Seigneur il convient de joindre la catéchèse morale des enseignements apostoliques, comme Rm 12-15 ; 1 Co 12-13 ; Col 3-4 ; Ep 4-5 ; etc. Cette doctrine transmet l’enseignement du Seigneur avec l’autorité des apôtres, notamment par l’exposé des vertus qui découlent de la foi au Christ et qu’anime la charité, le principal don de l’Esprit Saint. " Que votre charité soit sans feinte ... Que l’amour fraternel vous lie d’affection ... avec la joie de l’espérance, constants dans la tribulation, assidus à la prière, prenant part aux besoins des saints, avides de donner l’hospitalité " (Rm 12, 9-12). Cette catéchèse nous apprend aussi à traiter les cas de conscience à la lumière de notre relation au Christ et à l’Église (cf. Rm 14 ; 1 Co 5-10).

1972. La Loi nouvelle est appelée une loi d’amour parce qu’elle fait agir par l’amour qu’infuse l’Esprit Saint plutôt que par la crainte ; une loi de grâce, parce qu’elle confère la force de la grâce pour agir par le moyen de la foi et des sacrements ; une loi de liberté (cf. Jc 1, 25 ; 2, 12) parce qu’elle nous libère des observances rituelles et juridiques de la Loi ancienne, nous incline à agir spontanément sous l’impulsion de la charité, et nous fait enfin passer de la condition du serviteur " qui ignore ce que fait son Maître " à celle d’ami du Christ, " car tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître " (Jn 15, 15), ou encore à la condition de fils héritier (cf. Ga 4, 1-7. 21-31 ; Rm 8, 15).

1973. Outre ses préceptes, la Loi nouvelle comporte aussi les conseils évangéliques. La distinction traditionnelle entre les commandements de Dieu et les conseils évangéliques s’établit par rapport à la charité, perfection de la vie chrétienne. Les préceptes sont destinés à écarter ce qui est incompatible avec la charité. Les conseils ont pour but d’écarter ce qui, même sans lui être contraire, peut constituer un empêchement au développement de la charité (cf. S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 184, 3).

1974. Les conseils évangéliques manifestent la plénitude vivante de la charité jamais satisfaite de ne pas donner davantage. Ils attestent son élan et sollicitent notre promptitude spirituelle. La perfection de la Loi nouvelle consiste essentiellement dans les préceptes de l’amour de Dieu et du prochain. Les conseils indiquent des voies plus directes, des moyens plus aisés, et sont à pratiquer suivant la vocation de chacun :

[Dieu] ne veut pas qu’un chacun observe tous les conseils, mais seulement ceux qui sont convenables selon la diversité des personnes, des temps, des occasions et des forces, ainsi que la charité le requiert ; car c’est elle qui, comme reine de toutes les vertus, de tous les commandements, de tous les conseils, et en somme de toutes les lois et de toutes les actions chrétiennes, leur donne à tous et à toutes le rang, l’ordre, le temps et la valeur (S. François de Sales, amour 8, 6).

EN BREF

1975 Selon l’Écriture, la loi est une instruction paternelle de Dieu prescrivant à l’homme les voies qui mènent à la béatitude promise et proscrivant les chemins du mal.

1976 " La loi est ordination de la raison au bien commun, promulguée par celui qui a la charge de la communauté " (S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 90, 4).

1977 Le Christ est la fin de la loi (cf. Rm 10, 4), Lui seul enseigne et accorde la justice de Dieu.

1978 La loi naturelle est une participation à la sagesse et à la bonté de Dieu par l’homme, formé à l’image de son Créateur. Elle exprime la dignité de la personne humaine et forme la base de ses droits et de ses devoirs fondamentaux.

1979 La loi naturelle est immuable, permanente à travers l’histoire. Les règles qui l’expriment demeurent substantiellement valables. Elle est une base nécessaire à l’édification des règles morales et à la loi civile.

1980 La Loi ancienne est le premier état de la Loi révélée. Ses prescriptions morales sont résumées dans les Dix commandements.

1981 La Loi de Moïse contient plusieurs vérités naturellement accessibles à la raison. Dieu les a révélées parce que les hommes ne les lisaient pas dans leur cœur.

1982 La Loi ancienne est une préparation à l’Evangile.

1983 La Loi nouvelle est la grâce du Saint-Esprit reçue par la foi au Christ, opérant par la charité. Elle s’exprime notamment dans le Sermon du Seigneur sur la montagne et use des sacrements pour nous communiquer la grâce.

1984 La Loi évangélique accomplit, dépasse et mène à sa perfection la Loi ancienne : ses promesses par les béatitudes du Royaume des cieux, ses commandements en réformant la racine des actes, le cœur.

1985 La Loi nouvelle est une loi d’amour, une loi de grâce, une loi de liberté.

1986 Outre ses préceptes, la Loi nouvelle comporte les conseils évangéliques. " La sainteté de l’Église est entretenue spécialement par les conseils multiples que le Seigneur a proposés à l’observation de ses disciples dans l’Evangile " (LG 42).

Article 2. GRACE ET JUSTIFICATION

I. La justification

1987. La grâce du Saint-Esprit a le pouvoir de nous justifier, c’est-à-dire de nous laver de nos péchés et de nous communiquer " la justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ " (Rm 3, 22) et par le Baptême (cf. Rm 6, 3-4) :

Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui, sachant que le Christ une fois ressuscité des morts ne meurt plus, que la mort n’exerce plus de pouvoir sur lui. Sa mort fut une mort au péché, une fois pour toutes ; mais sa vie est une vie à Dieu. Et vous de même, regardez-vous comme morts au péché et vivants pour Dieu dans le Christ Jésus (Rm 6, 8-11).

1988. Par la puissance de l’Esprit Saint, nous prenons part à la Passion du Christ en mourant au péché, et à sa Résurrection en naissant à une vie nouvelle ; nous sommes les membres de son Corps qui est l’Église (cf. 1 Co 12), les sarments greffés sur la Vigne qu’il est lui-même (cf. Jn 15, 1-4) :

C’est par l’Esprit que nous avons part à Dieu. Par la participation de l’Esprit, nous devenons participants de la nature divine .... C’est pourquoi ceux en qui habite l’Esprit sont divinisés (S. Athanase, ep. Serap. 1, 24 : PG 26, 585B).

1989. La première œuvre de la grâce de l’Esprit Saint est la conversion qui opère la justification selon l’annonce de Jésus au commencement de l’Evangile : " Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche " (Mt 4, 17). Sous la motion de la grâce, l’homme se tourne vers Dieu et se détourne du péché, accueillant ainsi le pardon et la justice d’en haut. " La justification comporte donc la rémission des péchés, la sanctification et la rénovation de l’homme intérieur " (Cc. Trente : DS 1528).

1990. La justification détache l’homme du péché qui contredit l’amour de Dieu, et en purifie son cœur. La justification fait suite à l’initiative de la miséricorde de Dieu qui offre le pardon. Elle réconcilie l’homme avec Dieu. Elle libère de la servitude du péché et guérit.

1991. La justification est en même temps l’accueil de la justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ. La justice désigne ici la rectitude de l’amour divin. Avec la justification, la foi, l’espérance et la charité sont répandues en nos cœurs, et l’obéissance à la volonté divine nous est accordée.

1992. La justification nous a été méritée par la Passion du Christ qui s’est offert sur la Croix en hostie vivante, sainte et agréable à Dieu et dont le sang est devenu instrument de propitiation pour les péchés de tous les hommes. La justification est accordée par le Baptême, sacrement de la foi. Elle nous conforme à la justice de Dieu qui nous rend intérieurement justes par la puissance de sa miséricorde. Elle a pour but la gloire de Dieu et du Christ, et le don de la vie éternelle (cf. Cc. Trente : DS 1529) :

Maintenant, sans la loi, la justice de Dieu s’est manifestée, attestée par la loi et les prophètes, justice de Dieu par la foi en Jésus Christ, à l’adresse de tous ceux qui croient, – car il n’y a pas de différence : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu – et ils sont justifiés par la faveur de sa grâce en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus : Dieu l’a exposé, instrument de propitiation par son propre sang moyennant la foi ; il voulait montrer sa justice, du fait qu’il avait passé condamnation sur les péchés commis jadis au temps de la patience de Dieu ; il voulait montrer sa justice au temps présent, afin d’être juste et de justifier celui qui se réclame de la foi en Jésus (Rm 3, 21-26).

1993. La justification établit la collaboration entre la grâce de Dieu et la liberté de l’homme. Elle s’exprime du côté de l’homme dans l’assentiment de la foi à la Parole de Dieu qui l’invite à la conversion, et dans la coopération de la charité à l’impulsion de l’Esprit Saint qui le prévient et le garde :

Quand Dieu touche le cœur de l’homme par l’illumination de l’Esprit Saint, l’homme n’est pas sans rien faire en recevant cette inspiration, qu’il peut d’ailleurs rejeter ; et cependant il ne peut pas non plus, sans la grâce de Dieu, se porter par sa volonté libre vers la justice devant Lui (Cc. Trente : DS 1525).

1994. La justification est l’œuvre la plus excellente de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus et accordé par l’Esprit Saint. S. Augustin estime que " la justification de l’impie est une œuvre plus grande que la création du ciel et de la terre ", parce que " le ciel et la terre passeront tandis que le salut et la justification des élus demeureront " (ev. Jo. 72, 3). Il estime même que la justification des pécheurs l’emporte sur la création des anges dans la justice en ce qu’elle témoigne d’une plus grande miséricorde.

1995. L’Esprit Saint est le maître intérieur. En faisant naître l’ "homme intérieur " (Rm 7, 22 ; Ep 3, 16), la justification implique la sanctification de tout l’être :

Si vous avez jadis offert vos membres comme esclaves à l’impureté et au désordre de manière à vous désordonner, offrez-les de même aujourd’hui à la justice pour vous sanctifier ... Aujourd’hui, libérés du péché et asservis à Dieu, vous fructifiez pour la sainteté, et l’aboutissement, c’est la vie éternelle (Rm 6, 19. 22).

II. La grâce

1996. Notre justification vient de la grâce de Dieu. La grâce est la faveur, le secours gratuit que Dieu nous donne pour répondre à son appel : devenir enfants de Dieu (cf. Jn 1, 12-18), fils adoptifs (cf. Rm 8, 14-17), participants de la divine nature (cf. 2 P 1, 3-4), de la vie éternelle (cf. Jn 17, 3).

1997. La grâce est une participation à la vie de Dieu, elle nous introduit dans l’intimité de la vie trinitaire : Par le Baptême le chrétien participe à la grâce du Christ, Tête de son Corps. Comme un " fils adoptif ", il peut désormais appeler Dieu " Père ", en union avec le Fils unique. Il reçoit la vie de l’Esprit qui lui insuffle la charité et qui forme l’Église.

1998. Cette vocation à la vie éternelle est surnaturelle. Elle dépend entièrement de l’initiative gratuite de Dieu, car Lui seul peut se révéler et se donner Lui-même. Elle surpasse les capacités de l’intelligence et les forces de la volonté humaine, comme de toute créature (cf. 1 Co 2, 7-9).

1999. La grâce du Christ est le don gratuit que Dieu nous fait de sa vie infusée par l’Esprit Saint dans notre âme pour la guérir du péché et la sanctifier : C’est la grâce sanctifiante ou déifiante, reçue dans le Baptême. Elle est en nous la source de l’œuvre de sanctification (cf. Jn 4, 14 ; 7, 38-39) :

Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle ; l’être ancien a disparu, un être nouveau est là. Et le tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par le Christ (2 Co 5, 18).

2000 La grâce sanctifiante est un don habituel, une disposition stable et surnaturelle perfectionnant l’âme même pour la rendre capable de vivre avec Dieu, d’agir par son amour. On distinguera la grâce habituelle, disposition permanente à vivre et à agir selon l’appel divin, et les grâces actuelles qui désignent les interventions divines soit à l’origine de la conversion soit au cours de l’œuvre de la sanctification.

2001 La préparation de l’homme à l’accueil de la grâce est déjà une œuvre de la grâce. Celle-ci est nécessaire pour susciter et soutenir notre collaboration à la justification par la foi et à la sanctification par la charité. Dieu achève en nous ce qu’il a commencé, " car il commence en faisant en sorte, par son opération, que nous voulions : il achève, en coopérant avec nos vouloirs déjà convertis " (S. Augustin, grat. 17 : PL 44, 901) :

Certes nous travaillons nous aussi, mais nous ne faisons que travailler avec Dieu qui travaille. Car sa miséricorde nous a devancés pour que nous soyons guéris, car elle nous suit encore pour qu’une fois guéris, nous soyons vivifiés ; elle nous devance pour que nous soyons appelés, elle nous suit pour que nous soyons glorifiés ; elle nous devance pour que nous vivions selon la piété, elle nous suit pour que nous vivions à jamais avec Dieu, car sans lui nous ne pouvons rien faire (S. Augustin, nat. et grat. 31 : PL 44, 264).

2002. La libre initiative de Dieu réclame la libre réponse de l’homme, car Dieu a créé l’homme à son image en lui conférant, avec la liberté, le pouvoir de le connaître et de l’aimer. L’âme n’entre que librement dans la communion de l’amour. Dieu touche immédiatement et meut directement le cœur de l’homme. Il a placé en l’homme une aspiration à la vérité et au bien que Lui seul peut combler. Les promesses de la " vie éternelle " répondent, au-delà de toute espérance, à cette aspiration :

Si Toi, au terme de tes œuvres très bonnes ..., tu t’es reposé le septième jour, c’est pour nous dire d’avance par la voix de ton livre qu’au terme de nos œuvres " qui sont très bonnes " du fait même que c’est toi qui nous les a données, nous aussi au sabbat de la vie éternelle nous nous reposerions en toi (S. Augustin, conf. 13, 36. 38).

2003. La grâce est d’abord et principalement le don de l’Esprit qui nous justifie et nous sanctifie. Mais la grâce comprend aussi les dons que l’Esprit nous accorde pour nous associer à son œuvre, pour nous rendre capables de collaborer au salut des autres et à la croissance du Corps du Christ, l’Église. Ce sont les grâces sacramentelles, dons propres aux différents sacrements. Ce sont en outre les grâces spéciales appelés aussi " charismes " suivant le terme grec employé par S. Paul, et qui signifie faveur, don gratuit, bienfait (cf. LG 12). Quel que soit leur caractère, parfois extraordinaire, comme le don des miracles ou des langues, les charismes sont ordonnés à la grâce sanctifiante, et ont pour but le bien commun de l’Église. Ils sont au service de la charité qui édifie l’Église (cf. 1 Co 12).

2004. Parmi les grâces spéciales, il convient de mentionner les grâces d’état qui accompagnent l’exercice des responsabilités de la vie chrétienne et des ministères au sein de l’Église :

Pourvus de dons différents selon la grâce qui nous a été donnée, si c’est le don de prophétie, exerçons-le en proportion de notre foi ; si c’est le service, en servant ; l’enseignement, en enseignant ; l’exhortation, en exhortant. Que celui qui donne le fasse sans calcul ; celui qui préside, avec diligence ; celui qui exerce la miséricorde, en rayonnant de joie (Rm 12, 6-8).

2005. Étant d’ordre surnaturel, la grâce échappe à notre expérience et ne peut être connue que par la foi. Nous ne pouvons donc nous fonder sur nos sentiments ou nos œuvres pour en déduire que nous sommes justifiés et sauvés (cf. Cc. Trente : DS 1533-1534). Cependant, selon la parole du Seigneur : " C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez " (Mt 7, 20), la considération des bienfaits de Dieu dans notre vie et dans la vie des saints, nous offre une garantie que la grâce est à l’œuvre en nous et nous incite à une foi toujours plus grande et à une attitude de pauvreté confiante :

On trouve une des plus belles illustrations de cette attitude dans la réponse de Sainte Jeanne d’Arc à une question piège de ses juges ecclésiastiques : " Interrogée, si elle sait qu’elle soit en la grâce de Dieu ; répond : ‘Si je n’y suis, Dieu m’y veuille mettre ; si j’y suis, Dieu m’y veuille garder’ " (Jeanne d’Arc, proc.).

III. Le mérite

Tu es glorifié dans l’assemblée des Saints : lorsque tu couronnes leurs mérites, tu couronnes tes propres dons (MR, Préface des saints citant le " Docteur de la grâce " S. Augustin, Psal. 102, 7).

2006. Le terme " mérite " désigne, en général, la rétribution due par une communauté ou une société pour l’action d’un de ses membres éprouvée comme un bienfait ou un méfait, digne de récompense ou de sanction. Le mérite ressort à la vertu de justice conformément au principe de l’égalité qui la régit.

2007. A l’égard de Dieu, il n’y a pas, au sens d’un droit strict, de mérite de la part de l’homme. Entre Lui et nous l’inégalité est sans mesure, car nous avons tout reçu de Lui, notre Créateur.

2008. Le mérite de l’homme auprès de Dieu dans la vie chrétienne provient de ce que Dieu a librement disposé d’associer l’homme à l’œuvre de sa grâce. L’action paternelle de Dieu est première par son impulsion, et le libre agir de l’homme est second en sa collaboration, de sorte que les mérites des œuvres bonnes doivent être attribués à la grâce de Dieu d’abord, au fidèle ensuite. Le mérite de l’homme revient, d’ailleurs, lui-même à Dieu, car ses bonnes actions procèdent dans le Christ, des prévenances et des secours de l’Esprit Saint.

2009. L’adoption filiale, en nous rendant participants par grâce à la nature divine, peut nous conférer, suivant la justice gratuite de Dieu, un véritable mérite. C’est là un droit par grâce, le plein droit de l’amour, qui nous fait " cohéritiers " du Christ et dignes d’obtenir l’ "héritage promis de la vie éternelle " (Cc. Trente : DS 1546). Les mérites de nos bonnes œuvres sont des dons de la bonté divine (cf. Cc. Trente : DS 1548). " La grâce a précédé ; maintenant on rend ce qui est dû ... Les mérites sont des dons de Dieu " (S. Augustin, serm. 298, 4-5 : PL 38, 1367).

2010. L’initiative appartenant à Dieu dans l’ordre de la grâce, personne ne peut mériter la grâce première, à l’origine de la conversion, du pardon et de la justification. Sous la motion de l’Esprit Saint et de la charité, nous pouvons ensuite mériter pour nous-mêmes et pour autrui les grâces utiles pour notre sanctification, pour la croissance de la grâce et de la charité, comme pour l’obtention de la vie éternelle. Les biens temporels eux-mêmes, comme la santé, l’amitié, peuvent être mérités suivant la sagesse de Dieu. Ces grâces et ces biens sont l’objet de la prière chrétienne. Celle-ci pourvoit à notre besoin de la grâce pour les actions méritoires.

2011 La charité du Christ est en nous la source de tous nos mérites devant Dieu. La grâce, en nous unissant au Christ d’un amour actif, assure la qualité surnaturelle de nos actes et, par suite, leur mérite devant Dieu comme devant les hommes. Les saints ont toujours eu une conscience vive que leurs mérites étaient pure grâce.

Après l’exil de la terre, j’espère aller jouir de vous dans la Patrie, mais je ne veux pas amasser de mérites pour le Ciel, je veux travailler pour votre seul Amour ... Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justiceet recevoir de votre Amourla possession éternelle de Vous-même ... (S. Thérèse de l’Enfant-Jésus, offr.).

IV. La sainteté chrétienne

2012. " Avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien ... Ceux que d’avance, il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils pour qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères. Ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés. Ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés. Ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés " (Rm 8, 28-30).

2013. " L’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur rang et leur état " (LG 40). Tous sont appelés à la sainteté : " Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait " (Mt 5, 48) :

Les fidèles doivent appliquer les forces qu’ils ont reçues selon la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin qu’ ... accomplissant en tout la volonté du Père, ils soient avec toute leur âme voués à la gloire de Dieu et au service du prochain. Ainsi la sainteté du peuple de Dieu s’épanouit en fruits abondants, comme en témoigne avec éclat l’histoire de l’Église par la vie de tant de saints (LG 40).

2014. Le progrès spirituel tend à l’union toujours plus intime avec le Christ. Cette union s’appelle " mystique ", parce qu’elle participe au mystère du Christ par les sacrements – " les saints mystères " – et, en Lui, au mystère de la Sainte Trinité. Dieu nous appelle tous à cette intime union avec lui, même si des grâces spéciales ou des signes extraordinaires de cette vie mystique sont seulement accordés à certains en vue de manifester le don gratuit fait à tous.

2015. Le chemin de la perfection passe par la croix. Il n’y a pas de sainteté sans renoncement et sans combat spirituel (cf. 2 Tm 4). Le progrès spirituel implique l’ascèse et la mortification qui conduisent graduellement à vivre dans la paix et la joie des béatitudes :

Celui qui monte ne s’arrête jamais d’aller de commencement en commencement par des commencements qui n’ont pas de fin. Jamais celui qui monte n’arrête de désirer ce qu’il connaît déjà (S. Grégoire de Nysse, hom. in Cant. 8 : PG 44, 941C).

2016. Les enfants de notre mère la Sainte Église espèrent justement la grâce de la persévérance finale et la récompense de Dieu leur Père pour les bonnes œuvres accomplies avec sa grâce en communion avec Jésus (cf. Cc. Trente : DS 1576). Gardant la même règle de vie, les croyants partagent la " bienheureuse espérance " de ceux que la miséricorde divine rassemble dans la " Cité sainte, la Jérusalem nouvelle qui descend du Ciel d’auprès de Dieu, prête comme une épouse parée pour son Epoux " (Ap 21, 2).

EN BREF

2017 La grâce du Saint-Esprit nous confère la justice de Dieu. En nous unissant par la foi et le Baptême à la Passion et à la Résurrection du Christ, l’Esprit nous fait participer à sa vie.

2018 La justification, comme la conversion, présente deux faces. Sous la motion de la grâce, l’homme se tourne vers Dieu et se détourne du péché, accueillant ainsi le pardon et la justice d’en Haut.

2019 La justification comporte la rémission des péchés, la sanctification et la rénovation de l’homme intérieur.

2020 La justification nous a été méritée par la Passion du Christ . Elle nous est accordée à travers le Baptême. Elle nous conforme à la justice de Dieu qui nous fait justes. Elle a pour but la gloire de Dieu et du Christ et le don de la vie éternelle. Elle est l’œuvre la plus excellente de la miséricorde de Dieu.

2021 La grâce est le secours que Dieu nous donne pour répondre à notre vocation de devenir ses fils adoptifs. Elle nous introduit dans l’intimité de la vie trinitaire.

2022 L’initiative divine dans l’œuvre de la grâce prévient, prépare et suscite la libre réponse de l’homme. La grâce répond aux aspirations profondes de la liberté humaine ; elle l’appelle à coopérer avec elle et la perfectionne.

2023 La grâce sanctifiante est le don gratuit que Dieu nous fait de sa vie, infusée par l’Esprit Saint dans notre âme pour la guérir du péché et la sanctifier.

2024 La grâce sanctifiante nous rend " agréables à Dieu ".Les charismes, grâces spéciales du Saint -Esprit, sont ordonnés à la grâce sanctifiante et ont pour but le bien commun de l’Église. Dieu agit aussi par des grâces actuelles multiples qu’on distingue de la grâce habituelle, permanente en nous.

2025 Il n’y a pour nous de mérite devant Dieu que suite au libre dessein de Dieu d’associer l’homme à l’œuvre de sa grâce. Le mérite appartient à la grâce de Dieu en premier lieu, à la collaboration de l’homme en second lieu. Le mérite de l’homme revient à Dieu.

2026 La grâce du Saint-Esprit, en vertu de notre filiation adoptive, peut nous conférer un véritable mérite suivant la justice gratuite de Dieu. La charité est en nous la source principale du mérite devant Dieu.

2027 Personne ne peut mériter la grâce première qui est à l’origine de la conversion. Sous la motion du Saint-Esprit, nous pouvons mériter pour nous-mêmes et pour autrui toutes les grâces utiles pour parvenir à la vie éternelle, comme aussi les biens temporels nécessaires

2028 " L’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ " (LG 40). " La perfection chrétienne n’a qu’une limite, celle de n’en avoir aucune " (S. Grégoire de Nysse, v. Mos. : PG 44, 300D).

2029 " Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive " (Mt 16, 24).

Article 3. ÉGLISE, MERE ET EDUCATRICE

2030. C’est en Église, en communion avec tous les baptisés, que le chrétien accomplit sa vocation. De l’Église, il accueille la Parole de Dieu qui contient les enseignements de la " loi du Christ " (Ga 6, 2). De l’Église, il reçoit la grâce des sacrements qui le soutient sur la " voie ". De l’Église, il apprend l’exemple de la sainteté ; il en reconnaît la figure et la source dans la Toute Sainte Vierge Marie ; il la discerne dans le témoignage authentique de ceux qui la vivent ; il la découvre dans la tradition spirituelle et la longue histoire des saints qui l’ont précédé et que la liturgie célèbre au rythme du Sanctoral.

2031 La vie morale est un culte spirituel (cf. Rm 12, 1). Nous " offrons nos corps en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu ", au sein du Corps du Christ que nous formons, et en communion avec l’offrande de son Eucharistie. Dans la liturgie et la célébration des sacrements, prière et enseignement se conjuguent avec la grâce du Christ pour éclairer et nourrir l’agir chrétien. Comme l’ensemble de la vie chrétienne, la vie morale trouve sa source et son sommet dans le sacrifice eucharistique.

I. Vie morale et magistère de l’Église

2032. L’Église, " colonne et soutien de la vérité " (1 Tm 3, 15), " a reçu des Apôtres le solennel commandement du Christ de prêcher la vérité du salut " (LG 17). " Il appartient à l’Église d’annoncer en tout temps et en tout lieu les principes de la morale, même en ce qui concerne l’ordre social, ainsi que de porter un jugement sur toute réalité humaine, dans la mesure où l’exigent les droits fondamentaux de la personne et le salut des âmes " (? CIC, can. 747).

2033. Le magistère des pasteurs de l’Église en matière morale s’exerce ordinairement dans la catéchèse et dans la prédication, avec l’aide des œuvres des théologiens et des auteurs spirituels. Ainsi s’est transmis de génération en génération, sous l’égide et la vigilance des pasteurs, le " dépôt " de la morale chrétienne, composé d’un ensemble caractéristique de règles, de commandements et de vertus procédant de la foi au Christ et vivifiés par la charité. Cette catéchèse a traditionnellement pris pour base, à côté du Credo et du Pater, le Décalogue qui énonce les principes de la vie morale valables pour tous les hommes.

2034. Le pontife romain et les évêques en " docteurs authentiques, pourvus de l’autorité du Christ, prêchent au peuple à eux confié la foi qui doit être crue et appliquée dans les mœurs " (LG 25). Le magistère ordinaire et universel du Pape et des évêques en communion avec lui enseigne aux fidèles la vérité à croire, la charité à pratiquer, la béatitude à espérer.

2035. Le degré suprême dans la participation à l’autorité du Christ est assuré par le charisme de l’infaillibilité. Celle-ci s’étend aussi loin que le dépôt de la Révélation divine (cf. LG 25) ; elle s’étend encore à tous les éléments de doctrine, y compris morale, sans lesquels les vérités salutaires de la foi ne peuvent être gardées, exposées ou observées (CDF, décl. " Mysterium Ecclesiæ " 3).

2036. L’autorité du Magistère s’étend aussi aux préceptes spécifiques de la loi naturelle, parce que leur observance, demandée par le Créateur, est nécessaire au salut. En rappelant les prescriptions de la loi naturelle, le Magistère de l’Église exerce une part essentielle de sa fonction prophétique d’annoncer aux hommes ce qu’ils sont en vérité et de leur rappeler ce qu’ils doivent être devant Dieu (cf. DH 14).

2037. La loi de Dieu, confiée à l’Église est enseignée aux fidèles comme chemin de vie et de vérité. Les fidèles ont donc le droit (cf. ? CIC, can. 213) d’être instruits des préceptes divins salutaires qui purifient le jugement et, avec la grâce, guérissent la raison humaine blessée. Ils ont le devoir d’observer les constitutions et les décrets portés par l’autorité légitime de l’Église. Même si elles sont disciplinaires, ces déterminations requièrent la docilité dans la charité.

2038. Dans l’œuvre d’enseignement et d’application de la morale chrétienne, l’Église a besoin du dévouement des pasteurs, de la science des théologiens, de la contribution de tous les chrétiens et des hommes de bonne volonté. La foi et la mise en pratique de l’Evangile procurent à chacun une expérience de la vie " dans le Christ ", qui l’éclaire et le rend capable d’estimer les réalités divines et humaines selon l’Esprit de Dieu (cf. 1 Co 2, 10-15). Ainsi l’Esprit Saint peut-il se servir des plus humbles pour éclairer les savants et les plus élevés en dignité.

2039. Les ministères doivent s’exercer dans un esprit de service fraternel et de dévouement à l’Église, au nom du Seigneur (cf. Rm 12, 8. 11). En même temps, la conscience de chacun, dans son jugement moral sur ses actes personnels, doit éviter de s’enfermer dans une considération individuelle. De son mieux elle doit s’ouvrir à la considération du bien de tous, tel qu’il s’exprime dans la loi morale, naturelle et révélée, et conséquemment dans la loi de l’Église et dans l’enseignement autorisé du Magistère sur les questions morales. Il ne convient pas d’opposer la conscience personnelle et la raison à la loi morale ou au Magistère de l’Église.

2040. Ainsi peut se développer parmi les chrétiens un véritable esprit filial à l’égard de l’Église. Il est l’épanouissement normal de la grâce baptismale, qui nous a engendrés dans le sein de l’Église et rendus membres du Corps du Christ. Dans sa sollicitude maternelle, l’Église nous accorde la miséricorde de Dieu qui l’emporte sur tous nos péchés et agit spécialement dans le sacrement de la Réconciliation. Comme une mère prévenante, elle nous prodigue aussi dans sa liturgie, jour après jour, la nourriture de la Parole et de l’Eucharistie du Seigneur.

II. Les commandements de l’Église

2041. Les commandements de l’Église se placent dans cette ligne d’une vie morale reliée à la vie liturgique et se nourrissant d’elle. Le caractère obligatoire de ces lois positives édictées par les autorités pastorales, a pour but de garantir aux fidèles le minimum indispensable dans l’esprit de prière et dans l’effort moral, dans la croissance de l’amour de Dieu et du prochain :

2042. Le premier commandement ( " Les Dimanches et les autres jours de fête de précepte, les fidèles sont tenus par l’obligation de participer à la Sainte Messe et de s’abstenir des oeuvres serviles ") demande aux fidèles de sanctifier le jour où l’on commémore la Résurrection du Seigneur, ainsi que les principales fêtes liturgiques où l’on honore les mystères du Seigneur, de la Bienheureuse Vierge Marie et des Saints, avant tout en participant à la célébration eucharistique qui rassemble la Communauté chrétienne, et de se libérer de tous ces travaux et de ces affaires qui sont de nature à empêcher la sanctification de ces jours (cf. ? CIC, can. 1246-1248; CCEO, can. 880, § 3 ; 881, §§ 1. 2. 4).

Le deuxième commandement (" Tout fidèle est tenu par l’obligation de confesser ses péchés au moins une fois par an ") assure la préparation à l’Eucharistie par la réception du sacrement de la Réconciliation, qui continue l’œuvre de conversion et de pardon du Baptême (cf. ? CIC, can. 989; CCEO, can. 719).

Le troisième commandement ( " Tout fidèle est tenu par l’obligation de recevoir la Sainte Communion au moins chaque année à Pâques ") garantit un minimum dans la réception du Corps et du Sang du Seigneur en liaison avec les fêtes Pascales, origine et centre de la liturgie chrétienne (cf. ? CIC, can. 920; CCEO, can. 708 ; 881, § 3).

2043. Le quatrième commandement (" Aux jours de pénitence fixés par l’Eglise, les fidèles sont tenus par l’obligation de s’abstenir de viande et d’observer le jeûne ") assure des temps d’ascèse et de pénitence qui nous préparent aux fêtes liturgiques et nous disposent à acquérir la maîtrise sur nos instincts et la liberté du cœur (cf. ? CIC, can. 1249-1251; CCEO, can. 882).

Le cinquième commandement (" Les fidèles sont tenus par l’obligation de subvenir aux besoins de l’Eglise ") énonce que les fidèles sont tenus de subvenir aux nécessités matérielles de l’Église, chacun selon ses possibilités (cf. ? CIC, can. 222; CCEO, can. 25 ; les conférences épiscopales peuvent établir d’autres préceptes ecclésiastiques pour leur territoire, cf. ? CIC, can. 455).

III. Vie morale et témoignage missionnaire

2044. La fidélité des baptisés est une condition primordiale pour l’annonce de l’Evangile et pour la mission de l’Église dans le monde. Pour manifester devant les hommes sa force de vérité et de rayonnement, le message du salut doit être authentifié par le témoignage de vie des chrétiens. " Le témoignage de la vie chrétienne et les œuvres accomplies dans un esprit surnaturel sont puissants pour attirer les hommes à la foi et à Dieu " (AA 6).

2045. Parce qu’ils sont les membres du Corps dont le Christ est la Tête (cf. Ep 1, 22), les chrétiens contribuent par la constance de leurs convictions et de leur mœurs, à l’édification de l’Église. L’Église grandit, s’accroît et se développe par la sainteté de ses fidèles (cf. LG 39), jusqu’à ce que " soit constitué l’homme parfait dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ " (Ep 4, 18).

2046. Par leur vie selon le Christ, les chrétiens hâtent la venue du Règne de Dieu, du " Règne de la justice, de la vérité et de la paix " (MR, Préface du Christ-Roi). Ils ne délaissent pas pour autant leurs tâches terrestres ; fidèles à leur Maître ils les remplissent avec droiture, patience et amour.

EN BREF

2047 La vie morale est un culte spirituel. L’agir chrétien trouve sa nourriture dans la liturgie et la célébration des sacrements.

2048 Les commandements de l’Église concernent la vie morale et chrétienne unie à la liturgie et se nourrissant d’elle.

2049 Le magistère des pasteurs de l’Église en matière morale s’exerce ordinairement dans la catéchèse et la prédication, sur la base du Décalogue qui énonce les principes de la vie morale valables pour tout homme.

2050 Le pontife romain et les évêques, en docteurs authentiques, prêchent au peuple de Dieu la foi qui doit être crue et appliquée dans les mœurs. Il leur appartient aussi de se prononcer sur les questions morales qui sont du ressort de la loi naturelle et de la raison.

2051 L’infaillibilité du magistère des pasteurs s’étend à tous les éléments de doctrine y compris morale sans lesquels les vérités salutaires de la foi ne peuvent être gardées, exposées ou observées.


Les dix commandements

Exode 20, 2-17

Deutéronome 5, 6-21

Formule catéchétique
(P. Card. Gasparri, Catechismus Catholicus, Vatican 1933 p. 23)

Je suis le Seigneur ton Dieu, Je suis le Seigneur ton Dieu,
qui t’ai fait sortir qui t’ai fait sortir
du pays d’Egypte, du pays d’Egypte,
de la maison de servitude, de la maison de servitude.
Tu n’auras pas Tu n’auras pas Un seul Dieu tu adoreras
d’autres dieux devant Moi. d’autres dieux devant Moi. et aimeras parfaitement ;
Tu ne te feras
aucune image sculptée,
rien qui ressemble à ce qui
est dans les cieux, là-haut,
ou sur la terre, ici-bas,
ou dans les eaux,
au-dessous de la terre.
Tu ne te prosterneras pas
devant ces dieux et
tu ne les serviras pas, car Moi,
le Seigneur ton Dieu,
Je suis un Dieu jaloux,
qui punis la faute des pères
sur les enfants,
les petits-enfants et
les arrière-petits-enfants,
pour ceux qui Me haïssent,
mais qui fais grâce
à des milliers, pour ceux
qui M’aiment et gardent
mes commandements.
Tu ne prononceras pas Tu ne prononceras pas Son saint nom tu respecteras,
le nom du Seigneur le nom du Seigneur fuyant blasphème
ton Dieu à faux, ton Dieu à faux.., et faux serment.
car le Seigneur ne laisse
pas impuni celui
qui prononce son nom à faux.
Tu te souviendras du jour du Observe le jour du sabbat Le jour du Seigneur garderas, en
sabbat pour Le sanctifier. pour Le sanctifier. servant Dieu dévotement.
Pendant six jours
tu travailleras
et tu feras tout ton ouvrage,
mais le septième jour
est un sabbat
pour le Seigneur ton Dieu.
Tu ne feras aucun ouvrage,
toi, ni ton fils, ni ta fille,
ni ton serviteur, ni ta servante
ni tes bêtes
ni l’étranger
qui est dans tes portes.
Car en six jours
le Seigneur a fait
le ciel, la terre, la mer
et tout ce qu’ils contiennent
mais Il s’est reposé
le septième jour;
c’est pourquoi le Seigneur
a béni le jour du sabbat
et l’a consacré.
Honore ton père et ta mère, Honore ton père et ta mère. Tes père et mère honoreras,
afin que se prolongent tes supérieurs pareillement.
tes jours sur la terre
que te donne
le Seigneur ton Dieu.
Tu ne tueras pas. Tu ne tueras pas. Meurtre et scandale éviteras,
haine et colère pareillement.
Tu ne commettras pas Tu ne commettras pas La pureté observeras
d’adultère. d’adultère. en tes actes soigneusement.
Tu ne voleras pas. Tu ne voleras pas. Le bien d’autrui tu ne prendras,
ni retiendras injustement.
Tu ne porteras pas Tu ne porteras pas La médisance banniras
de témoignage mensonger de faux témoignage et le mensonge également.
contre ton prochain. contre ton prochain.
Tu ne convoiteras pas la Tu ne convoiteras pas la En pensées, désirs veilleras à
maison de ton prochain, femme de ton prochain, rester pur entièrement.
Tu ne convoiteras pas
la femme de ton prochain,
ni son serviteur, Tu ne désireras... Bien d’autrui ne convoiteras
ni sa servante, rien de ce qui est pour l’avoir
ni son boeuf, ni son âne, à ton prochain. malhonnêtement.
ni rien de ce qui est
à ton prochain.

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