Il est du devoir et de l’intérêt même de la société d'accorder une attention particulière de bienveillance et de soutien aux personnes séropositives et de leur manifester une effective solidarité. Dans cette perspective la société et les communautés ecclésiales sont appelées à promouvoir des initiatives d’accueil, de soutien et d’insertion sociale des personnes touchées par le virus de l’immunodéficience humaine. Douloureusement éprouvées, les personnes séropositives en appellent à la conscience et au dynamisme créateur de la communauté sociale.

Les réactions négatives et injustifiées de la société à l’égard des personnes séropositives (ou malades du SIDA), tels que les rejets, les stigmatisations, les méfiances et les culpabilisations ne sont pas compatibles avec l’éthique et ne favorisent pas la prévention de la pandémie. Les personnes victimes du virus du SIDA, déjà angoissées et troublées par le drame de la séropositivité, se voyant stigmatisées et rejetées, peuvent éventuellement éprouver de ce fait, des sentiments de frustration et de rancœur, et réagir par vengeance en adoptant des attitudes et des comportements nuisibles, susceptibles d'entraîner la dissémination de l’infection au VIH.

Dans un climat d'isolement et d’ostracisme, les sujets séropositifs se refugient dans l'anonymat et il est difficile d’obtenir leur nécessaire collaboration pour la prévention du SIDA. Le respect des droits des sujets séropositifs et malades du SIDA ne représente pas seulement un devoir éthique qui nous incombe, mais aussi un facteur déterminant par rapport à la lutte contre le SIDA, notamment la prévention.

Pour prévenir les risques dangereux de discrimination dont peuvent être victimes les personnes séropositives ou malades du SIDA, l'Assemblée Mondiale de la Santé, organe suprême de décision de l'O.M.S. a adopté une résolution à cet effet qui exige [1] :

1. de favoriser la compréhension et le soutien des sujets infectés par le VIH et des personnes atteintes du SIDA, grâce à des programmes d'information, d’éducation et d'action sociale;

2. de protéger les droits de l'homme et la dignité des sujets infectés par le VIH et des personnes atteintes du SIDA, ainsi que des membres de groupes particuliers, et d’éviter toute action discriminatoire et tout préjugé à leur égard en ce qui concerne la fourniture de services, l'emploi et les voyages ;

3. de garantir la confidentialité des épreuves de dépistage du VIH et de promouvoir la mise en place de services consultatifs et d'autres services de soutien aux sujets infectés par le VIH et aux personnes atteintes du SIDA.

Nous sommes invites à manifester ouverture et accueil à l'endroit des personnes victimes du VIH en dépassant nos réactions instinctives de peur et de méfiance. Nous serons alors en mesure d'entretenir avec nos frères et sœurs touchés par le virus du SIDA des relations humaines sereines pour leur apporter généreusement le soutien et l'aide nécessaires. Par rapport à cette tâche humaine et évangélique, l’Eglise est particulièrement appelée à se mettre à l'écoute des personnes éprouvées par le virus du SIDA et à leur annoncer fidèlement l’Evangile de la vie et de l’espérance.

Durement éprouvées par le drame de l’infection au VIH ou par la maladie du SIDA, les personnes victimes de ce terrible fléau ont spécialement besoin d’expérimenter au cœur de leur vie troublée, la tendresse et l’amour miséricordieux de Dieu à travers le ministère pastoral de l'Eglise. Dans ce sens l’Eglise tâchera de susciter par son action pastorale au sein des communautés chrétiennes et dans la société une effective promotion d'un esprit de solidarité, d'accueil et de soutien fraternel en faveur des personnes victimes du VIH.

La solidarité à l'égard des sujets séropositifs ou malades du SIDA trouve son fondement dans la reconnaissance et la dignité de la personne humaine. Les problèmes soulèves par le SIDA sont si complexes qu'il faut nécessairement agir en solidarité.

Par rapport aux personnes séropositives la promotion d'une pastorale spécifique s'avère nécessaire. L’Eglise a un message profondément riche et porteur d'espérance à offrir aux personnes confrontées au drame de la séropositivité et du SIDA. Par son ministère pastoral auprès des personnes séropositives, l'Eglise tâchera fondamentalement de les aider à vivre positivement leur nouvelle situation déterminée par le VIH.

Cette approche pastorale en faveur des personnes séropositives peut s'exprimer entre autres en termes de relation d'aide ou counseling [2].

Le counseling à l'endroit des sujets séropositifs pourra être un cadre favorable d'expression et d’échange sur le SIDA, sa nature, sa gravité et ses implications morales. Le counseling ou relation d'aide qui se réalise dans un climat de confiance et d’ouverture entre le client et celui qui aide, aura pour objectifs le soutien moral et psychologique efficace du sujet, le rétablissement de son équilibre psycho-émotif ...

Dans ce sens l'aidant devra être en mesure de fournir les informations nécessaires sur la séropositivité et la maladie du SIDA, en prêtant une attention particulière à la situation singulière de l'individu (sa personnalité, sa psychologie, ses conditions familiales et sociales…).

Habituellement, la personne contaminée par le VIH vit dans une profonde angoisse des l'annonce de la séropositivité et au fil des jours. Le sujet séropositif se perçoit désormais comme pris en otage par le virus du SIDA [3].

Pris donc en otage par le redoutable virus et sans espoir de libération, le sujet séropositif vit désormais sous l’effet d’une angoisse massive dans l’attente anxieuse du réveil de l'ennemi. Dans cette situation particulièrement troublante, l’individu a fort besoin d'un soutien psychologique, moral et spirituel approprié.

La séropositivité peut être perçue par le sujet comme une sentence de mort irrévocable ; en conséquence les réactions dépressives sont souvent vérifiées chez les personnes séropositives informées et conscientes de leur situation.

Dans l’approche pastorale des personnes contaminées par le VIH (ou malades du SIDA), c'est donc la personne dans sa totalité et la diversité de ses dimensions qu'il faut considérer pour un service vraiment efficace et intégral. Dans le cadre de la relation d'aide, le pasteur ou tout autre intervenant pourra offrir au sujet séropositif, un soutien moral et psychologique d’une profonde densité, lui manifester compréhension, gestes d'amitié et d'affection, en restant attentif et sensible à la manière dont il vit sa séropositivité.

Une telle action pastorale aura entre autres pour finalité d'apporter au sujet victime de l'infection au VIH, une aide efficace, et de restaurer son équilibre psycho-émotif. Il s’agira fondamentalement de répondre de manière adéquate à la crise existentielle du sujet.

Pour ce faire, l’ouverture de centres d'accueil et d’écoute (ou d'autres structures analogues) pourront favoriser l'action pastorale de relation d'aide au bénéfice des personnes séropositives et leurs proches ; ces structures pourront être des lieux de référence auxquelles les personnes séropositives pourraient librement s'adresser pour recevoir des informations utiles et bénéficier de soutien psychologique et moral nécessaire.

La relation d'aide peut être aussi le lieu privilégié pour une action favorable à la prévention. A travers les échanges autour des différents aspects du SIDA dans le cadre de la relation d'aide, la personne séropositive peut acquérir une plus grande conscience du problème et assumer éventuellement des attitudes et comportements responsables propices à la prévention.

On ne dira jamais assez que la lutte contre la grave diffusion du SIDA engage la responsabilité de tous à des degrés divers. La prévention du SIDA est l'affaire de tous : les biens portants, les sujets séropositifs, les familles, les acteurs de l’éducation. Dans cette perspective, l’éducation sanitaire joue un rôle particulièrement important.


Notes :

[1] Forum Mondial de la Santé, Revue Internationale de Développement Sanitaire, OMS, vol.9 n° 3 (1998), p 517.

[2] Le terme counseling ou son équivalent français « relation d'aide » indique un type particulier de relation établie entre deux personnes, l'une se trouvant dans une situation de besoin et l'autre étant en mesure d’offrir l’éventuelle aide sollicitée par le client. Selon Roger Mucchielli, la relation d’aide se définit comme suit : « La relation d'aide est une relation professionnelle dans laquelle une personne doit être assistée pour opérer son ajustement personnel à une situation à laquelle elle ne s’adapterait pas normalement. Ceci suppose que l'Aidant est capable de deux actions spécifiques :

1. Comprendre le problème dans les termes ou il se pose pour tel individu singulier dans son existence singulière;

2. Aider le « client » à évoluer personnellement dans le sens de sa meilleure adaptation sociale » (MUCHIELLI R., L’entretien de face à face dans la relation d’aide ; connaissance du problème, Les Editions ESF - Entreprise Moderne d'Edition, Paris, 1989, P. 8).

BRUSCO Angelo fait judicieusement observer que le counseling, transposé sur le terrain pastoral peut être défini comme un ministère de la communauté croyante se proposant pour objectifs, la guérison, la libération et la croissance de la personne (Cf. BRUSCO A., Il Counseling, PANGRAZZI A., (a cura di), Il Mosaico della Misericordia, Ed. Camilliane, Torino, 1989, P. 127).

[3] Traitant de la dimension psychologique du SIDA, A. RUFFIOT écrit : « Il m'apparaît que cette qualification d'otage est celle qui, dans notre expérience clinique, caractérise le plus précisément le vécu conscient du séropositif : il est prisonnier d’un ennemi qui ne s'est pas encore déclaré belligérant, un ennemi clandestin prêt à tout instant à déclencher son attaque, guerrier retors, imprévisible, utilisant des caches, des camouflages, des masques pour ne pas être débusque... Les témoignages des otages — au sens habituel du terme – et des spécialistes en victimologie, décrivent l’effet délétère sur le psychisme de cette expérience traumatique, pendant la période d'isolement et de menace continue, mais aussi son effet à long terme après la libération et confirment la nécessité d’une psychothérapie appropriée, spécifique. On ne soulignera jamais assez cette condition d'otages passifs par rapport au virus… » (RUFFIOT A., « Le SIDA, une maladie aussi psychologique », Psychologie du SIDA, approches psychanalytiques, psychosomatiques, et socio-éthiques, (sous la direction de André RUFFIOT) PIERRE MARDAGA, EDITEUR, LIEGE - BRUXELLES, 1989, P. 18).

 

Père François SEDGO
Religieux Camillien
Dans : Prévention SIDA et éducation chrétienne de la sexualité humaine, 1998.
Pages 116-122.