INTRODUCTION

« L’avenir du monde et de l’Église passe par la famille », nous enseigne le Saint Pape Jean Paul II (Exhortation Apostolique Familiaris Consortio, 1981, n°75). En effet, non seulement la famille est la première cellule de la communauté ecclésiale vivante, mais aussi celle de la société. En Afrique en particulier, la famille constitue une réalité fondamentale de la vie sociale. (cf. E.I.A. n°80).

Nous rendons donc grâce à Dieu, Auteur de la vie et de la famille, pour avoir inspiré notre Saint Père François qui a convoqué une Assemblée générale extraordinaire du Synode des Évêques relative au mariage et à la famille, (5-19 Octobre 2014). Ce synode, à n’en point douter, fut un temps de grâce qui a permis aux Pères Synodaux :

- d’écouter et d’examiner la réalité de la famille aujourd’hui dans la complexité de ses lumières et de ses ombres.

- de fixer le regard sur le Christ et la Parole de Dieu pour repenser ce que la révélation nous dit sur le rôle et la dignité, la vocation et la mission de la famille.

- d’échanger et de discerner les voies et moyens pastoraux pour accompagner la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme.

Notre Église famille de Dieu du Burkina Faso a participé au Synode Extraordinaire des Évêques par :

- l’envoi au Secrétariat général du Synode des réponses au questionnaire préparatoire

- et la participation effective de deux de ses pasteurs : Monseigneur Paul OUEDRAOGO, Archevêque de Bobo-Dioulasso et Président de la Conférence Épiscopale Burkina-Niger et le Cardinal Philippe OUEDRAOGO, Archevêque de Ouagadougou.

Pour nous Pasteurs africains, il faut absolument mettre en pleine lumière le patrimoine de foi que l’Église a le devoir de préserver dans sa pureté intangible, c’est-à-dire l’idéal de vie matrimoniale et familiale proposé par la Révélation biblique. En outre, il s’avère impérieux de présenter cet idéal aux hommes de notre temps, d’une façon compréhensible et persuasive en leur apportant à tous, lumière, sens et espérance.

En communion avec les Pères synodaux, nous adressons à toutes les familles de notre Église Famille de Dieu, un salut cordial et manifestons notre gratitude pour la généreuse fidélité avec laquelle tant d’époux répondent à leur vocation et à leur mission. Dieu bénisse et protège nos familles !

I – LE SYNODE DES ÉVÊQUES

1- Notion et Fonction.

Le Synode des Évêques est une institution permanente, officiellement établie par le Pape Paul VI avec la promulgation du Motu proprio : « Apostolica sollicitudo » du 15 Novembre 1965. En effet, les Pères du Concile Vatican II (cf. Christus Dominus, n°5) avaient exprimé le désir de maintenir vivant l’authentique esprit de collégialité, à savoir favoriser une étroite union entre les évêques, membres de l’Ordre Épiscopal et entre eux et le Pape, évêque de Rome, chef et Pasteur de l’Église Universelle. Le Code de Droit Canonique définit bien la notion et la fonction de cette institution ecclésiastique qui s’insère dans le gouvernement central de l’Église. Elle constitue une forme institutionnalisée de la communion affective et effective des évêques entre eux et avec le Pontife Romain.

Canon 342 : « Le synode des évêques est la réunion des Évêques qui, choisis des diverses régions du monde, se rassemblent à des temps fixés afin de favoriser l’étroite union entre le Pontife Romain et les Évêques et d’aider de ses conseils le Pontife Romain pour le maintien et le progrès de la foi et des mœurs, pour conserver et affermir la discipline ecclésiastique, et aussi afin d’étudier les questions concernant l’action de l’Église dans le monde ».

La fonction du Synode est éminemment consultative ; il lui revient de donner son avis au Pontife Romain sur les matières soumises à son étude. Et le Pape s’en servira de la manière qu’il juge la plus opportune pour son activité de gouvernement de l’Église… Sa Sainteté le Pape François a confirmé à propos du Synode : « Presque cinquante ans écoulés depuis l’institution du Synode des Évêques, ayant moi aussi scruté les signes des temps et conscient que pour exercer mon ministère pétrinien, il est nécessaire, plus que jamais, de raviser ce précieux héritage conciliaire ». (Pape François, lettre au secrétaire général du Synode des Évêques, le Cardinal Lorenzo BALDISSERI, à l’occasion de l’élévation à la dignité épiscopale du sous-secrétaire, 01 avril 2014).

2- Les Assemblées Synodales

Le code de droit canonique distingue trois types d’Assemblées synodales (cf. Canon 346) : l’ordinaire générale / l’extraordinaire générale et la spéciale.

a) L’Assemblée générale ordinaire : le règlement du Synode (ordo synodi episcoporum) stipule que l’Assemblée générale ordinaire est habituellement convoquée tous les trois ans. Les représentants des épiscopats latin et oriental constituent la majorité des participants. Participent aussi les cardinaux préfets ou présidents des dicastères de la curie romaine, ainsi que des représentants des instituts religieux élus par l’Union des supérieurs généraux. En outre, le Pontife Romain nomme directement certains membres et ratifie l’élection des autres. L’Assemblée générale ordinaire aborde des sujets d’intérêt spécial pour toute l’Église. Les Assemblées Générales Ordinaires célébrées depuis 1965 abordent des thèmes très variés relatifs à la vie de l’Église.

Pape

Thème Synodal

Exhortation apostolique post synodale

Paul VI

(1)

La préservation et le renforcement de la foi catholique (29 sept. 1967- 29 octobre 1967)

-Mariage mixte

-La réforme liturgique

(29 sept. 1967 – 29 octobre 1967)

- Commission Théologique Internationale (1969)

- Matrimonia mixta (1970)

- Code de droit canonique (1969)

- l’Ordo missae (1969)

 

(2)

Sacerdoce ministériel – Justice dans le monde

(30 sept. – 6 nov. 1971)

Sacerdotalis coelibatus

 

(3)

 

L’évangélisation dans le monde moderne

(27 septembre – 26 oct. 1974)

Evangelii nuntiandi

(08 décembre 1975)

Jean-Paul II

(4)

 

La catéchèse dans notre monde d’aujourd’hui

(30 sept. – 29 octobre 1977)

Catechesi tradendae

(16 octobre 1979)

Jean-Paul II

(5)

 

La famille chrétienne

(26 sept. – 25 oct. 1980)

Familiaris Consortio

(22  novembre 1981)

(6)

 

 

La pénitence et la réconciliation dans la mission de l’église et dans le monde

(29 sept. – 29 oct. 1983)

Reconciliato et poenitentia

(02 décembre 1984)

 

(7)

 

La vocation et la mission des laïcs dans l’église  et dans le monde

(1 -  30 octobre 1987)

Christifideles laici

(30 décembre 1988)

(8)

 

La formation des prêtres dans les circonstances actuelles  (30 septembre – 28 octobre 1990)

Pastores dabo  vobis

(25  mars  1991)

(9)

La vie consacrée et sa mission dans l’église et dans le monde

(02 – 29 octobre 1994)

Vita consecrata

(25 mars 1996)

(10)

L’évêque, serviteur de l’Evangile de Jésus-Christ pour l’espérance du monde

Pastores gregis

(16 octobre 2003)

Benoît XVI

(11)

L’Eucharistie, source et sommet de la vie et de la mission de l’église (02 – 29 octobre 2005)

Sacramentum Caritatis

(22 octobre 2007)

 

(12)

 

La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Eglise

(05 – 26 octobre 2008)

Verbum Domini

(30 septembre 2010)

François

(13)

 

La nouvelle évangélisation pour la transmission de la Foi Chrétienne (07 – 28 oct. 2012)

Evangelii Gaudium

(24 novembre 2013)

b) Les Assemblées Générales Extraordinaires : elles sont convoquées par le Souverain Pontife lorsqu’il faut traiter d’affaires qui se rapportent au bien de l’Église Universelle et qui exigent une solution rapide. Sont membres de ces Assemblées les présidents de Conférences Épiscopales, les représentants de la hiérarchie des Églises Orientales, les cardinaux préfets ou présidents des dicastères de la curie romaine et trois religieux élus par l’union des supérieurs généraux.

Jusqu’à maintenant, trois Assemblées Générales Extraordinaires ont été tenues :

 

Papes

 

Thème Synodal

 

Exhortation Ap.-Post-synodale

Paul VI

(1)

La coopération entre le Saint Siège et les Conférences Episcopales (11 Oct. – 28 Oct. 1969)

Création du Conseil pour la Secrétairerie Générale (1970)

Jean-Paul II

(2)

XX° Anniversaire de la conclusion du Concile Vatican II

(24 novembre – 8 décembre 1985)

Catéchisme de l’Église Catholique (1992)

Lettre Apostolique Motu proprio sur la nature théologique et juridique des Conférences épiscopales (21 mai 1998)

 

François

(3)

Les défis pastoraux  de la famille dans le contexte de l’Evangélisation (4 – 19 oct. 2014)

 

c) Les Assemblées spéciales : elles s’occupent de questions en rapport avec le bien d’une église particulière, ou plusieurs régions ou circonscriptions ecclésiastiques. Sont convoquées à ces Assemblées spéciales, les évêques des lieux concernés ou leurs représentants, les religieux et les cardinaux qui dirigent les dicastères de la curie romaine spécialisés dans les sujets soumis à l’étude du Synode.

Jusqu’à maintenant (2014), on peut dénombrer une liste de neuf Assemblées spéciales :

 

Pape

 

Thème Synodal Spécial

 

Exhortation Ap. Post synodale

Jean Paul II

(1)

 

La situation pastorale aux Pays-Bas (14 – 31 janvier 1980)

 

Jean Paul II

(2)

 

Assemblée Spéciale pour l’Europe

(28 nov. – 14 déc.  1991)

Thème : Nous sommes témoins du Christ qui nous a libérés

Déclaration finale qui déboucha sur la révision des statuts du Consilium Conferentiarum Episcoporum Europæ (C.C.E.E.) à la lumière des circonstances actuelles.

Jean Paul II

(3)

Assemblée spéciale pour l’Afrique

(10 Avril – 8 Mai 1994)

Thème : L’Eglise en Afrique et sa mission évangélisatrice au seuil de l’An 2000 « vous êtes mes témoins » (Ac. 1, 8)

Ecclesia in Africa

(14 septembre 1995)

Jean Paul II

(4)

Assemblée spéciale pour le Liban (26 novembre – 14 décembre 1995)

Thème : Christ est notre espérance : renouvelés par son esprit, témoins solidaires de son amour

 

 

 

Une espérance nouvelle pour le Liban

(10 mai 1997)

 

 

 

 

 

Jean Paul II

(5)

 

 

Assemblée spéciale pour l’Amérique (16 novembre – 12 décembre 1997

Thème : Rencontre avec Jésus Christ vivant : chemin pour la conversion et la solidarité en Amérique

 

Ecclesia in America

(22 janvier 1999)

Jean Paul II

(6)

 

Assemblée spéciale  pour l’Asie (19 Avril – 14 mai 1998

Thème : Jésus-Christ Sauveur et sa mission  d’amour et de service en Asie… « Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance ».

(Jn 10,10)

Ecclesia in Asia

(06 – 11 – 1999)

Jean Paul II

(7)

Assemblée spéciale pour l’Océanie (22 nov. -12 déc.)

Thème : Jésus-Christ :

Suivre son chemin, proclamer sa vérité, vivre sa vie : un appel pour les peuples de l’Océanie

Ecclesia in Oceania

(22 – 11 – 2001)

Jean Paul II

(8)

IIème Assemblée spéciale  pour l’Europe

(1 – 23 octobre 1999)

Thème : Jésus-Christ, vivant dans son Eglise, source d’espérance pour l’Europe.

 

Ecclesia in Europa

(28 – 06 – 2003)

Benoît XVI

(9)

 

Assemblée spéciale pour l’Afrique.

Thème : L’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix.

Africae Munus

(19 novembre 2019)

 

II – LA IIème ASSEMBLÉE EXTRAORDINAIRE DU SYNODE DES ÉVÊQUES (5-19 octobre 2014)

1- Préparation du synode

Le 08 octobre 2013, le Pape François a exprimé sa volonté de convoquer une Assemblée Générale Extraordinaire du Synode des Évêques du 4 au 19 octobre 2014. Un thème est retenu : « les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’Évangélisation ».

Selon la procédure habituelle un document préparatoire ou un questionnaire fut élaboré par le secrétariat général du synode et envoyé à toutes les conférences épiscopales, les congrégations religieuses et diverses institutions ecclésiales. Ce questionnaire ou « lineamenta », a connu une large diffusion auprès des organismes concernés en vue d’une vaste consultation de toute l’Église dans la réflexion et la prière. Le document préparatoire a été rédigé en six langues = Italien, Anglais, Français, Espagnol, Portugais et Allemand. Il a suscité un grand intérêt parmi les fidèles. Les réponses reçues ont atteint un pourcentage élevé (83,11 %). Elles ont été synthétisées, thématiquement regroupées en 158 articles dans un document de travail appelé « Instrumentum laboris ».

2- Les participants

Conformément aux indications de l’Ordo Synodi Episcoporum (art. 5,2), 251 personnes ont pris part à l’Assemblée générale extraordinaire : en qualité de membres ex officio , les chefs des Églises Orientales Catholiques , sui iuris, les Présidents des Conférences Épiscopales Nationales ou interterritoriales, les 25 chefs des dicastères de la Curie Romaine, trois religieux élus par l’Union des Supérieurs Généraux et d’autres membres nommés par le Saint Père : évêques, experts, auditeurs et auditrices et les délégués fraternels de communautés ecclésiales non-catholiques. Il est à noter que parmi les auditeurs figuraient des couples mariés, des parents et chefs de famille qui ont donné des témoignages variés et forts appréciés relatifs à leur expérience de vie conjugale et familiale.

3- Le déroulement des travaux

Un Vade Mecum précise l’organisation et le déroulement des travaux de l’Assemblée du Synode. De par sa nature extraordinaire, elle est réduite dans le temps (2 semaines) et le nombre des participants (251). Les travaux se déroulent en Assemblée Générale ou Congrégation Générale et les débats dans la salle du Synode suivent l’ordre thématique de l’Instrumentum laboris et du rapport ou « relatio ante disceptationem ». Ainsi, la première semaine est consacrée aux interventions des Pères Synodaux et des invités. Chaque intervenant dispose de 4 minutes et se limite au thème du document de travail :

- Communiquer l’évangile à la famille aujourd’hui
- La pastorale de la famille face aux nouveaux défis
- L’ouverture à la vie et la responsabilité éducative.

La deuxième semaine fut consacrée aux travaux en carrefours (circuli minores) sur le rapport ou synthèse des discussions de la première semaine (relatio post – disceptationem). Une synthèse des travaux synodaux, après les amendements opportuns en carrefours, est présentée en assemblée plénière dans sa rédaction finale. Le document qui rassemble la synthèse finale des travaux synodaux appelé « Relatio Synodi » , est soumis à l’approbation de l’Assemblée. Il constitue le document final de l’Assemblée qui sera présenté au Saint Père afin qu’il en dispose à sa discrétion et à sa décision. Le texte récapitulatif complet des travaux - « Relatio Synodi » - deviendra avec les adaptations nécessaires, le Document Préparatoire de la prochaine Assemblée Générale. Le Secrétariat Général se servira de cette « Relatio Synodi » pour l’élaboration de l’Instrumatum laboris de la XIV° Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques en Octobre 2015.

Tout au long de la célébration du Synode, le Saint Père François était physiquement présent. Il dirigeait la prière et restait assis, écoutant attentivement ce qui se disait, sans prendre la parole. Trois présidents délégués nommés dirigeaient les travaux à tour de rôle : les cardinaux André Vingt Trois, Archevêque de Paris (France), Luis Antonio Tagle, Archevêque de Manille (Philippine) et Raymondo Damasceno Assis, Archevêque de Aparecida (Brésil). En outre, le Cardinal Peter Erdo’, Archevêque de Esztergom-Badapest, Ungheri, assurant le rôle de secrétaire général ; et Mgr Bruno Forte, Archevêque de Chieti – Vasto, Italia, était le secrétaire spécial. A l’ouverture des travaux du Synode, le Pape François a invité les Pères Synodaux à vivre pleinement la Collégialité qui est communion, solidarité, fraternité et charité ainsi que la Synodalité, dynamique originelle à la vie, chemin de l’Église en tant que communauté.

Tous étaient invités à écouter avec humilité et à accueillir avec un cœur ouvert ce que disent les frères. Le synode se déroule « cum Petro et sub Petro » et cette présence du Pape est une garantie pour tous dans la fidélité à la foi.

III – LE CONTENU DU SYNODE EXTRAORDINAIRE DES ÉVÊQUES SUR LA FAMILLE.

Au terme du Synode Extraordinaire des évêques sur la famille qui s’est déroulé au Vatican du 5 au 19 Octobre 2014, les Pères Synodaux ont clos leurs travaux par l’adoption de la « Relatio Synodi ». Ce texte résume les débats et échanges sur le thème : « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation. »

En introduction, les Pères Synodaux réunis autour du Pape François s’adressent à toutes les familles des divers continents, en particulier à celles qui suivent le Christ, Chemin, Vérité et Vie. Ils ressentent le devoir de remercier le Seigneur pour la généreuse fidélité avec laquelle tant de familles chrétiennes répondent à leur vocation et à leur mission. A ces familles s’adressent l’estime, les remerciements et les encouragements de toute l’Église. Les fruits des réflexions-débats des Pères Synodaux sont synthétisés dans trois parties principales.

1- L’écoute : le contexte et les défis de la famille aujourd’hui.

Les Pères Synodaux ont examiné sans complaisance la réalité de la famille aujourd’hui, dans la complexité de ses lumières et de ses ombres. Le changement anthropologique et culturel influence aujourd’hui tous les aspects de la vie. On peut déceler des aspects positifs et négatifs :

- Aspects positifs : on peut noter une plus grande liberté et d’expression et une meilleure reconnaissance des droits de la femme et des enfants, la recherche des relations affectives de qualité, marquées par le don de soi et la réciprocité créative…

- Aspects négatifs : nombreuses sont les ombres ou aspects négatifs : individualisme et l’égoïsme exacerbés qui dénature les liens familiaux, certains contextes culturels et religieux présentent des défis particuliers : polygamie, mariage par étapes, cohabitation ou concubinage, divorces, la commercialisation du corps, la pornographie, la prostitution, une mentalité antinataliste… A cause de la sécularisation dans de nombreuses parties du monde, il est de moins en moins fait référence à Dieu et la foi n’est plus partagée ou transmise du point de vue social.

Toutes ces données constituent d’énormes défis pour la Pastorale. L’Église se doit de dire une parole de vérité, de miséricorde et d’espérance relative à la vocation et à la mission du mariage et de la famille.

2- Le regard sur le Christ : l’Évangile de la Famille.

Face aux multiples et complexes défis, il est capital de conserver le regard fixé sur Jésus-Christ et son Évangile. Jésus annonçait les exigences du Royaume de Dieu, mais a regardé les femmes et les hommes qu’il rencontrait, avec amour et tendresse et miséricorde… Exemples : la Samaritaine (Jn 4, 1-30), la femme adultère (Jn 8, 1-11). Dans une attitude d’amour envers la personne pécheresse, Jésus conduit au repentir et à la conversion. La pédagogie divine devrait inspirer l’Église, tous les pasteurs et les Communautés Chrétiennes.

Dieu a créé le mariage et la famille, lorsqu’il a créé Adam et Eve, et institué le mariage primordial comme fondement solide de la famille (Jn 1, 27-28 ; 2, 24). Cette union a été altérée par le péché, mais rachetée par le Christ (Ep 5, 21-32), restaurée à l’image de la Sainte Trinité, source de tout amour véritable.

Au cours des siècles, l’Église n’a pas manqué d’offrir son enseignement constant (Magistère) sur le mariage et la famille. Le Concile Vatican II, dans sa constitution pastorale Gaudium et Spes qualifie le Mariage de communauté de vie et d’amour (G.S, n°48). L’amour est au centre de la famille et implique le don réciproque de soi. En outre, par le sacrement de mariage, le Christ Seigneur vient à la rencontre des époux et demeure avec eux. Les époux sont comme consacrés par une grâce spécifique, édifient le Corps du Christ et constituent une Église domestique (L.G, n° 11). Dans le sillage de Vatican II, les Papes ont approfondi la doctrine sur le mariage : Paul VI (Humanae Vitae), Jean Paul II (Familiaris Consortio, 13), Benoît XVI (Deus Caritas est, n°2 ), Pape François (Lumen fidei, n° 53).

Le mariage sacramentel est enraciné dans la grâce du baptême qui établit l’alliance fondamentale de chaque personne avec le Christ dans l’Église. C’est cela qui permet aux couples d’assumer dans la foi les éléments constitutifs du mariage, les « biens du mariage », à savoir :

- Les finalités : a.) le lien des époux, c’est-à-dire, se donner totalement au conjoint, se rendre heureux l’un l’autre. b.) L’ouverture à la vie, c’est-à-dire la procréation et l’éducation des enfants.

- Les propriétés : a.) à l’instar du mariage prototype d’Adam et d’Eve, le mariage chrétien est monogamique et exclut toute tentative de polygamie ou d’infidélité. b.) En outre, le mariage chrétien est indissoluble. Par la grâce du sacrement, Dieu consacre l’amour des époux et en confirme l’indissolubilité, en leur offrant l’aide nécessaire pour vivre la fidélité, l’accueil réciproque et l’ouverture à la vie.

L’Église en tant que maîtresse confiante et mère prévenante, est consciente de la fragilité d’un bon nombre de ses enfants qui peinent sur le chemin de la foi, de la vie matrimoniale et familiale. Conformément au regard miséricordieux de Jésus, l’Église doit accompagner avec miséricorde et patience, attention et sollicitude ses enfants les plus fragiles qui portent les marques de l’amour blessé ou perdu, des situations non conformes à l’idéal évangélique. Il faut redonner confiance et espérance, dire la vérité avec amour, inviter à la conversion, éclairer tous ceux qui ont fait fausse route ou se trouvent en pleine tempête. L’Église, selon la volonté de son Maître et Fondateur, doit être une maison toujours ouverte du Père… la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile (cf. Pape François, Evangelii Gaudium, n°47).

La Sainte Famille de Nazareth est proposée comme prototype et exemple admirable de toutes les familles chrétiennes. A l’école de la famille de Nazareth, on « comprend la nécessité d’avoir une discipline spirituelle si l’on veut suivre l’enseignement de l’Évangile et devenir disciples du Christ » (Paul VI, Discours à Nazareth, 5 Janvier 1964).

3- Les Perspectives Pastorales

Le dialogue synodale s’est attardé sur certaines des requêtes pastorales pressantes afin qu’elles soient mises en œuvre au niveau des Églises locales, dans la communion « cum Petro et sub Petro ». L’annonce de l’Évangile de la famille constitue une urgence pour la nouvelle évangélisation. L’Église est appelée à la mener à bien avec la tendresse d’une mère et la clarté d’une maîtresse (cf. Ep 4,15), dans la fidélité à la kénose miséricordieuse du Christ. Voici quelques orientations pastorales qui se dégagent du synode :

- Le mariage chrétien est une vocation devant être accompagnée d’une préparation adéquate des futurs époux dans un parcours de foi et un discernement mûr. Les premières années de vie conjugale doivent être soutenues par des couples expérimentés, des associations œuvrant dans le domaine de la pastorale familiale.

- La parole de Dieu est source de vie et de spiritualité pour la famille. Et l’Évangile de la famille est une joie qui « remplit le cœur et toute la vie ». (cf. Evangelii Gaudium, n° 1).

- De nos jours, nous constatons une crise de la foi qui implique une crise du ménage et de la famille. Une conversion missionnaire est demandée à toute l’Église : langage, valeurs évangéliques, transmission de la foi… L’Évangile de la famille est la réponse aux attentes les plus profondes tant de la personne humaine que de la famille.

- Les Pères synodaux retiennent que les familles catholiques, en vertu de la grâce du sacrement nuptial, sont appelées à être elles-mêmes les sujets actifs de toute la pastorale familiale.

- « L’Église est appelée à être toujours la maison ouverte du Père… la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile ». (Evangelii Gaudium, n°47). Dans cette perspective, les pasteurs doivent promouvoir un dialogue et un soin pastoral inclusif d’accompagnement, de charité et de miséricorde. Il est nécessaire de mettre l’accent sur l’importance de la spiritualité familiale, de la prière, de la participation à l’Eucharistie dominicale….

- Le soin pastoral envers ceux qui sont mariés civilement ou vivent en concubinage,

- Soigner les familles blessées : les séparés, les divorcés non remariés, les divorcés remariés, les familles monoparentales

- L’attention pastorale envers les personnes ayant une orientation homosexuelle.

Les Pères synodaux ont pris acte de la diffusion d’une mentalité qui réduit l’engendrement à la vie. Ils retiennent que l’ouverture à la vie est une exigence intrinsèque de l’amour conjugal. Ils recommandent les méthodes naturelles pour une procréation responsable (cf. Paul VI dans « Humanae Vitae ») et encouragent l’adoption des enfants, des orphelins et abandonnés. L’un des défis majeurs auquel sont confrontées les familles d’aujourd’hui est bien celui de l’éducation, rendue difficile et complexe par la réalité culturelle actuelle et l’influence des médias. L’Église demande de soutenir les parents dans leurs tâches éducatives par ses écoles, la catéchèse, les mouvements et associations d’enfants et de jeunes.

La pastorale et la dévotion mariale constitue un bon point de départ pour annoncer l’Évangile de la famille.

CONCLUSION

Le synode sur le thème : « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation », fut une expérience collégiale de grande importance. Dans son discours de clôture, le Pape François l’a qualifié de « lineamenta » qui devra servir de base pour le prochain synode ordinaire des évêques, prévu du 4 au 25 Octobre 2015 et dont le thème sera : « La vocation et la mission de la famille dans l’Église et dans le monde contemporain ». Les Églises locales sont invitées à mûrir les fruits du synode d’octobre 2014. Notre Église Famille de Dieu sera en communion de prière et de réflexion avec l’Église Universelle notamment avec l’aide du fascicule élaboré par la commission diocésaine de formation permanente. Ce fascicule développe bien le thème de l’année pastorale : « Famille Chrétienne, vis ta foi et sois artisan de paix ».

Buud gomde, buud n kelegde, Buud tùùmde, buud n tùùmde. Puissent les différentes composantes de l’Église- Évêques, prêtres, religieux (ses), catéchistes, fidèles laïcs- se mettre en synode (c’est-à-dire marcher ensemble) dans la réflexion et la prière en vue de promouvoir une pastorale de la famille dans la vérité et la miséricorde.

ANNEXE 1 : INTERVENTION DU CARDINAL PHILIPPE OUEDRAOGO AU SYNODE EXTRAORDINAIRE (ROME 5 – 19 Octobre 2014)

 Pour lire l'article, liquez ici : Intervention du Cardinal au synode extraordinaire sur la famille (Rome, 5-19 octobre 2014)

ANNEXE 2 : INTERVENTION DE MONSEIGNEUR PAUL OUEDRAOGO AU SYNODE EXTRAORDINAIRE

Un grand nombre de défis pastoraux complexes entourent la famille aujourd'hui. La nouvelle évangélisation devra les affronter et annoncer l'Évangile de salut de Jésus-Christ qui, sans condamner est cependant exigeant.

Le contexte d'une décadence culturelle, morale et spirituelle dénature et pervertit les éléments constitutifs de la famille, lieu d'humanisation par excellence pour chaque être humain. Cette décadence constatée dans les pays longtemps berceaux de la foi et de la chrétienté, influence particulièrement les peuples d'Afrique et veut s'imposer à eux: d'abord comme pensée du plus fort, puis comme pensée unique devenant dictature de la pensée unique et finalement en se présentant comme modèle unique dans tous les domaines, particulièrement au niveau de la famille. Penser autrement devient de l'obscurantisme, de l'intolérance. Souvent le continent africain est stigmatisé par des générations hâtives au sujet du célibat par exemple.

Au nom des Évêques, prêtres, consacrés, fidèles laïcs de l'Église- Famille de Dieu au Burkina et au Niger, je m'adresse à tous les Pères synodaux pour sonner l'alerte face à l'introduction dans notre Église de contre-valeurs que des acteurs ont savamment et subtilement transmises. Nous sommes ahuris de constater que le sens de l'amour est perverti, celui du mariage dénaturé, l'identité de l'homme et de la femme niée, la vie manipulée.

La cause principale est que la Parole de Dieu et l'enseignement de l'Église n'ont plus d'impact sur le monde. Les chrétiens ne constituent plus l'âme du monde.

Tandis que l'Évangile de Jésus-Christ et la foi des chrétiens éclairent progressivement nos peuples et attirent nombre d'hommes, de femmes, de jeunes au point que certains voient en l'Afrique le poumon spirituel de l'humanité, les cultures africaines, les valeurs morales de nos communautés humaines, sont rejetées, sacrifiées aux idoles de la morale personnelle, à la morale libérale de l'Occident en continuelle et rapide oxydation. La morale aujourd'hui n'émane plus de la communauté mais de l'individu qui veut déterminer tout seul ce qui est bon pour lui.

Nous résisterons grâce à la Parole de Dieu et à l'enseignement authentique de l'Église de Jésus-Christ. C'est la voie du salut qui nous reste. Au nombre des contre-valeurs qui menacent la famille, je relève la vision altérée de la femme et de l'homme. Seul le respect de la dignité des personnes et de leur complémentarité peut permettre à la différence d'exister et partant la communion sera possible. La complémentarité est nécessaire à la pleine identité de chacun. Dieu créa l'homme à son image et à sa ressemblance et l'individu ne peut être perçu que comme personne en relation de complémentarité et le droit individuel ne peut se situer que dans ce cadre.

C'est de cette manière également, que notre Église est emportée dans une dynamique d'accueil et d'approbation de projets dits de développement autour du concept de « genre », mais qui en arrière fond, s'oppose bien souvent avec subtilité à la dignité de la personne humaine. Certains partenariats extérieurs exposent nos nations à des conclusions de contrats aux seules fins de résoudre des problèmes immédiats sans percevoir le danger d'une transformation négative pour nos sociétés.

En regardant à partir de l'Afrique, nous avons parfois l'impression qu'il n'est plus admis qu'une loi naturelle soit inscrite au fond des cœurs. Tout est permis. Mais tout nous est-il profitable? Cependant la loi naturelle résiste.

On dit qu'avortement et euthanasie libèrent. Mais on sait qu'il y a au fond de celle qui avorte ou de celui qui pratique l'euthanasie une culpabilité qui persiste et on s'évertue à vouloir le faire endosser par le législateur. La loi positive ne libère pas de la conscience.

Au lieu de dénoncer la dépravation des mœurs, on crie fort qu'il y a une évolution des mœurs avec le développement de l'homosexualité. Affirmer une seule orientation sexuelle selon la création, refuser le droit de cité à l'homosexualité, c'est se faire traiter d'homophobe, d'intolérant passible du tribunal. Des défenseurs de la virginité au nom de la foi chrétienne ont été tués. Les défenseurs du mariage et de la famille seront haïs et insultés publiquement. Que les homosexuels n'usurpent pas le mot « mariage » réservé à une réalité qu'ils pensent dépassée. Qu'ils nomment les attelages hommes-hommes ou femmes-femmes des homo-unions et non des mariages. Honnêteté intellectuelle oblige. Nous disons oui pour l'unité et l'indissolubilité du mariage. Nous n'excluons pas de nos communautés chrétiennes les polygames, les divorcés, les divorcés remariés. Les impudiques, nous n'en voulons pas.

Il se manifeste une volonté de changer nos cultures par la perversion du sens de l'amour, du mariage et de la famille. Une dégradation de l'écologie humaine, de l'écologie familiale s'installe. « L'écologie humaine est une nécessité impérative. Il s'avère nécessaire de revoir totalement notre approche de la nature. Elle n'est pas uniquement un espace exploitable ou ludique. Elle est le lieu natif de l'homme, sa "maison".» (cf. Benoît XVI, Pour une écologie de l'homme)

En économie, le système d'ajustement structurel imposé aux États d'Afrique a été reconnu comme une erreur. Une pareille erreur en écologie familiale serait très grave. La crise de l'Occident dont nous voyons surtout l'aspect économique relève plutôt d'une crise anthropologique: dissocier l'homme de la nature et lui imposer l'économique.

La famille n'est pas une propriété de l'homme qui peut en faire ce qu'il veut. Comme par instinct de conservation, l'Afrique résiste pour ne pas faire de la famille ce qu'elle veut. Des projets concernant la famille ne sont pas réalisés exactement comme défini. C'est une chance, car c'est une résistance de la création. Qu'en Afrique nous ne baissions donc pas les bras dans la promotion de la famille. Aussi souhaitons-nous une pastorale familiale forte et organisée.

Nous réaffirmons la valeur spécifique des règles éthiques de la famille de Dieu sur terre; nous la défendons et la défendrons toujours. Dans ce débat, nous avons avec nous une forte audience de laïcs, perplexes devant des comportements qui situent l'homme en dessous de l'animal

Un laïcat plénier et résolument engagé qui se forme grâce aux Communautés chrétiennes de base prend souvent les initiatives pour interpeller les autorités politiques dans certaines dérives. Ainsi face à la promotion à coup de publicités monstres pour le préservatif les chrétiens devront-ils éviter de se retrouver être les promoteurs de son utilisation effrénée alors que sa fiabilité dans le climat qui est le nôtre au sahel n'est même pas prouvée.

Nous souhaitons collégialement une résistance et un travail pour donner des réponses vigoureuses et éviter à l'Église de suivre un chemin erroné vers des modes de vie négateurs de nos valeurs ancestrales ennoblies par l'Évangile.

Mgr Paul Yembuaro OUEDRAOGO,
Archevêque de Bobo-Dioulasso,
Président de la Conférence Episcopale Burkina-Niger

ANNEXE 3 : Message des Pères synodaux aux familles chrétiennes

Nous, Pères synodaux réunis à Rome autour du Pape François pour l'Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques, nous nous adressons à toutes les familles des divers continents, et en particulier à celles qui suivent le Christ, Chemin, Vérité et Vie. Nous manifestons notre admiration et notre gratitude pour le témoignage quotidien que vous nous offrez, ainsi qu’au monde, par votre fidélité, votre foi, votre espérance et votre amour.

Nous aussi, pasteurs de l'Église, nous sommes nés et avons grandi dans des familles aux histoires et vicissitudes les plus diverses. En tant que prêtres et évêques, nous avons rencontré et avons vécu aux côtés de familles qui nous ont raconté en parole et révélé en actes toute une série de merveilles mais aussi de difficultés.

La préparation même de cette assemblée synodale, à partir des réponses au questionnaire envoyé aux Églises du monde entier, nous a permis de nous mettre à l’écoute de nombreuses expériences familiales. Notre dialogue durant les jours du Synode nous a ainsi enrichis mutuellement, nous aidant à regarder la réalité vivante et complexe dans laquelle évoluent les familles.

À vous, nous proposons cette parole du Christ : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » (Ap 3, 20). Comme il le faisait durant ses pérégrinations sur les routes de la Terre Sainte, entrant dans les maisons des villages, Jésus continue à passer aussi aujourd’hui par les rues de nos villes. Dans vos foyers, vous faites l’expérience d’ombres et de lumières, de défis exaltants, mais parfois aussi d’épreuves dramatiques. L'obscurité se fait encore plus épaisse, jusqu'à devenir ténèbres, lorsque le mal et le péché s'insinuent au cœur même de la famille.

Il y a, avant tout, le grand défi de la fidélité dans l'amour conjugal. L’affaiblissement de la foi et des valeurs, l'individualisme, l'appauvrissement des relations, le stress d’une frénésie qui empêche la réflexion marquent aussi la vie familiale. On assiste alors à de nombreuses crises matrimoniales, affrontées souvent de façon expéditive, sans avoir le courage de la patience, de la remise en question, du pardon mutuel, de la réconciliation et même du sacrifice. Ces échecs sont ainsi à l’origine de nouvelles relations, de nouveaux couples, de nouvelles unions et de nouveaux mariages, qui créent des situations familiales complexes et problématiques quant au choix de la vie chrétienne.

Parmi ces défis, nous souhaitons ensuite évoquer les épreuves de l’existence même. Pensons à la souffrance qui peut apparaître lorsque qu’un enfant est handicapé, lors d’une grave maladie, lors de la dégénérescence neurologique due à la vieillesse, lors de la mort d'une personne chère. La fidélité généreuse de tant de familles qui vivent ces épreuves avec courage, foi et amour est admirable, lorsqu’elles les considèrent non comme quelque chose qui leur a été arrachée ou imposée, mais comme quelque chose qui leur a été donné et qu'ils offrent à leur tour, voyant en toutes ces personnes éprouvées le Christ souffrant lui-même.

Nous pensons aux difficultés économiques causées par des systèmes pervers, par le « fétichisme de l'argent » et par « la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain » (Evangelii gaudium, 55) qui humilie la dignité de la personne. Nous pensons aux pères et aux mères sans emploi, impuissants face aux besoins les plus élémentaires de leur famille ; et à ces jeunes qui se trouvent devant des journées désœuvrées et sans espérance, proies potentielles des dérives de la drogue et de la criminalité.

Nous pensons enfin à la foule des familles pauvres, à celles qui s'agrippent à une barque pour atteindre des moyens de survie, aux familles de réfugiés qui émigrent sans espoir à travers des déserts, à celles qui sont persécutées simplement à cause de leur foi et de leurs valeurs spirituelles et humaines, à celles qui sont frappées par la brutalité des guerres et des oppressions. Nous pensons aussi aux femmes qui subissent la violence et sont soumises à l’exploitation, à la traite des personnes, aux enfants et aux jeunes victimes d’abus même de la part de ceux qui devraient en prendre soin et les faire grandir en confiance, aux membres de tant de familles humiliées et en difficulté. « La culture du bien-être nous anesthésie et [...] toutes ces vies brisées par manque de possibilités nous semblent un simple spectacle qui ne nous trouble en aucune façon. » (Evangelii gaudium, 54). Nous faisons appel aux gouvernements et aux organisations internationales pour promouvoir les droits de la famille en vue du bien commun.

Le Christ a voulu que son Église soit une maison avec la porte toujours ouverte et accueillante, sans exclure personne. Nous sommes ainsi reconnaissants envers les pasteurs, les fidèles et les communautés prêts à accompagner et à porter les déchirures internes et sociales des couples et des familles.

Cependant, il y a également la lumière qui brille le soir derrière les fenêtres dans les maisons des villes, dans les modestes résidences des périphéries ou dans les villages et même dans les baraquements : celle-ci brille et réchauffe les corps et les âmes. Cette lumière, dans les vicissitudes de la vie nuptiale des conjoints, s'allume grâce à une rencontre : il s'agit d'un don, d'une grâce qui s'exprime -comme le dit la Genèse (2,18)- quand deux visages se retrouvent chacun l'un « en face » de l'autre, comme une « aide qui lui corresponde », c'est-à-dire à la fois semblable et complémentaire. L'amour de l'homme et de la femme nous enseigne que chacun des deux a besoin de l'autre pour être soi-même, chacun demeurant pourtant différent de l'autre dans son identité qui s'ouvre et se révèle dans le don réciproque. C’est ce qu’exprime de façon suggestive la femme du Cantique des Cantiques : « Mon bien-aimé est à moi, et moi, je suis à lui [...] Je suis à mon bien-aimé, mon bien-aimé est à moi » (Ct 2, 16 ; 6,3).

Pour que cette rencontre soit authentique, le cheminement commence avec le temps des fiançailles, temps de l'attente et de la préparation. Il s'actualise pleinement dans le sacrement du mariage où Dieu appose son sceau, sa présence et sa grâce. Ce chemin passe aussi par la sexualité, la tendresse, la beauté, qui perdurent même au-delà de la vigueur et de la fraîcheur de la jeunesse. De par sa nature, l'amour tend à rimer avec toujours, jusqu'à donner sa vie pour la personne qu'on aime (cf. Jn 15,13). À cette lumière, l'amour conjugal, unique et indissoluble, persiste malgré les nombreuses difficultés des limites humaines ; c’est l’un des plus beaux miracles, bien qu’il soit aussi le plus commun.

Cet amour se déploie au travers de la fécondité et de la générativité qui ne sont pas seulement procréation mais aussi don de la vie divine dans le baptême, éducation et catéchèse des enfants. Il s'agit aussi d'une capacité à offrir la vie, de l'affection et des valeurs. Cette expérience est possible même pour ceux qui n'ont pu avoir d'enfant. Les familles qui vivent cette aventure lumineuse deviennent pour tous un témoignage, en particulier pour les jeunes.

Durant ce cheminement, qui s'avère parfois un sentier ardu avec ses difficultés et ses chutes, on retrouve toujours la présence et l'accompagnement de Dieu. La famille en fait l'expérience dans l'affection mutuelle et le dialogue entre époux et épouse, entre parents et enfants, entres frères et sœurs. Elle le vit aussi en se mettant ensemble à l’écoute de la Parole de Dieu et en partageant la prière commune : petite oasis spirituelle à mettre en place à un moment chaque jour. Il y a aussi l'engagement quotidien de l'éducation à la foi, à la beauté de la vie évangélique et à la sainteté. Ce devoir est souvent partagé et exercé avec beaucoup d'affection et de dévouement aussi par les grands-parents. Ainsi la famille se présente comme une authentique Église domestique, qui s'ouvre sur cette famille de familles qu'est la communauté ecclésiale. Les époux chrétiens sont alors appelés à devenir des maîtres dans la foi et dans l'amour également auprès des jeunes couples.

Il y a ensuite une autre expression de la communion fraternelle, celle de la charité, du don, de la proximité auprès des laissés pour compte, des marginalisés, des pauvres, des personnes seules, des malades, des étrangers, des familles en crise, gardant en mémoire la parole du Seigneur : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir » (Ac 20,35). Il s'agit d'un don de biens partagés, de présence, d'amour et de miséricorde et aussi d’un témoignage de vérité, de lumière, de sens donné à la vie.

Le sommet qui recueille et récapitule tous ces liens de la communion avec Dieu et le prochain est l'Eucharistie dominicale, lorsque, avec toute l’Église, la famille prend place à la table du Seigneur. Lui-même se donne à nous tous, pèlerins de l'histoire en route vers la rencontre ultime lorsque le « Christ sera tout en tous » (Col 3,11). Pour cela, dans la première étape de notre chemin synodal, nous avons réfléchi à l’accompagnement pastoral et à la question de l’accès aux sacrements des personnes divorcées-remariées.

Nous, pères synodaux, vous demandons de cheminer avec nous vers le prochain synode.

Que demeure sur vous la présence de la famille de Jésus, Marie et Joseph réunis dans leur modeste maison. Ensemble, tournés vers la Famille de Nazareth, faisons monter vers notre Père à tous notre invocation pour les familles de la terre.

Père, donne à toutes les familles la présence d'époux courageux et remplis de sagesse, qui soient source d'une famille libre et unie.

Père, donne aux parents d'avoir une maison où vivre dans la paix avec leur famille.

Père, donne aux enfants d'être signes de confiance et d'espérance, et aux jeunes le courage de l’engagement stable et fidèle.

Père, donne à tous de pouvoir gagner leur pain de leurs propres mains, de jouir de la sérénité d’esprit et de garder allumé le flambeau de la foi même dans les moments d'obscurité.

Père, donne-nous de voir fleurir une Église toujours plus fidèle et crédible, une cité juste et humaine, un monde qui aime la vérité, la justice et la miséricorde.

Repères bibliographiques

- Paolo VI, Apostolica sollicitudo :  A A S 57 (1965) - 775 – 780

- Codex Iunis Canonici, 25 janvier 1983 (canon 342 – 348)

- Concile Vatican II, Decret, Christus Dominuss, n°5

- Ordo Synodi Episcoporum celebrandae ricognitus et autus (24 juin 1969), AAS 61

- Nikola Etorovic (ed) : Il sinodo dei vescovi, 40 anni di storia (1965-2005) Latran University Press

- IIIème Assemblée générale extraordinaire du Synode des Évêques : relatio Synodi