Veillée Pascale, 19 avril 2014

Chers Frères et Sœurs en Christ, et en humanité,

« A vous tous, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et de notre Bien-Aimé Seigneur Jésus-Christ » (Phil 1,2).

Tous les fils et filles de l’Église Famille de Dieu concluent aujourd’hui leur marche de quarante jours de carême, par la célébration de la fête de Pâques. Pâques est la plus importante des fêtes de l’année liturgique. Elle débute par la Veillée pascale, se poursuit le lendemain, puis se prolonge et se déploie pendant cinquante (50) jours, jusqu’au dimanche de la Pentecôte. Durant toute cette cinquantaine pascale, la liturgie de l’Église met en exergue le cierge pascal, signe de la présence du Christ ressuscité, « lumière du monde ». Nous sommes invités à proclamer et à chanter l’acclamation hébraïque « Alléluia », c’est-à-dire, « louez Dieu », « chantez-le », « acclamez-le » pour ses innombrables hauts faits et pour toutes ses merveilles.

Frères et sœurs, exultons de joie et rendons grâce à Dieu qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts et le rend à jamais victorieux de la mort, du mal, de la haine…. A tous et à toutes, bonnes et saintes fêtes pascales !

I-Pâques : naissance d’êtres nouveaux et du monde nouveau

- A Pâques, des êtres nouveaux sont nés !

Au départ, les disciples, témoins privilégiés de la Résurrection n’ont pas spontanément cru au mystère de la Résurrection. Selon les évangiles, ils y ont adhéré après avoir fait une expérience concrète avec le Ressuscité. Cette expérience a bouleversé leur vie, faisant d’eux des témoins passionnés du Christ ressuscité.

Les femmes qui se sont rendus au tombeau de grand matin- Marie Madeleine et l’autre Marie- ont constaté qu’il était vide et pour qu’elles accueillent le message, il a fallu l’annonce de l’ange et le rappel de l’enseignement même de Jésus : « il n’est pas ici, il est ressuscité comme il l’avait dit. » En se rendant au tombeau, les femmes croyaient avoir rendez-vous avec la mort, mais ont découvert en fait qu’elles avaient rendez-vous avec le Vivant. Selon l’évangéliste Luc, elles rapportèrent aux onze et à tous les autres, l’expérience de leur rencontre avec le Ressuscité mais, ces derniers ne les croyaient pas.

Dans l’évangile selon Saint Jean, les apôtres Pierre et Jean coururent au tombeau sur le témoignage de Marie Madeleine. Pierre voit le linceul, puis le linge qui avaient recouvert la tête de Jésus. Mais il reste perplexe et ne sait que penser. Jean entre dans le tombeau après Pierre, il voit les mêmes signes que lui et discerne immédiatement leur signification : Jésus est ressuscité !

Au matin de Pâques, tous les signes ont convaincu les Apôtres que la mort n’est pas le point final de l’existence humaine. Une brèche est désormais ouverte sur la vie qui n’en finit pas parce que Dieu n’en finit jamais d’aimer. A Pâques, c’est l’espérance qui fait renaître des hommes nouveaux !

- A Pâques, un peuple nouveau voit le jour !

La poignée d’hommes qu’avait choisi Jésus et les quelques femmes qui l’avaient jusqu’ici suivi, ont démissionné au moment de la passion. Ils voyaient que tout se soldait par un échec : « nous qui espérions qu’il était celui qui allait délivrer Israël » (Lc 24, 21), se lamentaient les deux disciples d’Emmaüs, résumant ainsi la pensée des autres amis de Jésus. Mais cette démission va se changer en mission. En effet, les femmes apportent aux onze et à tous les disciples la bonne nouvelle : « Il est vivant ! Il est ressuscité d’entre les morts » (Mt 28,7).

C’est la foi qui va faire d’eux, des hommes nouveaux, des passionnés … Aussi Pierre, au matin de la Pentecôte, lui le peureux, osera affirmer à la foule rassemblée à Jérusalem : « Jésus de Nazareth…vous l’avez tué… mais Dieu l’a ramené à la vie…et nous en sommes témoins. »

Non seulement, ils étaient devenus des êtres nouveaux, mais encore l’Église était né, un peuple nouveau voyait le jour, animé par l’Esprit du Ressuscité.

- Frères et sœurs, aujourd’hui comme hier, la résignation, la fatalité, la démission constituent des tentations permanentes pour les hommes et les femmes surtout devant les épreuves et les situations complexes de la vie. Nous manquons souvent de foi et d’espérance, nous baissons les bras parce que nous manquons de vision et nous ne sommes pas suffisamment passionnés de Dieu et de l’homme, créé à son image.

II- Soyons des artisans du monde nouveau, témoins de l’espérance

Frères et sœurs, à l’instar des premiers disciples de Jésus, c’est sans cesse que notre Église est appelée à renaître en tant que Peuple de Dieu. Hier comme aujourd’hui, il nous faut refuser la résignation et la fatalité et être résolument des témoins de l’espérance, des artisans du monde nouveau voulu par le créateur.

Pour y parvenir, quelques orientations doivent faire l’objet de choix utiles et nécessaires :

2.1- Vivre en ressuscités avec le Christ !

Dans sa lettre aux Colossiens, l’Apôtre Paul s’adresse aux baptisés en ces termes : « Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ. ; recherchez donc les réalités d’en haut… Tendez vers les réalités d’en haut, et non pas celles de la terre. » (Col 3,1). Ceux et celles qui croient en Jésus participent déjà aux richesses acquises grâce à sa résurrection. Le Baptême les a rendus participants de la vie divine. Aussi doivent-ils vivre étroitement unis au Christ. Malheureusement, un bon nombre de chrétiens vivent séparés du Christ qui ne constitue guère une référence ultime et constante dans leur vie. Beaucoup s’engagent dans des sociétés sécrètes, des loges maçonniques, des groupes ésotériques (rose-croix, raéliens, Moon, ….), des nouveaux mouvements qui ne font pas grandir en eux la vie divine en Christ. Rappelons-le clairement, de tels groupes sont incompatibles avec la foi chrétienne. « Pour un chrétien catholique, il n’est pas possible de vivre sa relation avec Dieu selon une double modalité, c’est-à-dire en la scindant en une forme humanitaire supra confessionnelle et une forme intérieure chrétienne. Il ne peut entretenir deux sortes de relations avec Dieu. » (Observatore Romano, n°12 du 19 mars 1985).

L’apôtre Paul invite les chrétiens à « rechercher les réalités d’en haut. » Ces réalités sont tous les biens qui viennent de la main de Dieu et sont généreusement transmis à ceux et celles qui mettent en lui leur confiance. La force et la fécondité de la vie chrétienne résident bien dans l’écoute et la mise en pratique de la Parole de Dieu et de ses commandements, la célébration des sacrements, notamment l’Eucharistie et le sacrement de la réconciliation, la fidélité au Magistère de l’Église.

2.2- Vaincre la violence

Le tableau est sombre quant à l’actualité dans le monde. Il ne se passe une semaine sans que les médias nous relatent des évènements tragiques, des scènes de violences : des attentats, des vindictes populaires, des meurtres de personnes innocentes laissées dans la rue au spectacle des passants, et même des affrontements intercommunautaires autour de possession de biens, ... Nous constatons que nos enfants sont gagnés progressivement par cette violence, entre eux, à l’endroit de leurs parents, et contre souvent la société. Ces tristes évènements violents endeuillent nos familles et nos communautés, et sont des signes manifestes d’une société en déroute, d’une société qui renie les valeurs de tolérance, de justice et de pardon, une société qui ne respecte plus la sacralité de la vie humaine. Les violences nous inquiètent tous et nous ne saurions rester indifférents face à l’usage de la violence comme mode de revendications ou de règlement des conflits. Les violences sont le résultat d’une vision du monde et des relations sociales. Toutes les violences bafouent la dignité de la personne humaine. Et en cela elles ne sauraient être acceptées ni tolérées dans notre société.

En cette fête de Pâques, nous célébrons la victoire de l’amour sur la violence. Aux yeux des hommes, la violence barbare des bourreaux et la croix ont anéanti les forces et la dignité humaine de Jésus. La réponse de Jésus à la violence de la croix a été une réponse d’amour : un amour concret qui a été l’acceptation de son anéantissement pour que sa mort apporte la vie à toute l’humanité.

En cette fête de la Résurrection, j’appelle les chrétiens et toute la population à ne pas céder à la tentation de la violence comme mode de résolution des conflits. J’appelle tous les hommes et femmes de bonne volonté, à un sursaut d’honneur contre toutes les formes de violence. J’appelle les chrétiens à discerner les lieux de violence de notre société, à surpasser la violence, à privilégier et choisir des moyens pacifiques pour régler les conflits sociaux et intercommunautaires ... Le chrétien doit faire appel à l’amour, à la réconciliation, au respect de la vie humaine, à l’acceptation des différences pour combattre la vengeance, refuser d’entretenir la chaîne de la violence. Je vous exhorte, chers frères et sœurs, à faire toujours référence à votre dignité d’homme et de femme créé par Dieu à laisser la lumière de votre foi imprégner votre existence afin de porter haut le message de la résurrection : « l’amour ne passera jamais » (1 Cor. 13,8). Enfin, soulignons qu’il revient aux pouvoirs publics de construire une société plus juste, à renforcer et à crédibiliser le système judiciaire pour garantir à chaque citoyen le droit d’avoir accès à une justice équitable. La violence ne sera jamais une fatalité qui nous contamine sans que nous n’ayons en nous la force de la vaincre, si chacun prend conscience maintenant et décide courageusement de se surpasser et de vaincre la violence par la non-violence, par l’amour.

2.3- Dialogue social et interreligieux

Jésus Ressuscité inaugure le monde nouveau, un monde de réconciliation, de justice et de paix. Aussi, l’Église Famille de Dieu doit-elle s’engager concrètement, notamment par les laïcs tant au niveau social et politique que culturel et économique.

-Les laïcs doivent témoigner du Christ dans le monde par l’exemple du travail professionnel bien fait. Tout salarié doit mériter son salaire. Le travail n’est pas d’abord un moyen de profit personnel, mais permet de participer à l’œuvre de la création et d’être au service des frères et sœurs surtout les plus pauvres, les plus démunis, les marginalisés et laissés-pour-compte selon l’esprit des béatitudes (cf. Mt 5,3-12).

-Et comme je le soulignais dans le Mandement de carême 2014, le Bien du peuple burkinabè tout entier constitue un impératif suprême qui oblige chrétiens, croyants des autres communautés religieuses, les hommes et femmes de bonne volonté à dépasser les intérêts personnels, de groupes ou de partis politiques au profit de l’intérêt de tous et à collaborer pour la promotion d’une démocratie authentique, la promotion d’une société réconciliée dans l’unité, la justice et la paix (cf. mandement, p.9). On ne le dira jamais assez, la paix qui constitue un Bien commun essentiel est un don de Dieu et le fruit des efforts des hommes.

C’est dans cette perspective que vos évêques du Burkina Faso proposent à tous une neuvaine de prière pour la paix qui s’ouvrira par une veillée de prière le 08 mai 2014 et se poursuivra dans les différentes communautés diocésaines et paroissiales. Demandons instamment au Prince de la Paix de nous permettre de vivre dans l’amour mutuel, d’aimer la paix et d’œuvrer ensemble à l’avènement d’une paix durable.

Enfin, soulignons l’importance et la nécessité du dialogue socio-politique et des relations interreligieuses pour l’avènement de la paix en Afrique et en particulier au Burkina Faso. Le dialogue est une attitude humaine et spirituelle qui développe le respect mutuel, la confiance et l’amour réciproque, gage d’une société de tolérance, de cohésion sociale et de paix durable. Dans cette perspective l’Église n’a de cesse d’exhorter ses fils et filles à être « sel de la terre » et « lumière du monde » (Mt 13,14)

En cette Pâques 2014, je souhaite à tous et à toutes d’être, à la suite du Christ Ressuscité, des hommes nouveaux. Si nous le sommes ensemble, nous formerons un peuple nouveau. Pâques, ne sera pas alors l’anniversaire d’un évènement du passé, mais une renaissance pour nous aujourd’hui. Tel est le secret de notre joie et de notre espérance. Félicitations à tous les baptisés de Pâques 2014. Bonne et sainte fête à tous!

Ouagadougou, le 19 avril 2014

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou

 

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