Introduction

Pour délimiter le sujet, il faut commencer par élucider les concepts. L’usage du terme d’impact ne détermine pas qualitativement a priori l’effet produit ou l’influence exercée par le législatif et le politique sur la culture de la mort. Par conséquent, la question qui se pose est celle de savoir si les actions législatives et politiques visent à promouvoir ou à combattre la culture de la mort. Répondre à cette question revient, d’une part, à faire l’inventaire des actes législatifs et des actions politiques qui promeuvent la culture de la mort et, d’autre part, à répertorier ceux qui visent à combattre la culture de la mort. Mais avant de répondre a cette question, il faut d’abord définir ce qu’est la culture de la mort et le contexte ou elle se développe.

« La culture de la mort » est un concept qu’on doit au pape Jean Paul II qui l’a introduit en 1993 et développe dans l’encyclique Evangelum Vitae. Il désigne les modes de penser et d’agir qui instrumentalisent la science, la technique ou les biotechnologies, le droit et la philosophie pour normaliser ou légaliser des pratiques telles que l’avortement, les manipulations génétiques et l’euthanasie. Il s’agit d’une idéologie qui porte atteinte a la dignité humaine, détruit l’existence des plus faibles, des plus vulnérables et des minorités, au profit d’une maximisation du profit, du plaisir ou du bien-être. Elle s’inscrit dans la suite des idéologies totalitaires des XIXème et XXème siècles, qui sacralisaient l’Etat, la Race ou le Parti et justifiaient l’élimination des personnes handicapées, des pauvres et de ceux qui étaient considérés comme des sous-hommes ou des traitres de la Nation

Aujourd’hui, on pourrait, à certains égards, classer l’idéologie néolibérale parmi ces idéologies qui prônent la culture de la mort. Dans l’idéologie néolibérale, en effet, il y a l’affirmation centrale de la liberté absolue de l’individu qui n’hésite pas à l’exercer au détriment de la vie d'autrui. L’individu néolibéral s’arroge en effet le droit de disposer de la vie de l’enfant, du handicapé, du vieillard grabataire ou du pauvre, si ces êtres ne lui sont d’aucune utilité. La culture de la mort désigne donc toutes ces conceptions et pratiques matérialistes, utilitaristes et hédonistes qui méprisent ou détruisent la vie de ceux qui sont considérés comme des obstacles à la jouissance et a la liberté absolue du moi.

A l’opposée, la culture de la vie, prônée par l’Eglise et par certaines associations de défense de la vie, comme Pro-Vie, combat la culture de la mort en protégeant la vie des la conception jusqu’à la mort naturelle, et en s’opposant par tous les moyens pacifiques et légaux à l’idéologie du genre et à toutes les pratiques contre la vie, telles que l’avortement, l’euthanasie, les manipulations génétiques ou encore la peine de mort. Pour combattre efficacement cette culture de la mort, il faudrait d’abord commencer par identifier les législations et les politiques qui la promeuvent et celles qui, au contraire, la combattent.

Le sujet nous amène à analyser ces types d’action que sont les actes législatifs et les décisions politiques favorables ou au contraire défavorables à la culture de la mort. Nous pourrions y procéder en nous limitant au contexte législatif et politique qui est le nôtre, c’est-a-dire celui du Burkina Faso. Mais l’on peut légitimement inscrire le sujet dans le contexte international de ce qu’il convient d’appeler la législation internationale, puisque le droit international s’est considérablement développé au cours de ces dernières années. Il faut d’ailleurs souligner que le Burkina adhère à la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) et est lié par des traités, accords et conventions internationaux qu’il a signés dans le cadre des assemblées de l’ONU, des différentes conférences et sommets mondiaux. L’inscription du sujet dans le contexte national nous impose sa reformulation en ces termes : Le législatif et le politique au Burkina Faso favorisent-ils la culture de la mort ou au contraire s’y opposent-ils ? Il faut, pour répondre à cette question, nous référer a la Constitution du Burkina Faso (1991, modifié en 1997), au Code des personnes et de la famille (1989), au Code pénal, à la législation burkinabè en général et aux politiques gouvernementales en la matière.

I. La législation et la politique burkinabè : pour ou contre la culture de la mort ?

Il ne sera pas nécessaire d’établir ici une distinction rigoureuse entre le droit et la politique, entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif et/ou administratif, puisque le droit positif est précisément le medium par lequel la volonté politique se traduit en règles déterminées et se donne les moyens d’induire des processus de transformation ou de les valider.

Sur la base des textes législatifs fondamentaux, on peut affirmer que le Burkina est engagé dans la défense de la culture de la vie contre la culture de la mort. L’article 2 de la Constitution garantit en effet la protection de la vie, la sureté et l’intégrité physique, tandis que l’article 18 garantit la protection de la maternité, de l’enfance, et établit le devoir d’assistance aux personnes âgées ou handicapées et aux cas sociaux. Il est également important de souligner que la législation burkinabè protège la vie depuis la conception jusqu’à la mort naturelle, puisqu’elle pénalise l’avortement, la torture et le meurtre.

Cependant, il faut dire que le législateur subit actuellement de nombreuses pressions qui le poussent vers la légalisation de l’avortement. Sur les plans international et national, il y a la pression des féministes, des défenseurs des droits de la femme et de certaines organisations internationales qui considèrent que l'interdiction, par la loi, de l’avortement viole les droits fondamentaux de la femme. C’est ce que soutient, par exemple, le site Women on waves en ces termes: « La légalisation de l'avortement peut mettre fin à la mort et aux souffrances inutiles des femmes. Les lois interdisant l’avortement violent les droits des femmes tels que définis par la Conférence des Nations Unies sur la Population et le Développement (au Caire, 1994), la Quatrième Conférence Mondiale sur les Femmes (Beijing) et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (articles 1, 3, 12, 19 et 27.1) ».

Le législateur burkinabè est également sous la pression des faits car une enquête, dont les résultats ont été rendus publics tout récemment, montre que 8 000 avortements clandestins sont effectués chaque année dans la seule ville de Ouagadougou, sur des adolescentes dont l’âge varie entre 15 et 19 ans. La clandestinité de la pratique expose ces adolescentes à de nombreux dangers et risques, d’où il semblerait plus raisonnable de légaliser l’avortement pour que les femmes y recourent sans mettre leur vie en danger et sans craindre d’être punies par la loi. Il faut d’ailleurs préciser que le Burkina a atténué la rigueur de la loi interdisant l’avortement en portant, en 1996, des amendements a son Code Pénal pour permettre l’avortement à tous les stades de la grossesse quand la vie ou la santé de la femme est en danger et en cas de malformation fœtale grave. L’avortement est également autorisé durant les dix premières semaines de la grossesse en cas de viol ou d’inceste. La législation étant souvent la validation des pratiques devenues normatives, il n’est pas étonnant que là où domine la culture de la mort, le législateur soit finalement contraint de légiférer en faveur des éléments constitutifs de cette culture.

En plus de l’avortement, il faut inscrire la peine de mort comme expression de la culture de la mort. Sur ce point, on ne peut pas dire que la législation du Burkina défend la vie de toute personne, puisque la loi portant Code pénal au Burkina Faso prévoit toujours en son article 9 la peine capitale. Les partisans de la peine de mort pourraient soutenir qu’elle vise à protéger la vie et l’intégrité des citoyens contre des individus qui n’hésitent pas à détruire la vie humaine ou à attenter à la sécurité de l’Etat. Mais n’y a-t-il pas d’autres moyens de punir et d’empêcher de nuire qui soient plus respectueux de la vie et de la dignité de la personne humaine, quelle qu’elle soit et quelle qu’elle ait fait ? Au crédit du Burkina, il faut cependant dire qu’il a fait des progrès significatifs vers l’abolition définitive de la peine capitale car, même si la peine de mort reste inscrite dans son code pénal, il est considéré comme un pays abolitionniste de fait et a même voté, en décembre 2007, en faveur d’un moratoire de cinq ans sur la peine de mort.

Si les questions de manipulations génétiques et d’euthanasie ne se posent pratiquement pas au Burkina Faso, ce n’est pas parce que des lois interdisent ces pratiques inscrites dans la culture de la mort, mais c’est parce qu’elles sont pratiquement inexistantes, vu l’absence ou l’état embryonnaire de la biomédecine ou des biotechnologies et eu égard au fait que la médecine n’est pas encore parvenue à assurer la vieillesse au plus grand nombre.

En matière de protection de la vie naissante, il faut reconnaitre que la Constitution burkinabè entretient une certaine ambigüité sur le statut de l’embryon. Elle stipule en effet en son article 2 que « la personnalité commence avec la naissance accomplie de l’entant vivant; elle finit par la mort ». L’embryon n’est donc pas considéré juridiquement comme une personne et n’est donc pas sujet de droit, avant la naissance. La loi fondamentale, dans le même article, concède cependant que « l’enfant conçu peut acquérir des droits à conditions qu’il naisse vivant ». Cette ambigüité sur le statut de l’embryon ne garantit pas fermement sa protection contre l’avortement et toutes formes de manipulation et d’instrumentalisation à des fins thérapeutiques ou eugénistes.

Du point de ses finalités non toujours clairement exprimées, l’idéologie du genre, qui se répand insidieusement au Burkina, doit être également considérée comme un élément de la culture de la mort, car en dissociant le sexe biologique du genre, considéré comme un concept culturellement construit, elle prône la reconnaissance du mariage homosexuel et ne reconnait pas l’enfant comme une finalité naturelle du mariage (cf. Annexe I).

Au Burkina, la législation reconnait comme unique forme de mariage, celui entre un homme et une femme. Après avoir affirmé dans son article 231, en conformité avec la Constitution, que « la famille, fondée sur le mariage, constitue la cellule de base de la société », le Code des personnes et de la famille de 1989, précise en son article 237 que « le mariage est la célébration d’une union entre un homme et une femme, régie par les dispositions du présent code ». Il dénie clairement le statut de mariage à toute autre forme d’union, en l’occurrence les unions homosexuelles. Mais si la législation est claire en la matière, les politiques visant la promotion de l’égalité des sexes et des droits de la femme pourraient, sans même le vouloir, se mettre au service de l’idéologie du gender et induire, à moyen et à long termes, les mentalités à dévaloriser la famille et, simultanément ou par la suite, à valoriser des formes d’union telles que les unions homosexuelles. L’introduction récente du thème du genre dans les programmes officiels de l’enseignement de la philosophie au second cycle n’est pas anodine. Il faut le souligner fortement : si la famille ne constitue plus la cellule de base de la société et que le mariage n’y est plus exclusivement défini comme l’union entre un homme et une femme, on a affaire à une société inscrite dans la logique nihiliste de la culture de la mort, non seulement de quelques individus, mais de la société elle-même.

II. Quelques exemples de législations et de politiques favorables in la culture de la mort dans le monde

L’avortement est une pratique légale dans la plupart des pays occidentaux ou industrialisés, même si elle est encadrée par la loi qui définit les conditions légales dans lesquelles on peut y recourir. Dans l’espace de l’union européenne, il est même en passe de devenir un droit au même titre que le droit a la santé. En juin 2010, une résolution introduite a l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) visait à limiter drastiquement l’exercice du droit a l’objection de conscience dont jouissent les professionnels de la santé quand ils sont sollicités pour pratiquer l’avortement, la stérilisation à visée contraceptive ou la procréation médicalement assistée. Les promoteurs de la culture de la mort dissimulent la violence et immoralité de l’avortement sous le terme générique et aseptisé de « santé de la reproduction ». Heureusement, le parlement européen a entendu les arguments des défenseurs de la vie et de la liberté de conscience et a réaffirmé avec force le droit fondamental a l’objection de conscience (cf. Annexe II : En France : « Le droit à l’objection de conscience réaffirmé par le Conseil de l’Europe »).

Dans beaucoup de pays occidentaux, la recherche sur les embryons humains ou les cellules souches embryonnaires à des fins thérapeutiques est légale. En France, la loi interdit la recherche sur les embryons, mais les conditions de dérogation introduites dans le corpus législatif vide cette loi de son contenu. Dans la logique utilitariste ou s’inscrit la culture de la mort, le plus grand bien escompté de la majorité ou de l’humanité peut justifier le sacrifice des innocents à qui on dénie le statut de personne humaine a part entière. Cette culture de la mort est si répandue dans les pays industrialisés que les résultats spectaculaires obtenus dans la recherche sur les cellules adultes ne suscitent que peu d’intérêt dans la communauté scientifique (cf. Annexe III : Recherche sur l’embryon : rejet du recours contre l’ABM et appel ).

Il faut dire également que la pratique de l’euthanasie est légalisée dans beaucoup de pays industrialisés où il y a une dévalorisation de fait des personnes âgées qui n’échappent pas toujours au sentiment d’inutilité, et où la souffrance, parce qu’elle apparait comme une réalité incompatible avec une existence sensée et heureuse, tend à être niée par tous les moyens techniquement possibles.

En Chine, la politique de l’enfant unique en vigueur depuis des décennies contraintde nombreuses familles chinoises à pratiquer clandestinement l’avortement, quand le premier enfant est une fille ou en tout cas dans la perspective non souhaitée d’un second enfant.

Il faut enfin souligner que la peine de mort est toujours en vigueur dans beaucoup de pays et est rigoureusement appliquée dans certains Etats des Etats-Unis, eu Chine,en Inde, dans la plupart des pays arabes et dans certains pays africains. Elle a été entièrement abolie en Europe à l’exception de la Biélorussie. Dans beaucoup de pays, la loi n’est plus appliquée, même si elle n’est pas abrogée. C’est peut-être dans le seul domaine où la culture de la mort semble reculer sensiblement. Dans les autres domaines qui touchent essentiellement le début et la fin de la vie, le combat pour la vie se révèle très âpre et exige, par conséquent, beaucoup de ténacité, de lucidité et de foi dans la victoire finale de la vie sur la mort.

Plus largement, la culture de mort caractérise la société de consommation promue par l’idéologie néolibérale qui transforme l’homme en simple consommateur ou en pur produit de la société (constructivisme), pire, en pur produit de consommation (disponibilité de l’embryon humain comme matériau).

Abbé Jean-Baptiste SANOU
Archidiocèse de Bobo-Dioulasso
Juillet 2012


Annexe I : En France : « La théorie du gender au lycée : un enseignement idéologique »

Après Sciences-Po Paris, qui leur a dédié une chaire et un enseignement obligatoire en 2010, les gender studies s’imposeront aux lycéens (premières L, S et ES) dès la rentrée 2011 dans le cadre des cours de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre). Les éditions Nathan, Bordas et Belin ont déjà publié leurs manuels, conformément aux nouveaux programmes. Chez les trois éditeurs, les thèses de la théorie du gender, une idéologie qui nie la différence des sexes et la complémentarité naturelle entre l’homme et la femme, sont intégrées dans le module « Féminin-Masculin », dans les nouveaux chapitres intitules « Devenir homme ou femme » et « Vivre sa sexualité ». Cette approche partisane des questions d’identité et d’orientation sexuelle soulève une importante polémique dans les milieux éducatifs qui en repèrent les effets pernicieux pour la construction de l’identité et de la personnalité des adolescents.

Une théorie militante…

L’idéologie du gender a fait son entrée sur la scène internationale lors de la Conférence mondiale sur les femmes à Pékin en 1995 : elle inspire aujourd’hui les agences onusiennes et le Parlement européen. Née dans les années 1970 aux Etats- Unis sous l’influence de penseurs français comme Michel Foucault et Jacques Derrida, la théorie du gender a d’abord été l’outil idéologique et subversif d’un féminisme militant : au nom de la non-discrimination entre l’homme et la femme, elle rejette le fondement biologique des sexes comme donne naturellement identifiant pour la personne et affirme que la différence entre l’homme et la femme relève exclusivement d’une construction sociale. Les genres masculins et féminins consistent en des « rôles » socioculturels arbitraires qu’il est donc possible de déconstruire. En conséquence, aucun dynamisme naturel ne pousse l’homme et la femme l’un vers l’autre : cette inclination ne relève elle aussi que de conditionnements sociaux. Dans cette perspective, c’est l’orientation sexuelle (homosexuelle, hétérosexuelle, bisexuelle, transsexuelle) qui doit primer sur le sexe biologique, génétiquement déterminé par les chromosomes sexuels XX ou XY …

Prétendument scientifique

Les nouveaux manuels de biologie reprennent largement ces thèses bien peu biologiques. Le manuel Hachette prétend ainsi que l’identité sexuelle relève d’un choix Subjectif de l’individu : « L’identitésexuelle est la perception subjective que l’on a de son propre sexe et de son orientation sexuelle. (…) L’orientation sexuelle doit être clairement distinguée du sexe biologique de la personne. » Pour le manuel Bordas, le seul contexte socioculturel suffit à expliquer la prédominance du modèle hétérosexuel.

Le milieu éducatif et les parents d’élèves ont fermement dénoncé l’intrusion abusive de cette idéologie dans le programme de biologie. Regroupés au sein du collectif « L’école déboussolée », les enseignants du public ont envoyé au ministre de l’Education nationale Luc Chatel une pétition réunissant 33 000 signatures : celui-ci a refusé tout dialogue. Les Associations familiales catholiques (AFC) et l’enseignement catholique ont également protesté. Des parlementaires sont intervenus auprès de Luc Chatel afin que les manuels en cause soient retires de la vente et révisés. Le député Christian Vanneste, soutenu par ses collègues Xavier Breton, Marc Le Fur et Jean-Marc Nesme, a rappelé que l’Education nationale n’a pas à « instiller, sous le couvert d’un enseignement scientifique des conceptions purement idéologiques », ni à se substituer aux familles, de telles dérives étant « le propre d’un Etat totalitaire ». Pour d’autres comme Dominique Dord, Jacques Myard, Yannick Favennec ou Veronique Besse, enseigner cette théorie n’est « ni raisonnable, ni responsable » et « porte atteinte au devoir de neutralité de l’Education nationale, en s’immisçant dans les consciences individuelles et dans la sphère familiale. » La sénatrice Marie-Thérèse Hermange a, elle, souligné les nombreuses questions sur la condition humaine, la reproduction et l’organisation de la société que soulève la théorie du genre.

Décryptages

Pour le philosophe Thibaud Collin, auteur d’essais sur ces questions, « la prime à l’indifférenciation sexuelle promeut en fait l’homosexualité. Ces théories sont une tête de pont pour un changement radical de société ». La dissociation de la sexualité et la procréation est alors consommée : la révolution culturelle voulue par le gender promeut les « droits » à la contraception, à l’avortement et a la procréation artificielle. Certains psychanalystes, comme Tony Anatrella et Jean-Pierre Winter, alertent par ailleurs sur les risques que la théorie du gender fait courir à la préservation du lien social et la structuration psychique de la personne. L’altérité sexuelle, dans sa vision réaliste, situe l’homme et la femme « dans une égalité en dignité et dans une relation fondée sur la complémentarité » qui permet leur coopération, nécessaire à la constitution du lien social. La société ne peut se construire sur des « pseudo-identités de genre » ou sur des orientations sexuelles sous peine de conduire à des « dissociations psychologiques et anthropologiques sources de violences et d’injustices ». Les idées véhiculées par la théorie du genre enferment dans le « modèle du ‘nous sommes tous pareils’, selon l’idée du même et du semblable » où chacun « est sommé de rester dans une économie narcissique auto-suffisante ». En niant la différence, ce discours empêche l’ouverture de l’individu à l’altérité et « sépare, divise et invite chaque sexe à rester chez soi », constatent-t-ils.

Conclusion

En Espagne, le gouvernement Zapatero a déjà rendu obligatoire les cours sur le gender, entrainant le retrait de dizaine de milliers de familles des écoles appliquant les programmes d’Etat.

Source : Lettre mensuelle de Généthique, d’août 2011, n° 143 (en ligne)

Le site Généthique est celui de la Fondation Gérôme le Jeune qui est engagé dans la défense de la vie et de la dignité de la personne humaine.

Abbé Jean-Baptiste SANOU
Archidiocèse de Bobo-Dioulasso
Juillet 2012


Annexe II : En France : « Le droit à l’objection de conscience réaffirmé par le Conseil de l’Europe »

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a rejeté le 7 octobre 2010, le projet de résolution de la britannique Christine McCafferty. Celle-ci s’opposait au droit à l’objection de conscience des professionnels de santé, notamment dans le domaine de la « santé reproductive », c’est-à-dire de l’avortement, mais également de la procréation médicalement assistée, ou de la stérilisation à visée contraceptive. Par un renversement complet, la résolution intitulée : « Accès des femmes à des soins médicaux légaux : problème du recours non réglementé à l’objection de conscience », a été remplacée par un nouveau texte : « Le droit à l’objection de conscience dans le cadre de soins médicaux ».

La proposition McCafferty

Dans le projet de résolution initial, présenté en juin 2010, la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe disait en préambule, s’inquiéter « vivement de l’objection de conscience qui, en grande partie, n’est pas règlementée, surtout dans le domaine de la santé reproductive, dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe ». Elle invitait donc les Etats membres à « mettre en place un dispositif de supervision et de suivi de l’objection de conscience » selon plusieurs recommandations :

  • exclure du droit à l’objection de conscience pour les professionnels de santé participant « indirectement » à l’acte demandé (infirmières, aides-soignantes, anesthésistes, etc.) et le limiter pour les médecins personnellement impliqués. En cas d’urgence ou lorsqu’il n‘est pas possible de diriger le patient vers un autre soignant, le médecin se voyait obligé de pratiquer lui-même le « traitement » en cause (ici, l’avortement), « malgré son objection de conscience ». Tout médecin se retrouvait donc obligé de coopérer directement ou indirectement à l’avortement ;
  • créer un « registre des objecteurs de conscience » ou les médecins objecteurs devraient s’inscrire ;
  • créer un « mécanisme de plainte efficace» contre les objecteurs de conscience ;
  • obliger les médecins à prouver que « leur objection est fondée en conscience ou sur des croyances religieuses et que leur refus est donné en toute bonne foi » ;
  • priver « les institutions publiques/d’Etat telles que les hôpitaux et cliniques publics dans leur ensemble » de la « garantie du droit à l’objection de conscience ».

Les réactions

La résolution a été accueillie avec colère par la très grande majorité des professionnels de santé. Selon Gregor Puppinck, directeur du Centre européen pour la loi et la justice (ECLI) : « Le droit de refuser de pratiquer un avortement ou une euthanasie n’est pas une question d’opinion individuelle ou de choir religieux : c’est une question de justice ». Pour le Dr Xavier Mirabel, président de l’Alliance pour les droits de la vie, en aucun cas « l’urgence » ne peut « légitimer de faire taire saconscience, alors que c’est dans les situations les plus tendues qu’elle est le plus indispensable ». Par ailleurs, la participation indirecte à un acte ne peut pas être contrainte « sous prétexte qu’en ‘émiettant’ la responsabilité, chaque intermédiaire serait moins impliqué dans l’acte inacceptable ! » Il avertit enfin : « Faut-il rappeler les leçons d’une histoire pas si ancienne ? Devant la justice, des médecins ont pensé pouvoir s’exonérer de leur responsabilité en cinq mots : ‘Nous avons obéi aux ordres’. Ils furent logiquement condamnés pour n’avoir pas obéi… à la loi de leur conscience ». Certains soignants pratiquant l’avortement ont aussi protesté, comme le Dr Marie-Laure Brival, présidente de l’Association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception (Ancic) pour qui « la liberté de conscience reste un droit fondamental » et certaines décisions du Conseil de l’Europe « vont trop loin ».

Renversement de situation

Au Conseil de l’Europe, sous l’impulsion de deux députés, l’italien Luca Volonte et l’iriandais Ronan Muller, le texte a peu à peu été vidé de sa substance par une avalanche d’amendements (90) rappelant que le droit à l’objection de conscience est fermement ancré dans le droit international et la Convention européenne des droits de l’homme. Le nouveau texte a été adopté à 56 voix contre 21. Il réaffirme avec force que « nul hôpital, établissement ou personne ne peut faire l’objet de pressions, être tenu responsable ou subir des discriminations d’aucune sorte pour son refus de réaliser, accueillir ou assister un avortement, une fausse-couche provoquée eu une euthanasie, ou de s’y soumettre, ni pour son refus d’accomplir toute intervention visant a provoquer la mort d’un fœtus eu d’un embryon humain, quelles qu’en soient les raisons ».

Pour sauver l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse)

Pourquoi alors cette tentative d’aliénation de la conscience des médecins ? Le Pr Arnaud Fauconnier, chef du service de gynécologie obstétrique de Poissy, apporte une réponse : « En pratique, le problème n’est pas la clause de conscience, mais l’attractivité insuffisante de cette activité [l’IVG]. Pour sauver le droit des femmes à obtenir l’IVG, il me semble indispensable d’intégrer les centres d’IVG au sein des services de gynécologie et obstétrique, et d’y associer les jeunes médecins. Il est également important de valoriser d’autres aspects de l’orthogénie, comme la prévention des IVG par un accès facilité des femmes ci la contraception et l’information des adolescentes ». Au fond, le libre arbitre du soignant est considéré, au même titre que le manque d’information des jeunes, comme un obstacle à l’IVG. Ni plus ni moins, la vigilance reste donc de rigueur…

Source : Lettre mensuelle de Généthique d’octobre 2010, n° 130 (en ligne)

Abbé Jean-Baptiste SANOU
Archidiocèse de Bobo-Dioulasso
Juillet 2012


Annexe III : Recherche sur l’embryon : rejet du recours contre l’ABM et appel

(ABM = Agence de la Biométrie)

Le 14 octobre 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté le recours en illégalité déposé en 2008 par la Fondation Jérôme Lejeune a l’encontre de l’Agence de la biomédecine dans le cadre d’une autorisation de recherche sur des cellules souches embryonnaires humaines. Cette autorisation avait été accordée a l’Institut I-Stem pour modéliser une maladie génétique héréditaire, la dystrophie facio-scapulo-humérale avec des cellules issues d’embryons humains atteints de cette affection et rejetés après un diagnostic preimplantatoire.

Une autorisation illégale ?

Or, selon la Fondation, cette autorisation ne remplit aucune des deux conditions de dérogation à l’interdiction de la recherche sur l’embryon posées par la loi : « l’exigence de progrès thérapeutique majeur » et « l’absence de méthode alternative d’efficacité comparable ». Le tribunal en a pourtant jugé autrement. Concernant la première condition, il estime que « l’objet de la recherche autorisée tend bien au développement de stratégies thérapeutiques pour lutter contre la maladie grave et incurable en question ». Pourtant, la recherche mise en cause entre dans un cadre de recherche fondamentale, qui par définition vise la connaissance scientifique et non directement la thérapie. La réalité thérapeutique du projet n’est d’ailleurs pas identifiée dans les écritures de PABM.

Visant la seconde condition, le tribunal juge que la Fondation Jérôme Lejeune n’a pas prouvé l’existence d’une « méthode alternative » (les cellules iPS). Toutefois, il semble que ce soit un renversement de la charge de la preuve : c’est l’ABM qui, pour donner son autorisation, doit s’assurer qu’il n’existe pas d’alternative, ce qu’elle n’a manifestement pas fait. En effet, déjà en 2008, les chercheurs américains de l’Institut des cellules souches de Harvard et de l’Université de Stanford avaient publié les résultats de travaux prouvant qu’il était possible de transformer des cellules adultes prélevées chez des malades en cellules souches induites puis en cellules spécialisées reproduisant la maladie en cause. Le Pr George Daley, un des plus grands spécialistes de la question, s’était alors félicité de pouvoir générer des lignées cellulaires « pour un très grand nombre de maladies, à la fois pour notre équipe, nos collaborateurs, mais aussi pour l’ensemble de la communauté scientifique. Notre travail n’est que le début d’une entreprise qui permettra d’étudier des milliers de maladies dans des boîtes de Pétri. »

Pourquoi l’ABM a-t-elle donc autorisé un projet, injustifiable au regard de la loi ? C’est elle-même qui nous fournit une réponse qui se retourne aujourd’hui contre elle : « Cette condition [de méthode alternative d’efficacité comparable] semble au regard des réalités scientifiques superflue. » L’ABM avoue donc s’être affranchie de lalégislation, en jugeant inutiles certaines de ses dispositions. De son côte, le Pr Marc Peschanski, directeur du laboratoire I-Stem et du projet de recherche incriminé, avait lui-même félicité l’ABM, lors de son audition devant la mission parlementaire, de me pas s’être attachée à un strict respect de la loi, mais d’avoir joue le rôle d’ « écran protecteur protecteur des scientifiques vis-à-vis des opposants à la recherche sur l’embryon ». La Fondation Jérôme Lejeune a annoncé le vendredi 15 octobre 2010 qu’elle faisait appel de cette décision : « On pouvait espérer du juge administratif qu’il sanctionne l’Agence de biomédecine, laquelle juge la loi, la réécrit, et décrète du caractère superflu de certaines de ses dispositions. La Cour administrative d’appel de Paris aura peut-être ce courage », a déclaré l’avocat de la Fondation, Maitre Antoine Bauquier. »

Source : Lettre mensuelle de Généthique d’octobre 2010, n° 130 (en ligne)

Abbé Jean-Baptiste SANOU
Archidiocèse de Bobo-Dioulasso
Juillet 2012