1) L’isolement

En effet, le harcèlement est une pathologie de la solitude. On vise en priorité les personnes isolées, ou on procède d’abord à les isoler, à les mettre dans une sorte d’exil intérieur. Celles qui ont des alliés ou des amis en sont éloignées.

Une des stratégies utilisées par la hiérarchie consiste en ceci : le supérieur hiérarchique fixe les règles de communication : on ne doit pas parler à l’employé ciblé, on doit faire en sorte qu’il n’ait pas les informations, etc. Cela est aggravé dans les systèmes très hiérarchisés où il n’est pas question d’aller parler au supérieur à l’échelon au-dessus.

L’agresseur isole la personne ciblée pour qu’elle ne puisse pas se plaindre à d’autres et éventuellement être soutenue. Après un certain temps de harcèlement, celle-ci n’ose plus aller vers les autres car elle craint d’être rejetée.

Les pervers narcissiques entraient les membres les plus dociles du groupe, « les moutons », contre la personne isolée. Le silence s’étend aux collègues même s’ils ne veulent pas prendre parti. Chez eux, il ne s’agit pas au départ d’un silence hostile, mais d’un silence gêné. La victime réagit à ce silence-là comme s’il s’agissait d’un silence hostile. Le processus devient circulaire, car par réaction, elle entraîne l’hostilité de témoins qui pouvaient être neutres au départ.

2) Le travail, un prétexte à l’attaque personnelle

On se trouve quelquefois en face de situations kafkaïennes ; on est très exigeant sur les tâches à accomplir en même temps qu’on ôte à la personne les moyens de travailler, comble du paradoxe…

C’est la personne que l’on veut attaquer, le travail est uniquement un prétexte pour se débarrasser d’elle, soit en l’amenant à quitter physiquement les lieux, soit en la détruisant psychologiquement et en la soumettant pour qu’elle cesse d’être gênante. Mais comme une agression trop visiblement personnelle paraîtrait illégitime sur le lieu du travail, on attaque de façon souterraine. C’est probablement pour cela qu’il y a le plus de harcèlement moral dans les professions où la tâche est difficile à définir, autorisant une certaine élasticité. Pour déstabiliser quelqu’un il suffit de monter ses erreurs en épingle, de lui donner des objectifs impossibles à réaliser, ou de lui donner des tâches absurdes ou inutiles à faire.

Ne pas donner les moyens de travailler à une personne consciencieuse est une façon efficace, si cela est fait subtilement, de lui démontrer qu’elle est nulle et incompétente. Elle finit par le croire, puisque effectivement, elle ne réussit pas à faire son travail correctement.

3) Le territoire de l’intime

En harcelant une personne, on ne cherche pas à critiquer son travail, bien fait ou mal fait, mais à la viser personnellement, dans une volonté consciente ou non de lui nuire. Il s’agit d’une agression individuelle.

On cherche à l’acculer en lui reprochant des choses intimes ou seulement personnelles qu’elle ne pourra pas changer, plutôt que de lui faire des reproches précis. Il ne s’agit pas de trouver une solution à un problème ou de régler un conflit, mais d’instaurer un rapport de forces. Le but est atteint lorsque la personne, pour ne pas avoir d’autres ennuis, se soumet.

« Si l’on s’aperçoit que l’adversaire est supérieur et que l’on ne va pas gagner (à l’épreuve de forces) il faut lui tenir des propos désobligeants, blessants, grossiers. Être désobligeant, cela consiste à quitter l’objet de la querelle (puisqu’on a perdu la partie) pour passer directement à l’adversaire et l’attaquer d’une manière autre que dans ce qu’il est professionnellement. On devient vexant, méchant, blessant, grossier ». C’est l’art d’avoir toujours raison, selon les conclusions de SCHOPENHAUER, dans son ouvrage du même titre.

Le but du harcèlement est de déstabiliser l’autre afin de ne plus avoir en face de soi un interlocuteur capable de répondre. Consciemment ou non, les agresseurs évitent les reproches purement professionnels pour viser l’intime, là où ça fait mal.

L’intime est vaste (vie sexuelle, vie religieuse, parenté, etc.), mais dans ce contexte, il concerne tout ce qui n’a aucun rapport avec la qualification professionnelle de l’individu dans l’institution ou l’entreprise.

 

Abbé Robert ILBOUDO,
Archidiocèse de Ouagadougou

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