Homélie du Cardinal

Textes : Jb 7,1-4. 6-7 ; 1 Co 9,16-19.22-23 ; Jn 13,12-17

Excellences,
Chers frères et sœurs en Christ et en humanité,

Que la grâce et la paix du Seigneur soient toujours avec vous !

« Rendez grâce au Seigneur, éternel est son amour » (Ps 115)

Bien-aimés de Dieu, avec le Psalmiste, rendons grâce à Dieu qui nous rassemble, fils et filles d’une même Église Famille de Dieu pour vivre dans la foi et l’espérance un événement ecclésial de grande importance: la prise de possession canonique du siège archiépiscopal de Niamey, par son nouveau Pasteur, Mgr Laurent LOMPO.

1- Salutations et remerciements

Bien-aimés de Dieu,

L’événement de ce jour est historique et revêt de ce fait, un caractère national qui crée une occasion de rapprochement entre les chrétiens du Niger et leurs frères d’autres confessions religieuses. Au nom du saint Père François, je salue tout le Peuple nigérien pour la mobilisation autour de cet événement ecclésial et national.

Aujourd’hui, l’opportunité est belle de rendre grâce à Dieu pour le ministère apostolique de l’archevêque émérite, Mgr Michel CARTATEGUY, un vaillant missionnaire qui, après un service humble, discret et efficace rendu à l’Église du Niger, passe maintenant la charge à son collaborateur direct Mgr Laurent LOMPO, un fils du terroir. Excellence Mgr Michel CARTATEGUY, l’ Église au Niger et au Burkina Faso à travers leurs Pasteurs et tout le Peuple Nigérien vous sont très reconnaissants pour le don généreux de votre personne au service de l’ Évangile et de vos frères et sœurs. Daigne le Seigneur vous accorder une retraite paisible et remplie de la présence de Dieu pour que vous soyez toujours pour tous un Pasteur avisé, plein de sagesse, auprès de qui, hommes et femmes trouveront conseils, soutien spirituel réconfort et consolation.

Au nom des Archevêques et Évêques de notre Conférence Épiscopale Interterritoriale du Burkina et du Niger, j’adresse un salut cordial et déférent aux autorités de la République du Niger : Monsieur le Ministre de l’intérieur et des affaires religieuses représentant le Chef de l’État et les membres du gouvernement, les autorités parlementaires et judiciaires, militaires et paramilitaires. Merci d’honorer l’ Église par votre présence combien symbolique.

Aux adeptes de la religion traditionnelle, à nos frères musulmans, aux protestants et aux délégations des autres confessions religieuses, nous traduisons notre reconnaissance. Votre présence atteste bien de l’importance et de la nécessité du dialogue interreligieux, de la cohabitation pacifique que les croyants doivent ensemble promouvoir et préserver en vue d’instaurer un climat de paix et de réelle fraternité au sein de nos sociétés. Puisse Dieu nous garder toujours unis dans l’amour, la paix et la fraternité pour l’avènement d’un monde meilleur.

Bienvenus aux Évêques du Bénin, à tous les prêtres, religieux (ses), catéchistes, fidèles laïcs du Niger, du Burkina Faso et d’autres pays voisins dont la présence affective et effective constitue un signe éclatant de la réalité de l’ Église Famille de Dieu, appelée à vivre concrètement la solidarité, l’amour fraternel et la communion/unité.

2- La Parole de Dieu et l’événement du jour

Chers frères et sœurs,

La Parole de Dieu retenue pour l’événement de ce jour s’adresse à tous et à chacun dans sa situation concrète ; elle rejoint surtout l’ Église et le peuple nigérien dans son contexte et constitue pour tous, une source de réconfort: il constitue autant un appel pour le pasteur propre de cette Église diocésaine de Niamey que pour le troupeau qui lui est confié.

La première lecture tirée du livre de Job (Jb 7, 1-7) nous met tous en face de l’épineuse et mystérieuse question du mal et de la souffrance. Pourquoi le mal la souffrance dans la vie de l’homme ? Sans y répondre directement, l’Écriture nous offre l’exemple de Job qui, éprouvée dans sa vie, se tourne avec confiance et espérance vers Dieu dans une prière de supplication : « Souviens-toi Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. », dit-il. Homme de foi, Job après avoir fait l’expérience de l’épreuve et de la souffrance, a compris que Dieu seul est la réponse à la souffrance et au problème du mal. En effet, c’est grâce à Dieu et en Dieu seul que l’homme souffrant peut trouver soutien, réconfort et consolation ; en outre, Dieu seul peut donner sens à la souffrance humaine et lui conférer ainsi une valeur rédemptrice grâce à la passion-résurrection de son fils Jésus-Christ.

L’Apôtre Paul quant à lui, fait de la mission d’annonce de l’ Évangile, une nécessité qui s’impose à lui et partant à tout disciple du Christ : « Malheur à moi, si je n’annonce pas l’évangile. » La mission d’évangélisation incombe à tous les baptisés dans l’ Église ; mais pour accomplir pleinement cette œuvre, le chrétien envoyé dans le monde, doit se revêtir des sentiments du Christ qui, de riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté. Se faire libre à l’égard de tous, s’adonner généreusement aux affaires de Dieu et s’identifier au Christ dans le vécu des conseils évangéliques, telle est la voie dans laquelle le chrétien doit s’engager : « Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait le serviteur de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible », déclare Saint Paul. En lavant les pieds de ses disciples, Jésus nous montre qu’il est « venu pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » Notre Seigneur Jésus-Christ invite pasteurs et fidèles à marcher sur ses traces et à incarner cette spiritualité du service dans l’accomplissement de notre mission de témoignage et d’annonce de l’ Évangile. « Comme je vous ai lavé les pieds, vous devez vous laver les pieds les uns des autres », enseigne-t-il aux apôtres et à tous ses disciples.

3- La mission évangélisatrice, sous la houlette d’un nouveau Pasteur

Félicitation et courage à Mgr Laurent LOMPO pour la charge pastorale qui lui est confiée. Excellence, n’ayez pas peur car l’ensemble du Peuple chrétien vous soutient de sa prière fraternelle dans l’accomplissement de votre mission de Pasteur.

Excellence Mgr Laurent LOMPO, vous êtes constitué Pasteur propre de l’ Église qui est à Niamey. La mission et la pastorale de l’ Église Famille diocésaine ne peut se réaliser que sous votre houlette et dans l’exercice consciencieux de votre ministère épiscopal. Configuré au Pasteur éternel, Jésus-Christ, vous êtes placé à la tête de l’ Église Famille de Niamey pour la conduire sous la mouvance de l’Esprit Saint. Comme vous le savez, votre ministère consistera en une triple fonction d’enseignement, de gouvernement et de sanctification du Peuple chrétien. Pour accomplir au mieux cette mission, il convient de garder constamment les yeux fixés sur Jésus-Christ qui s’est offert à son Père, pour réconcilier les hommes avec Dieu et « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52). A sa suite, soyez pour le Peuple de Dieu qui vous est confié, un « rassembleur », qui réunit chrétiens, croyants de toutes confessions religieuses, hommes et femmes de bonne volonté autour d’idéaux et de valeurs communes que sont la paix, la justice, la fraternité, l’amour…

Par votre vie de Pasteur-artisan de paix et d’unité, faites-vous « tout à tous » même au péril de votre vie, pour indiquer à tous le chemin du don de soi, de l’amour et du service humble.

Le Pape François voudrait d’ailleurs une Église pauvre avec les pauvres, une Église servante ; c’est pourquoi, il exhorte les évêques et tous les pasteurs à promouvoir une spiritualité de la communion et du service. Pour vivre en communion avec le Saint Père qui vous confie le siège archiépiscopal de Niamey, œuvrez en communion avec vos frères dans l’épiscopat notamment Mgr Ambroise Ouédraogo, les prêtres, religieux (ses) et les fidèles laïcs pour renforcer la communion ecclésiale, car l’ Église – comme toute société ne saurait progresser qu’en renforçant les liens de communion et d’unité, à commencer par ses responsables (cf. E.I.A, n.17). « Soyez vos propres missionnaires » (Paul VI, 1969) ... C’est un travail de toute la famille. Tous les baptisés sont impliqués, notamment le clergé diocésain soutenu par les Instituts religieux, sous la responsabilité du Père de famille, l’archevêque Laurent LOMPO.

4- Situation nouvelle, tâche nouvelle

Frères et sœurs, l’ Église existe pour évangéliser et comme le rappelle l’apôtre Paul dans la deuxième lecture, cette mission est une nécessité qui s’impose à tout disciple du Christ : « malheur à moi si je n’annonce pas l’ Évangile. » Cela découle du mandat missionnaire laissé par Jésus aux siens : « Allez de toues les nations, faites des disciples. » L’exercice de cette mission exige le témoignage concret à travers une affirmation de notre identité chrétienne. Vous êtes chrétiens au cœur du Niger ; dans le respect des autres, n’ayez pas peur d’affirmer votre foi et d’affirmer votre identité par la prière, l’amour, les œuvres sociales qui sont une manifestation de la charité pastorale de l’ Église et du Christ à l’endroit de tous sans distinction de races, d’ethnies ou de religions.

L’exhortation post-synodale du pape Jean-Paul II précise bien le rôle et la mission des laïcs en ces termes : « La tâche du fidèle laïc est d’être le sel de la terre et la lumière du monde dans le quotidien de la vie et partout où il est seul à pouvoir pénétrer » (E.I.A, n° 108). Cette mission de témoignage du chrétien laïc doit se traduire concrètement par la bonne gestion des affaires publiques et ce, pour réaliser la justice, la paix et le développement humain intégral et contribuer ainsi à l’avènement du Règne de Dieu. Chers chrétiens, soyez donc, « sel de la terre et lumière du monde », « levain dans la pâte », c’est-à-dire des témoins authentiques du Christ pour apporter au nom de votre foi, votre pierre à l’édification de la nation nigérienne. Pour ce faire, l’ Église appelle à la responsabilité de tous, autorités gouvernementales, coutumières et religieuses de chaque pays pour envisager des actes concrets et concertés qui favorisent et promeuvent la liberté religieuse, gage de respect des consciences et des droits fondamentaux de l’homme. En effet, dans son décret conciliaire « Dignitatis humanae », l’Église affirmant que « la liberté religieuse a son fondement réel dans la dignité même de la personne humaine », déclare à ce sujet : « Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part de tant d’individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres. » (D.H, n. 2). Cela nous interpelle tous à combattre partout tout obstacle à la liberté religieuse et tout intégrisme car toute entrave à la liberté constitue une atteinte grave à la dignité de l’homme.

Église famille de Dieu à Niamey, dans la sérénité et la confiance au Maître de la moisson, renais de tes cendres et sois ferment du monde nouveau et réconcilié, pour vivre et proclamer à la face du monde, les valeurs de l’évangile : amour, paix, justice, pardon…..C’est cette présence missionnaire discrète mais efficace qui rendra gloire à Dieu et sera source et facteur d’unité et de paix pour la société nigérienne dans toutes ses composantes.

5- Église du Niger, lève-toi et marche

Frères et sœurs,

En vivant l’événement de ce jour, nous ne saurions occulter l’épreuve qu’a vécue l’ Église du Niger et tout le peuple nigérien en janvier dernier. Grâce aux médias, le monde entier a vécu la tragédie et en a été très ému et plein de compassion. Vous, chrétiens du Niger, peuple nigérien, comme Job vous avez été éprouvés et meurtris dans votre chair et dans vos cœurs par cette violence qui a entraîné de nombreuses pertes en vies humaines et de nombreux dégâts matériels dont des églises et des temples. Nous présentons nos condoléances aux familles endeuillées et nous prions pour tous.

Frères et sœurs en humanité et en Christ, l’heure est désormais à la réconciliation, à la justice et à la paix. Pour cela, il convient de se tourner tous vers Dieu dans une prière confiante ; tourner nos regards vers Dieu qui, seul est capable de panser les blessures, capable également de réconcilier les cœurs en y semant la graine de l’amour et du pardon et en faisant germer des fleurs de fraternité, fondement de paix et de cohésion sociale. Chers chrétiens, fils et filles du Niger, l’événement de ce jour qui vous réunit tous, enfants d’une même nation sous le regard bienveillant de l’unique Dieu que nous adorons tous et qui, par son envoyé Jésus-Christ nous a exhortés à l’amour : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». C’est dire la nécessité de se réunir toujours autour de l’essentiel et autour d’idéaux et de valeurs communes. Pour nous, le but ultime de l’agir chrétien est la construction du Royaume de Dieu, Royaume de justice et de paix. Pour ce faire, il faut promouvoir le dialogue interreligieux avec tous les croyants car :

- il n’y a pas de paix entre les nations sans paix entre les religions ;

- il n’y a pas de paix entre les religions sans dialogue interreligieux ;

- la paix s’obtient plus efficacement et plus durablement par le dialogue que par la violence ou la dissuasion militaire.

Ainsi le dialogue interreligieux est le chemin royal pour qu’advienne la paix et un moyen efficace pour prévenir et résoudre les conflits sans recours à la violence. Il s’agit ici d’un dialogue de la vie qui revêt trois formes :

- le dialogue comme hospitalité réciproque qui vise la connaissance et l’acception de l’autre dans sa différence ;

- le dialogue de la solidarité agissante qui nous pousse en tant que frères en humanité à nous unir pour relever les défis communs qui se posent à nous (combat contre la pauvreté par exemple)

- et l’engagement commun au service de la paix dans l’amour.

En somme tous - musulmans, catholiques et protestants, adeptes de la religion traditionnelle - sont appelés à construire « une civilisation de l’amour » selon une belle expression du Pape Jean Paul II. Seul l’amour est capable de transformer de façon radicale les rapports que les êtres humains entretiennent entre eux ; « l’amour est la forme la plus haute et la plus noble des relations des êtres humains entre eux ». Seule une humanité dans laquelle l’amour vaincra sera en mesure de jouir d’une paix authentique et durable.

Peuple du Niger, Église Famille de Dieu à Niamey et au Niger, « lève-toi et marche » et au sortir de cette épreuve, tourne le regard vers Dieu, pour envisager désormais l’avenir avec foi, espérance et promouvoir le dialogue interreligieux dans l’amour, la confiance, le respect et l’acceptation de l’autre. C’est à cette condition, qu’ensemble, nous construirons un monde plus digne de Dieu et des hommes. Église Famille de Dieu du Niger, lève-toi et marche, va au large. Duc in altum !

Conclusion

Pour réaliser la mission d’annonce de l’ Évangile qui s’impose à tous les baptisés, chers frères et sœurs, la Vierge Marie, Étoile de l’Évangélisation, Notre Dame de la Consolation demeure pour votre Église diocésaine un modèle par excellence. Elle est demeurée ferme et indéfectible dans la foi malgré l’imprévisible survenu dans sa vie et malgré l’épreuve de la croix. Elle constitue une source d’inspiration pour votre Église locale durement éprouvée mais appelée aussi à renaître, à poursuivre inexorablement et sans peur sa mission au cœur des adversités de toute sorte. En outre, la Vierge Marie est demeurée l’humble servante du Seigneur, celle qui ouvrant son cœur à la grâce de Dieu, a su aussi l’ouvrir aux hommes dans le service et l’amour.

Daigne-t-elle, intercéder en faveur de l’ Église du Niger et ses pasteurs pour que, fermes, indéfectibles dans la foi, humbles serviteurs dans la vigne du Seigneur, ces pasteurs sachent affermir leurs frères dans la foi afin que tous vivent pleinement l’esprit des Béatitudes et soient artisans de paix et d’espérance dans le contexte actuel du Niger.

Chers frères et sœurs bien-aimés du Niger, la paix du Seigneur soit toujours avec vous !

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou