Homélie du Cardinal

Textes : Ac 4,32-35 ; Ps 117 ; 1 Jn 5,1-6 ; Jn 20, 19-31

Bien aimés de Dieu,

Chers fils et filles de l’Église Famille de Dieu de Diébougou,

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon sauveur… » A l’instar de la Vierge Marie, je rends grâce à Dieu, qui dans sa grande bonté, m’associe à vous, Église Famille de Diébougou, dans cette célébration eucharistique d’action de grâce et de supplication. Je suis reconnaissant envers Mgr Dèr Raphaël DABIRE, votre Pasteur, qui me donne l’opportunité de prier et de rendre grâce à Dieu avec vous en ce jour béni. Merci à tous, prêtres, religieux (ses), catéchistes, fidèles laïcs et catéchumènes. Merci d’être là pour que, dans une prière unanime, nous rendions grâce à Dieu et implorions son assistance et sa grâce pour nos familles, pour votre Église Famille diocésaine et pour notre pays le Burkina Faso.

I- Nomination d’un deuxième cardinal au Burkina Faso

Dans sa sollicitude paternelle, le Pape François a daigné choisir un de vos pasteurs comme membre du collège cardinalice, le deuxième cardinal après le cardinal Paul ZOUNGRANA (1965-2000), de vénérée mémoire. La nomination fut rendue publique le 12 janvier 2014 et la remise de l’anneau et de la barette le 22 février 2014 à Rome. A cette occasion, les fils et filles du Burkina, chrétiens et non chrétiens se sont réjouis de cette nomination, ont manifesté leur joie et leur action de grâce au Seigneur. A Rome, à Ouagadougou, à Yagma, dans tous les diocèses, nous avons été témoins de la solidarité, de la générosité et de la ferveur de prière des uns et des autres. Je voudrais saisir l’opportunité de ce jour pour traduire toute ma gratitude à son Excellence Monseigneur Dèr Raphaël DABIRE et aux différentes composantes de l’Église Famille de Dieu de Diébougou.

Probablement que dans notre assemblée certains pourraient se demander ce que signifie le cardinalat, son rôle dans l’Église. Le Pape François dans une lettre adressée à chacun des cardinaux élus précise clairement ce que nous devrions entendre par cardinalat : « Je désire qu’en tant qu’associé à l’Église de Rome, revêtu des vertus et des sentiments du Seigneur Jésus, tu puisses m’aider avec une efficacité fraternelle dans mon service à l’Église universelle. Le cardinalat n’est pas une promotion, ni un honneur, ni une décoration. C’est simplement un service qui exige d’élargir le regard et le cœur,… regarder plus loin et aimer plus universellement avec une plus grande intensité… »

Les cardinaux de la Sainte Église Romaine sont constitués pour jouer un double rôle :

- Il leur revient de pourvoir à l’élection du Pontife Romain, c’est-à-dire du Pape, en cas de vacance du siège apostolique

- Les cardinaux assistent également le Saint Père collégialement quand ils sont convoqués en consistoire pour traiter des questions de grande importance ou individuellement, par les divers offices qu’ils remplissent. Le collège des cardinaux est comme le sénat du Pape, ses collaborateurs, ses conseillers. Frères et sœurs, priez pour notre Saint Père, le pape François pour la fécondité de son ministère pétrinien. Priez pour votre cardinal, votre évêque, pour vos évêques, vos prêtres, religieux (ses), catéchistes afin que le Seigneur les fortifie dans la foi, l’espérance et la charité pour le service de l’Église et du monde.

II- La Miséricorde Divine : révélation biblique et expérience mystique de Sœur Faustine

Bien aimés de Dieu, nous célébrons aujourd’hui, le dimanche de la miséricorde divine placé cette année dans votre diocèse sous le thème suivant : « La Divine Miséricorde, source de réconciliation et de paix » Cette fête de la miséricorde divine qui rassemble des pèlerins de divers horizons, sur cette Colline Sainte de Diébougou, a été instituée par la Pape Jean-Paul II, le 30 avril 2000, lors de la canonisation de la Servante du Seigneur Sœur Faustine qu’on pourrait appeler la véritable apôtre de la Miséricorde Divine.

Sainte Faustine KOWALSKA, en effet a été comme l’instrument de Dieu pour révéler à l’Église et au monde entier l’insondable mystère de sa Miséricorde manifestée en son Fils Jésus-Christ. Cette Divine Miséricorde se déploie à travers toute l’Écriture dans laquelle, malgré les infidélités du peuple d’Israël et le péché des hommes, Dieu se révèle comme « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère et plein d’amour, riche en grâce et en fidélité » (Ex 34,6). Quelques passages saillants de l’Écriture mettent en relief, cette attitude miséricordieuse de Dieu qui nous aime d’un grand amour (comme celui d’une mère): il a un cœur sensible à la misère, à la souffrance et au péché de l’homme.

Quand par exemple, Israël se détourne de Lui pour adorer le vœu d’or, Dieu écoute l’intercession de son serviteur Moïse et accepte de marcher au milieu de ce peuple à la nuque raide, manifestant ainsi son amour et sa tendresse. Tout au long de l’histoire du salut, le peuple élu fera constamment l’expérience de la miséricorde infinie de Dieu, à côté de ses infidélités répétées et de ses péchés. Quand vint ensuite la plénitude des temps, cette miséricorde divine a été révélée dans le Christ en toute sa mission de Messie. Toute la vie du Christ en effet, manifeste pleinement l’amour miséricordieux du Père et il se présente comme celui qui est venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs (Mt 9,13). En bien de situations, Jésus est plein de compassion pour ceux qui souffrent. Il prend pitié, c’est-à-dire, « remué du fond des entrailles », à cause des foules affamées et sans berger ; il est touché par la souffrance de la veuve de Naïm meurtrie par la mort de son fils unique. A travers l’épisode de la femme adultère et la parabole de l’enfant prodigue se manifestent éminemment dans l’attitude et l’enseignement du Christ, l’amour et la miséricorde de Dieu qui ne désire pas la mort du pécheur, mais plutôt attend patiemment qu’il se convertisse et vive. Ce grand amour pour l’humanité pécheresse culmine dans le mystère de la Croix où Jésus, prenant sur lui nos péchés, meurt pour le salut du monde. Dans l’évangile d’aujourd’hui, le Christ ressuscité apparaît à ses disciples et face à l’incrédulité de Thomas, il montre les plaies de ses mains et de ses pieds, son côté transpercé pour signifier que l’amour de Dieu triomphe du péché et du manque de foi de Thomas, car c’est dans la passion glorieuse du Fils de l’homme que nous obtenons le pardon de nos péchés et sommes comblés de l’amour miséricordieux de Dieu.

Dieu s’est appuyé sur sa servante Sœur Faustine (1905-1938) pour rendre davantage plus explicite son amour miséricordieux manifesté en son Fils Jésus-Christ et dont les Saintes Écritures sont l’écho et la révélation. Elle fut une mystique qui a vécu une grande intimité avec le Christ et son Écrit Spirituel « Le Petit Journal », contient ses expériences mystiques reconnues par l’Église. A travers ces expériences, Dieu lui confie la mission de rappeler au monde sa grande miséricorde : « Ma fille, dis que je suis l’Amour et la Miséricorde en personne » (Petit Journal, 372), lui demande Jésus. L’icône de la miséricorde divine (tableau), la neuvaine à la miséricorde, le chapelet à la miséricorde divine et bien d’autres prières sont autant de moyens que Jésus a donnés à Sœur Faustine pour vénérer la Divine Miséricorde et répondre à l’amour de Dieu par la confiance en lui et l’amour du prochain, message essentiel de la Miséricorde Divine. C’est l’héritage spirituel qu’elle lègue à l’Église comme moyen de dévotion et de sanctification.

III- La Miséricorde Divine, source de réconciliation et de paix

1-Incarner la miséricorde et être artisan de réconciliation et de paix

Frères et sœurs, en Jésus-Christ mort et ressuscité, Dieu a réconcilié le monde avec lui et réconcilié aussi les hommes entre eux. «… C’est le Christ qui est notre paix ; des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple… Par sa mort sur la croix, le Christ les a tous réunis en un seul corps et les a réconciliés avec Dieu ; par la croix, il détruit la haine. » (Eph 2, 14.16). Dans sa grande miséricorde, Dieu en son Fils Jésus-Christ, nous a libérés du péché et de la mort ; il a réconcilié les hommes avec Dieu et a ainsi rétabli la communion entre Dieu et les hommes. Par la même occasion, il a inauguré une ère de paix entre les hommes, nous invitant à nous pardonner mutuellement et à nous réconcilier les uns avec les autres. « Ainsi, la réconciliation ne se limite pas au dessein de Dieu de ramener à lui dans le Christ l’humanité séparée et souillée par le péché (...). C’est aussi la restauration des relations entre les hommes au moyen de la résolution des différends et la suppression des obstacles à leurs relations grâce à leur expérience de l’amour de Dieu.» (Africae Munus, n. 19). Pour réaliser cette réconciliation, le Christ nous exhorte à nous revêtir de la vertu de la miséricorde pour vivre de l’amour même de Dieu: « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36). Imiter Dieu dans sa miséricorde nous engage à incarner son attitude d’ amour par des œuvres de miséricorde, c’est-à-dire des actes qui concrétisent l’unité, le partage et l’amour fraternel et ce, à l’instar de la première communauté chrétienne dont l’exemple et le témoignage de vie nous sont relatés dans la première lecture de ce jour : « la multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi avait un seul cœur et une seule âme ; personne ne se disait propriétaire de ce qu’il possédait, mais on mettait tout en commun… »

Bien-aimés de Dieu, dans le contexte de la transition en cours au Burkina Faso, l’heure est à la réconciliation et à la quête d’une stabilité et d’une paix durable. La miséricorde dont nous sommes l’objet de la part de Dieu devrait être notre référence et la source de notre quête de réconciliation, de justice et de paix. C’est en vivant de la miséricorde de Dieu que le pardon sincère donné et reçu, dans la gratuité et l’amour, conduira à la guérison des cœurs blessés et meurtris et à la paix véritable que nous donne le Ressuscité lui-même. Le Christ qui, par amour, a su réconcilier le monde avec Dieu, est la source de toute justice, paix et réconciliation. Saurons-nous puiser à son cœur miséricordieux, des forces et des grâces pour être, par notre vie d’amour, de pardon sincère et de tolérance, des artisans de justice, de réconciliation et de paix dans notre milieu de vie ?

2- Conversion et dévotion à la Divine Miséricorde

Frères et sœurs, en faisant l’expérience de l’amour miséricordieux du Père, nul ne peut rester indifférent. La miséricorde de Dieu nous met toujours en face de nos péchés et de notre misère. Le grand amour que Dieu nous porte ne peut donc que susciter en nous chrétiens baptisés, l’horreur du péché comme refus de l’amour divin et le désir sincère de conversion. Comment répondre à l’amour miséricordieux de Dieu sinon que de changer de vie et de lutter, par la grâce de Dieu, contre le péché et toute forme de mal qui portent atteinte à l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. D’où la nécessité de contempler la miséricorde de Dieu, de se laisser toucher et d’œuvrer à une vraie conversion du cœur, à savoir se débarrasser de la haine et de la vengeance, de la division, de l’égoïsme et la quête d’intérêts partisans, du régionalisme, de l’injustice…, toutes choses qui compromettent la réconciliation, l’unité nationale et la paix. Répondre à l’amour bienveillant de Dieu revient alors à l’aimer en retour à travers une vie de plus en plus conforme à sa volonté et aux valeurs évangéliques d’amour, d’unité, de justice et de paix… « Nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. Car l’amour de Dieu, c’est cela : garder ses commandements », nous rappelle vivement Saint Jean (2ème lecture). Nous ramener à Dieu par une vie de conversion sincère, c’est ce à quoi, nous entraînent la contemplation de l’amour infini de Dieu car « la conversion à Dieu est toujours le fruit du retour au Père riche en miséricorde » (Dives in misericordia, n.13). C’est dans un élan de conversion du cœur que l’homme, capable de miséricorde et d’amour, peut aussi ouvrir des voies qui conduisent au pardon, à la réconciliation et à la paix.

La dévotion à la Miséricorde de Dieu est source de réconciliation et de paix. En effet, comme l’a révélé le Christ lui-même à sa servante Faustine, « l’humanité ne trouvera la paix tant qu’elle ne se tournera pas avec confiance vers ma Miséricorde. » (Petit Journal 132). Il y a là une invite à la prière et à la dévotion à la Divine Miséricorde pour obtenir la paix véritable pour notre monde en proie à la guerre, à la souffrance, au désespoir et au poids du péché. N’ayons de cesse d’implorer la Divine Miséricorde pour nous-mêmes, les âmes tièdes et pour les pécheurs ; implorons-la aussi devant toutes les formes de mal qui menacent la vie de l’humanité, qui menacent l’unité et la paix dans nos familles, dans notre cher pays le B.F et dans le monde, parce que, selon le message central de la Divine Miséricorde, la Miséricorde est « force de Dieu », « limite divine contre le mal du monde. » (Pape Benoît XVI, Audience générale du 31 mai 2006)

« Jésus miséricordieux, j’ai confiance en toi. Prends pitié de nous et du monde entier. Dans sa grande bonté, regarde ton Église qui contemple aujourd’hui ton cœur tendre et miséricordieux. Comble-la de tes grâces pour qu’elle soit toujours en ce monde, sacrement de salut. Abreuve-nous à la source de ta miséricorde infinie pour qu’en en faisant l’expérience, nous soyons transfigurés et devenions, comme Sainte Faustine, témoins et apôtres de ta Miséricorde pour contribuer à édifier ainsi un monde d’amour, de justice et de paix. Et toi Vierge Marie, notre Dame de la Miséricorde, prie avec et pour nous. »

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou

 

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