Excellence Mgr Dominique REY,
Bien Chers Consacrés,
Chers Frères et Sœurs en Christ,

Je voudrais tout d’abord exprimer ma sincère gratitude au Seigneur qui m’offre l’opportunité de cette rencontre avec l’Église particulière de Toulon-Fréjus, grâce à la profession religieuse de Sœur Wendyam Marie, du Burkina Faso, première africaine, membre de la famille monastique de Bethléem, de l’Assomption de la Vierge et de St Bruno. La profession s’est célébrée hier au Thoronet.

Ma reconnaissance fraternelle à Mgr Dominique REY, Père de l’Église qui est à Toulon-Fréjus. C’est la première fois que je découvre votre belle région de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Merci, Monseigneur, pour votre sollicitude et votre communion épiscopale qui me vaut la présidence de la présente célébration eucharistique.

Je suis l’Archevêque de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, un pays au cœur de l’Afrique de l’Ouest composé de 17 millions d’habitants, vivant essentiellement de l’agriculture et de l’élevage. Une insurrection populaire vient de renverser le Président Blaise COMPAORE et son régime. Après 27 ans de pouvoir, il voulait modifier la Constitution pour briguer d’autres mandats et se maintenir au pouvoir. Du point de vue religieux, le pays compte environ 60 % de musulmans, 20 % de catholiques, 15 % de RTA et 5 % de protestants. Nous menons un dialogue religieux fécond et les populations vivent dans une harmonie heureuse, mais la vigilance est de mise, car mouvements djiadistes et fondamentales constituent un défi réel et préoccupant.

Le Burkina Faso compte 15 diocèses et forme avec les deux diocèses du Niger, une même et unique conférence épiscopale interterritoriale. Notre option pastorale fondamentale se résume à l’édification d’une Eglise Famille de Dieu à travers l’organisation des Communautés Chrétiennes de Base ou Communauté Ecclésiale de Base. Au nom de notre Eglise Famille de Dieu, j’apporte à tous un salut cordial et vous assure de notre communion

Excellence, chers frères et sœurs,

Nous sommes réunis en cette cathédrale Notre Dame de la CEDE de Toulon pour célébrer le lancement diocésain de l’Année de la vie consacrée voulue par notre Saint Père, le Pape François. En date du 02 février 2014, fête de la présentation du Seigneur, une lettre circulaire de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique traçait pour les personnes consacrées un chemin, à savoir « un itinéraire commun, lieu de réflexion personnelle, fraternelle, en Institut, et en chemin vers 2015… Avec le désir et l’intention d’oser les décisions évangéliques qui porteront des fruits de renaissance et seront sources de joie : la primauté de Dieu apporte à l’existence humaine comme plénitude de sens et de joie, car l’homme est fait pour Dieu et il est sans repos tant qu’il ne repose en lui », (p. 10).

L’année de la vie consacrée constitue un temps de grâce à vivre individuellement et communautairement, par tous les consacrés, d’une manière spéciale et prophétique.

La consécration religieuse.

L’année de la vie consacrée nous situe au cœur de toute vocation, de tout appel de Dieu. Toute vocation est un don de Dieu et lui seul en a l’initiative. Dans son grand amour- qui ne fait acceptation de personnes- Dieu choisit des hommes et des femmes qu’il veut, pour les associer à sa mission de salut. Nombreux sont les exemples bibliques de vocations sur lesquels nous pourrions méditer : les patriarches, les rois, les prophètes, les apôtres…

Bien souvent, « ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu choisit pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qu’il y a d’origine modeste, méprisé dans le monde, voilà ce que Dieu choisit pour réduire à rien ce qui est » (Cor. 1, 27-28). Toute personne consacrée doit être consciente de sa faiblesse, et en même temps consciente de la grandeur da sa vocation qui ne s’explique pas, sinon que Dieu nous aime et aime son Église. Par le bain du baptême qui est la toute première consécration chrétienne, « Dieu nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Il l’a fait dans sa miséricorde, et non pas à cause d’actes méritoires que nous aurions accomplis par nous-mêmes », nous enseigne Saint Paul (Tite 3, 4-7). La consécration religieuse se fonde sur la consécration baptismale et engage les religieux (ses), par la profession des conseils évangéliques à vivre la radicalité de l’Évangile, la sequela Christi et à grandir dans la sainteté et la mission.

La pauvreté évangélique.

« Bienheureux ceux qui ont une âme de pauvre car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 1). A la suite du décret conciliaire Perfectae Caritatis (n° 13), le Code de droit canonique stipule que le conseil évangélique de pauvreté, à l’imitation du Christ qui de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour nous, comporte, en plus d’une vie pauvre en fait, et en esprit, laborieuse et sobre, étrangère aux richesses de terre, la dépendance et la limitation dans l’usage et la disposition des biens, selon le droit propre de chaque institut (cf. canon 60). Par le vœu de pauvreté, le religieux, la religieuse fait de Dieu son seul trésor. « Là où est ton trésor, là aussi se trouve ton cœur », nous rappelle Jésus. Puissiez-vous alors vous attacher totalement au Christ, mettant toutes vos énergies en branle pour le chercher et pour n’être qu’à lui seul.

La chasteté consacrée

A la suite de Jésus qui les appelle, les religieuses, les religieux consacrent totalement leur vie, offrent leur cœur et tout leur être à Dieu, en renonçant aux joies de l’amour conjugal, familial, à cause du Royaume des Cieux », c’est-à-dire pour l’annonce de la Bonne Nouvelle… « Celui ou celle qui n’est pas marié a souci des affaires du Seigneur » (1Co 7, 52). Un tel vœu qui est un don de Dieu à son Église, revêt une signification particulière pour notre monde séduisant qui exerce sur tous une véritable dictature dont nous sommes souvent esclaves : le pouvoir, l’avoir, le sexe …A Rio, lors des Journées Mondiales de la Jeunesse, le Pape François nous a invités, avec la jeunesse, à nous rebeller contre cette dictature et à nous en débarrasser.

Le vœu de chasteté vécu avec cohérence et fidélité, annonce la radicalité et la primauté du Royaume de Dieu… sur les réalités et les valeurs de ce monde qui passe ! Comme nous le demande le Saint Pape Jean-Paul II, n’ayons de cesse de prier pour tous les consacrés – hommes et femmes « afin que leur chasteté – signe d’amour préférentiel pour Jésus-Christ – soit vécue dans la plus grande fidélité et soit une révélation de la tendresse de l’amour gratuit et universel, révélation de la tendresse même de Dieu pour tous les hommes ». (Cf. Jean Paul II, aux religieux (ses), 16 mai 1980).

L’Obéissance par amour constitue le troisième vœu.

Il exprime le désir de ne chercher que la volonté du Père, à la suite de Jésus « descendu du ciel pour faire, non sa volonté, mais la volonté de celui qui l’a envoyé » (Jn 6, 38). « L’obéissance, disait Charles de Foucauld, est la mesure de l’Amour ». Le vœu d’obéissance engage le religieux ou la religieuse à soumettre sa volonté à l’Eglise, aux constitutions, aux supérieurs légitimes lorsqu’ils commandent suivant les constitutions de l’Institut.

En somme, Le Concile Vatican II (Cf. L.G. 44) retient que par les vœux de pauvreté évangélique, chasteté et obéissance la religieuse est « entièrement livrée à Dieu » ; « appartient totalement à Dieu » et doit « demeurer propriété exclusive de Dieu ». Les consacrés doivent s’évertuer à aimer Dieu plus que tout et à se rendre disponible pour le service du Royaume à un titre nouveau et particulier.

Interpellations

Chers frères et sœurs, chers consacrés,

L’année de la vie consacrée est un temps de grâce, une opportunité, un tremplin pour aller de l’avent, en eau profonde – Duc in altum – dans le renouveau intérieur, individuel et commentaire…

Le Pape demande à chacun de « relire son histoire personnel et de la vérifier dans le regard d’amour de Dieu » en vue d’adhérer davantage au projet de Dieu…Le défi des défis, c’est devenir des saints. En effet, « le véritable missionnaire, c’est le saint », nous rappelle le Pape Saint Jean Paul II dans Redemptoris missio (n°90). C’est dire donc que le véritable religieux, c’est le saint ! La véritable religieuse, c’est la sainte !

Pour ce faire, plusieurs conditions sont nécessaires :

Au plan individuel :

- La cohérence et l’authenticité de vie ! Dans cette perspective, est-ce que je ne me laisse pas séduire par la mondanité, pris en esclavage par les médias que sont la télévision, l’internet et autres… ?

- Les personnes consacrées peuvent être confrontées à une crise de la fidélité qui empêche de mener sa vie comme une vocation unifiée, pour vivre en tant que vrai disciple du Maître. Un vrai disciple de Jésus ne saurait marcher et vivre sans la croix, sans souffrance, sans ascèse… « C’est de la croix, (Ga 6, 15), acte suprême de miséricorde et d’amour, nous rappelle Saint Paul, que l’on renaît comme créature nouvelle ». C’est dans l’humilité de la prière persévérante, de la confiance et de l’abandon total que nous pouvons rester avec le Maître et le suivre chaque jour avec courage et fidélité.

Au plan communautaire :

Pour la fécondité de l’année de la vie consacrée, le Pape interpelle toutes les communautés religieuses.

- Ne sommes-nous pas des communautés « installées », enfermées » incapables d’aller à l’extérieur, vers la périphérie, vers les autres confrontés à de tragiques nécessités, pauvretés ?

- Une foi authentique implique toujours un désir profond de « changer le monde », nous confie le Pape François (cf. Réjouissez-vous, p. 65). Avons-nous de grandes visions, de grands rêves, en tant que communauté ? Sommes-nous audacieux ou sommes-nous médiocres, nous contentant de nos « programmations apostoliques de laboratoire » ? Le zèle nous dévore-t-il ?

- Plus la communauté religieuse sera fraternelle, plus elle vivra dans la communion et l’unité. Plus vivra-t-elle dans la solidarité pastorale organique, mieux sa fécondité pastorale et spirituelle sera évidente pour changer le monde et construire le Royaume de Dieu… (cf. Réjouissez-vous, p. 65)

Frères et sœurs,

En cette année de la vie consacrée, ayons pour modèle ultime la Vierge Marie. Elle est Bienheureuse parce qu’elle a cru… A sa suite, soyons fermes et indéfectibles dans la foi et dans vos engagements religieux… A sa suite, soyons des serviteurs humbles et généreux de Dieu et de nos frères. En Marie, que chacun de nous, poussé par le vent de l’Esprit, vive pleinement sa propre vocation et cherche toujours à aller de l’avant.

Bienheureuse Vierge Marie, prie pour tous les consacrés, et que leur vie et leurs activités contribuent à la gloire de Dieu et au salut du monde.

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou