Textes : Ap 7 ; 2-4. 9-14 ; 1Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-13

I- Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques sur la famille

Chers frères et sœurs en Christ,

En ce jour béni où l’Église célèbre la solennité de tous les saints, je voudrais tout d’abord rendre grâce au Seigneur pour le Synode convoqué par le Pape François et qui s’est tenu du 05 au 19 octobre 2014. Cette Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques regroupait 251 personnes provenant des cinq (5) continents : cardinaux, archevêques, évêques et prêtres avec les délégués des religieux (ses) et des laïcs dont douze (12) couples mariés. Le thème de l’assemblée synodale était celui-ci : « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation. »

Les travaux se déroulaient en assemblée générale (congrégation) et en groupes linguistiques (circuli minores). Un Instrumentum laboris, c’est-à-dire instrument de travail élaboré par le Secrétariat du Synode orientait les débats et réflexions. Un document final, « Relatio synodi » faisait la synthèse des travaux. En outre un message final était adressé au Peuple de Dieu.

Les Pères synodaux réunis à Rome autour du Pape François, n’ont pas manqué de souligner les ombres et les lumières relatives au mariage et à la vie de famille.

- Exemples d’ombres et d’obscurités : mariages et divorces, la faiblesse de la foi, l’individualisme, l’appauvrissement des relations entre conjoints, les mariages homosexuels, l’avortement, la polygamie…Le cheminement conjugal s’avère parfois un sentier ardu avec ses difficultés et ses limites, mais la présence et l’accompagnement de Dieu ne fait jamais défaut.

- Cela n’aveugle guère au point d’ignorer les lumières ou valeurs positives vécues par les couples. Les Pères synodaux ont tenu à adresser leur admiration et leur sincère gratitude pour le témoignage chrétien que de nombreux couples chrétiens offrent au monde et à l’Église par leur vie de fidélité, de foi et d’amour.

A cette lumière, l’amour conjugal, unique et indissoluble persiste malgré les nombreuses difficultés des limites humaines.

L’avenir du monde et de l’Église passe par la famille. Et la Sainte famille de Nazareth constitue le prototype et l’exemple de toutes les familles chrétiennes. Le Pape François invite tous les pasteurs à œuvrer afin que l’Église soit une maison avec la porte ouverte et accueillante pour tous, chacun avec ses joies, ses peines et ses difficultés.

Du 4 au 25 octobre 2015, se célèbrera la XIVème Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, pour poursuivre la réflexion et la prière en vue de contribuer à l’approfondissement des multiples défis pastoraux de la Famille dans le contexte de l’Évangélisation.

II- Message de la Toussaint pour notre Église Famille de Dieu

1- L’appel universel à la sainteté

« Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5, 48). L’appel universel à la sainteté est ce vers quoi nous mène l’esprit des Béatitudes proposées à notre méditation en ce jour. La célébration de ce jour nous engage à tendre toujours vers la sainteté, essayant au mieux de conformer notre vie à l’Evangile, condition sine qua non pour entrer dans la gloire du Royaume de Dieu.

Dans l’Église, la sainteté a été longtemps considérée comme réservée à une certaine catégorie de personnes que sont les consacrés : moines, religieux (ses), prêtres….. Saint François de Sales au XVIème, avec son « Introduction à la vie dévote », insiste fortement sur le fait que l’appel à la sainteté s’adresse à tous les baptisés sans exception. Et dans son exhortation apostolique Africae Munus, le Pape émérite Benoît XVI exhorte les fidèles en ces termes : « cultivez avec soin votre vie intérieure et votre relation à Dieu afin que l’Esprit saint vous éclaire en toute circonstance. Pour la personne humaine et le bien commun demeurent effectivement au centre de l’action humaine, politique, économique ou sociale ; attachez-vous profondément au Christ pour le connaître et l’aimer, consacrant le temps à Dieu en prient et en recevant les sacrements. Laissez-vous éclairer et instruire par sa Parole. » (cf. Africae Munus, n. 129).

2- Le témoignage de vie chrétienne et l’engagement dans la société

« Vous êtes le sel de la terre……Vous êtes la lumière du monde. … Que votre lumière brille aux yeux des hommes ; ainsi en voyant vos bonnes œuvres, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. » (Mt 5,13.14-16).

Bien chers frères et sœurs de notre Église Famille de Dieu, notre témoignage de vie chrétienne devrait être le reflet admirable de notre vie de sainteté et c’est par là que nous pouvons manifester explicitement que nous avons rencontré Dieu et que nous essayons au mieux de conformer notre vie à sa volonté. Concrètement, il s’agit pour nous de nous engager dans nos milieux de vie (famille, CCB, service, communautés religieuses et sacerdotales) en véritables témoins de l’Évangile, incarnant les valeurs de vérité, de justice, d’amour, de tolérance et de fraternité vraie. Tous les baptisés, tous les prêtres, religieux (ses), sont alors interpellés à vivre ce témoignage, chacun selon son état de vie. On est missionnaire par ce qu’on est avant de l’être par ce qu’on dit ou fait.

Les personnes consacrées doivent galvaniser, éclairer et conduire le Peuple de Dieu par leur exemple de vie sainte et leur enseignement cohérent. C’est leur devoir et leur mission. Tout cela implique une cohérence de vie et l’absence de dichotomie entre leur vie concrète et la Parole qu’il annonce et proclame.

Quant aux laïcs, témoigner du Christ dans les différentes sphères de la société n’est pas du tout une sinécure car ils sont souvent confrontés aux non valeurs que la société prône au détriment des valeurs de l’Évangile. Mais c’est pourtant au cœur de ce monde, chers laïcs que vous êtes envoyés, pour être sel de la terre et lumière du monde afin de rendre gloire à Dieu par votre fidélité au Christ et à l’Évangile. Pour ce faire, il faut davantage s’enraciner dans la foi et l’enseignement de l’Église. A cet effet, le pape Benoît XVI écrit dans Africae Munus : « Les laïcs ont un grand rôle à jouer dans l’Église et dans la société. (…) Je souhaite de tout cœur que les laïcs qui ont des responsabilités d’ordre politique économique et social, s’arment d’une solide connaissance de la Doctrine sociale de l’Église qui fournit des principes d’action conformes à l’Évangile tels la dignité de la personne humaine, le Bien commun, la solidarité…. En effet, ils sont des « ambassadeurs du Christ », dans l’espace public au cœur du monde. » (A.M, n° 128).

Alors chers fidèles laïcs, engagez-vous dans la société pour y apporter la joie de l’Évangile, pour la partager afin d’en faire le ferment d’un monde nouveau, un monde d’amour, de justice et de paix.

3- Par rapport à la situation socio-politique au Burkina Faso

Frères et sœurs,

L’Église reste toujours solidaire de la famille humaine. C’est dans ce sens que le Concile Vatican II, dans sa constitution dogmatique Gaudium et Spes déclare : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. »(G.S, n 1). Il est donc évident que l’Église n’est jamais indifférente à ce qui touche la société et la famille humaine. Notre pays, depuis le mardi 28 octobre vit des moments tragiques, délicats avec les conséquences que vous connaissez. Suite à ses événements douloureux, il y a eu -malheureusement- de nombreux blessés, des pertes en vie humaine et aussi des destructions de biens. Je voudrais donc au nom de notre Église Famille de Dieu de Ouagadougou, présenter nos vives et sincères condoléances aux familles éplorées et à toute la nation qui pleure ses fils. A toutes les familles endeuillées, nous exprimons notre compassion et notre communion fraternelle dans la prière afin que Dieu accueille les défunts dans son Royaume éternel.

Une nouvelle ère s’ouvre maintenant pour le Burkina Faso avec de nombreux défis à relever : à savoir panser les cœurs brisés, œuvrer au retour de la tranquillité et de la paix, instaurer entre toutes les composantes de la société burkinabè un climat de confiance, de pardon et de fraternité. C’est ensemble, en nous donnant la main que nous relèverons tous ces défis, et que nous pourrons envisager l’avenir avec beaucoup d’espérance et de sérénité.

J’interpelle donc les fils et filles de notre Église Famille de Dieu à s’engager pleinement en ces instants de fragilité sociale, pour être artisans de réconciliation, de justice et de paix selon même l’invitation du Christ : « Heureux les artisans de paix…Heureux les miséricordieux…» Notre devoir en tant que chrétiens baptisés est non seulement de prier (neuvaine de prière instituée du 2 au 11 novembre 2014) et de demander la paix mais aussi et surtout de nous impliquer à tous les niveaux de concertation et de dialogue pour apporter, au nom de notre foi, notre précieuse contribution à l’édification d’une nation réconciliée, juste et prospère.

En célébrant aujourd’hui la sainteté de tous les saints, tournons avec foi et grande espérance nos cœurs vers le ciel pour confier à l’intercession de tous les saints notre Église Famille de Dieu, notre pays le Burkina Faso. Implorons la paix pour notre chère patrie, la paix dans tous les cœurs et dans toutes les familles.

La solennité de ce jour nous rappelle fortement notre destinée finale : la vie de communion avec Dieu dans son Royaume. Notre patrie est dans les cieux et c’est vers les réalités d’en haut que nous devons constamment tendre ; mais n’oublions jamais cependant que la vie éternelle à laquelle nous aspirons se prépare hic et nunc à travers les réalités temporelles, la construction d’un monde juste et fraternel.

Daigne le Seigneur, nous armer de force et de courage pour œuvrer à la transformation du monde et de la société. Puisse les grâces de ce jour nous sanctifier pleinement au cours de notre pèlerinage terrestre et ce, pour la gloire de Dieu et la salut du monde.

Dieu nous écoute et nous exauce, lui le Vivant pour les siècles des siècles. Amen.

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou