Messe de la Nuit de Noël 2013, Cathédrale de l’Immaculée Conception

Frères et sœurs bien-aimés,

En cette nuit très sainte, « je vous annonce une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui, vous est né un Sauveur. IL est le Messie, le Seigneur. Réjouissons-nous, la paix véritable vient du ciel sur la terre. » (Lc 2,10-12)

Tel est le message de Noël, la fête de la naissance de Jésus de Nazareth, la fête de l’amour de Dieu manifesté par l’Incarnation ! Alors, à tous et à toutes, bonne, heureuse et sainte fête de Noël.

I- NOËL : irruption de la lumière dans les ténèbres

Dans la première lecture de cette Messe de la nuit (Is 9, 1-6), le prophète Isaïe proclame que « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière » et cela a fait changer la vie des humains.

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres » fait référence au peuple d’Israël déporté en captivité en Assyrie au VIIIème siècle avant Jésus-Christ et plongé dans les ténèbres de l’humiliation et de la souffrance. Alors, le prophète Isaïe annonce la levée d’une grande lumière qui sera source d’allégresse et de joie ; et cela grâce à un Enfant-Roi, de la descendance de David. Cet enfant sera un libérateur pour le Peuple écrasé et humilié par le joug de l’esclavage….Il est « Dieu-Fort », « Père à jamais », « Prince de la paix »…. C’est l’enfant né de la Vierge Marie, Jésus, Emmanuel, Dieu-avec-nous ; c’est lui le Messie, le Seigneur, le Sauveur qui libère Israël et toutes les nations de tout esclavage et toutes oppressions extérieures et intérieures.

Aujourd’hui, le peuple qui marche « dans les ténèbres et qui a besoin de libérateur, c’est nous, c’est le monde de ce temps.

Oui, nous formons un monde dit moderne et technologique, une société riche et prospère, mais caractérisé par beaucoup de disparités, d’inégalité, d’injustice, de pauvreté et de misère…Au plan mondial, il semble que 75% des biens sont entre les mains de moins de 25% de la population. Cela peut se vérifier aussi au Burkina Faso où d’aucuns pensent qu’une poignée de citoyens détient la majeure partie des richesses, face à une population majoritairement pauvre. Appartient également à ce monde opprimé et démunis, l’immense foule des pauvres, incapables de se nourrir, de se soigner ou d’accéder à une formation adéquate pour préparer leur avenir… Nombreux sont les chômeurs, les diplômés sans travail, , les prisonniers qui croupissent dans les maisons d’arrêt sans jugement, nombreux sont les victimes d’injustice, des crimes de sang ou des crimes économiques….

Le peuple qui marche « dans les ténèbres et qui a besoin de libérateur, c’est aussi tous ces patrons qui exploitent leurs employés, c’est ceux qui croient résoudre les difficultés en optant pour les casses, ceux qui n’ont de respect aucun pour l’autorité de l’État, ceux qui s’attaquent au bien public et qui participent à la paupérisation de nos pays. Ceux qui attisent le feu par des propos belliqueux et instaurent peut-être sans le savoir un climat de frayeur.

Le peuple qui marche « dans les ténèbres et qui a besoin de libérateur, c’est l’ensemble de notre monde qui est encore le théâtre de tant d’oppressions, d’injustice, de guerres…Finalement, vous convenez que c’est notre monde, petits et grands, riches et pauvres, nous tous qui avons besoin d’une Lumière, d’une libération, d’un Sauveur….

Aujourd’hui, la lumière dont parle le prophète Isaïe, c’est celle de Jésus qui naît dans l’obscurité du monde, dans la nuit de nos vies d’hommes et de femmes …nuit de suffisance, d’indifférence, d’égoïsme, de manque de solidarité et d’amour.

A la naissance du sauveur à Bethléem, les bergers, symbole des pauvres et des pécheurs, ont accueilli la lumière du sauveur, annoncée par l’Ange. Mais comment la recevons-nous, cette lumière ? Quelle place lui faisons-nous dans notre vie quotidienne ?

II- Accueil de la lumière du Sauveur dans nos vies

Pour tous les chrétiens, le message de noël, c’est l’accueil du Fils de Dieu incarné, fait chair…..c’est accepter de l’accueillir et de donner son amour aux autres.

Comme les bergers, nous sommes appelés à accueillir dans une foi simple et dans la joie, la grâce de Dieu manifestée en Jésus-Christ pour le salut de tous les hommes.

Dans la deuxième lecture (Tite 2,11-14), l’apôtre Paul nous invite à l’engagement personnel : « rejetez le péché et les passions d’ici-bas, pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux. » Jésus est né à Bethléem pour tous. Il désire naître en chacun ce nous. Lui ferons-nous une place, si petite soit-elle ? Si nous lui faisons une place en nous, il donnera sens à tout ce que nous vivons et nous permettra de ne pas craindre de nous rebeller contre la culture du provisoire, la dictature du relativisme, de la dépravation morale. C’est dans cette perspective que le Pape François insiste pour nous exhorter à combattre les idoles qui constamment nous assaillent : pouvoir, avoir, richesse, prostitution, corruption dont nous sommes si souvent esclaves. A la facilité du mal, nous devons opposer le courage de préférer Jésus-Christ, Unique Sauveur.

Comme les bergers, nous sommes invités à accueillir et à mettre en œuvre la Bonne Nouvelle proclamée par la troupe céleste des Anges : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. » (Lc 2, 14).

Aujourd’hui encore, notre monde et l’Afrique, sont en proie à des conflits et à des guerres fratricides qui déciment les populations et détruisent les richesses naturelles des pays. Multiples en sont les causes : tribalisme, régionalisme, ethnicisme, intolérance religieuse, soif de pouvoir et d’argent, injustices briment les populations et causent d’atroces souffrances. Pour nous chrétiens, la paix est un don de Dieu et le fruit des efforts des hommes. A la Nativité du sauveur, l’ange du Seigneur a proclamé un message de paix : « paix sur la terre aux hommes qu’il aime. » (Lc 2,14). C’est le même message de paix que le Ressuscité a laissé à ses disciples (Lc 24,36). Jésus est réellement le « Prince de la paix ». Aussi devons-nous instamment et avec confiance demander au Seigneur le don de la paix pour le monde, pour notre pays, pour nos familles.

En outre, la paix est le fruit des efforts des hommes. C’est bien pour cela que le Bienheureux Jean-Paul II invitait à prendre des engagements concrets pour promouvoir et préparer les conditions de la paix. « Si vous voulez la paix, œuvrez pour la justice. »

Dans son message pour la célébration de la journée mondiale de la paix du 1er janvier 2014 message intitulé : « La fraternité, fondement et route pour la paix », le Pape François insiste sur une détermination ferme et persévérante à s’engager pour le Bien commun. Cela implique de ne pas se laisser guider par « l’appétit du profit » et par la « soif du pouvoir ». Il faut, dit le Pape, avoir la disponibilité de se « perdre », en faveur de l’autre – (personne, peuple ou nation) au lieu de l’exploiter ; de le servir au lieu de l’opprimer pour son propre avantage… (cf. Message du Pape François pour la journée mondiale de paix, n° 4).

S’engager pour la paix, implique aussi de refuser d’entretenir la vengeance, de fuir le mensonge et de poursuivre la vérité.

Il est préférable de prévenir les troubles sociaux et les guerres que de les provoquer et d’essayer de les arrêter après qu’elles ont éclaté. Le dialogue vrai et la recherche de solutions négociées constituent des moyens privilégiés pour la promotion de la paix. « Heureux les artisans se paix, car ils seront appelés fils de Dieu. » (Mt 5, 9 ; E.I.A, n° 117).

Frères et sœurs bien-aimés, puisse la célébration de Noël être pour tous une source d’abondantes grâces de renouvellement intérieur, de pardon et de réconciliation, de solidarité et de fraternité. Que Marie, Mère de jésus, nous aide à comprendre et à vivre tous les jours, l’amour vrai qui surgit du cœur de son Fils, Emmanuel, Dieu-avec-nous pour les siècles des siècles.

Monseigneur Philippe OUEDRAOGO
Archevêque de Ouagadougou

 

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