Textes : Ap 7 ; 2-4. 9-14 ; 1Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-13

Chers frères et sœurs en Christ,

L’Église célèbre en ce jour la Solennité de la Toussaint, réunissant dans une même célébration l’ensemble des élus, les saints connus et inconnus qui partagent désormais la gloire de Dieu au ciel.

I- La Toussaint à la lumière de la Parole de Dieu

Bien-aimés de Dieu, en célébrant la solennité de la Toussaint, l’Église nous offre l’occasion de contempler et d’adorer le Dieu trois fois saint, source et origine de toute sainteté. Une des préfaces de la liturgie nous le rappelle si bien en s’adressant à Dieu en ces termes : « c’est ta puissance qui se déploie dans la faiblesse quand tu donnes à des êtres fragiles de te rendre témoignage… » En effet, nous le savons tous, seul Dieu est saint et parfait ; c’est sa grâce qui offre à des hommes et des femmes pétris de faiblesse de pouvoir lui rendre témoignage, de pouvoir l’imiter en reflétant au mieux sa sainteté, par le témoignage d’une vie évangélique héroïque. La solennité de ce jour nous rappelle aussi notre destinée finale : la vie de communion avec Dieu dans son Royaume. Notre patrie est dans les cieux et c’est vers les réalités d’en haut que nous devons constamment tendre comme nous l’enseigne Saint Paul.

La Parole de ce jour éclaire et donne sens au mystère que nous célébrons en la solennité de la Toussaint. L’Apocalypse de Saint Jean dans le livre de nous présente une vision des élus ou serviteurs de Dieu qui ont été marqués du sceau, c’est-à-dire ceux qui sont mis à part et devenus propriété de Dieu. Ils étaient au nombre de 144.000, un nombre hautement symbolique qui signifie la plénitude, preuve que les élus de Dieu constituent une multitude de diverses provenances : il s’agit d’une « une foule immense de toutes nations, races, peuples et langues » qui, en vêtements blancs, se tiennent devant le Trône et l’Agneau. « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le trône et par l’Agneau » , proclamaient les élus. Bénéficiaires salut de Dieu, ils « ont lavé leurs vêtements dans le sang de l’Agneau » et mènent désormais une vie de communion avec Dieu. Le salut est une vie de communion avec Dieu et les saints connus et anonymes que nous vénérons en ce jour, partagent déjà cette vie en présence de Dieu.

Dans la seconde lecture, saint Jean nous révèle notre identité d’enfants de Dieu. Nous sommes enfants de Dieu, une identité qui atteindra toute sa plénitude lorsque nous paraitrons devant lui et lorsque nous serons en pleine communion avec lui à la fin des temps.

Dans l’Évangile, Jésus nous propose d’incarner l’esprit des Béatitudes comme chemin de sainteté, de bonheur et de communion profonde avec lui. Le Christ lui-même a su incarner ces Béatitudes à travers sa vie, son enseignement et sa miséricorde envers tous les hommes. Elles révèlent le cœur même de Dieu. A la suite du Christ, les saints ont tenté, malgré leurs faiblesses de conformer leur vie à celle du Christ empreinte d’humilité, de douceur, de patience, de justice, d’amour et de paix.

II- Notre vocation commune à la sainteté

L’appel universel à la sainteté constitue fondamentale, la vocation du chrétien « Soyez saints comme votre Père céleste est saint » (Mt 5, 48). Chrétiens baptisés, nous sommes tous appelés à la sainteté, une vocation qui pourrait sembler utopique pour nous au regard de nos faiblesses et de nos fragilités humaines.

Pour nous, être saints, ne signifie pas être parfaits ; notre vocation commune à la sainteté consiste à s’ouvrir à la grâce de Dieu plutôt s’ouvrir à la grâce de Dieu, à accueillir sa vie en nous et à se conformer à sa volonté. L’exemple des saints que nous invoquons chaque jour, peut être pour nous très édifiant. Certes, les saints, amis de Dieu ont combattu le mal, le péché dans leur vie ; à ce sujet, ils ont mené une vie héroïque dans le vécu des vertus et des valeurs évangéliques, évitant au maximum le péché, obstacle à la vie d’union avec Dieu. Mais, l’essentiel de la vie des saints a été caractérisé par cet abandon total à Dieu qui transparaît dans leur spiritualité, une ouverture à la grâce de Dieu qui a façonné leur vie. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, le Bienheureux Charles de Foucauld, Saint Ignace de Loyola et bien d’autres saints ont vécu sous diverses facettes, l’abandon à Dieu, l’enfance spirituelle selon l’esprit évangélique. Ayant accordé toute la place à Dieu dans leur vie, les saints que nous vénérons ont réussi à vaincre un tant soit peu en eux les tendances égoïstes de la chair et à vivre sous la conduite de l’Esprit Saint. Ce sont des hommes et des femmes qui se sont efforcés au jour le jour et en tout d'être fidèles à l'amour de Dieu et du prochain Aussi, ont-ils pu, la grâce de Dieu aidant, témoigner du Christ par toute leur vie et donner leur vie au service de Dieu et des hommes. La passion pour Dieu et pour l’homme a caractérisée leur vie toute entière et cela devrait nous inspirer dans notre témoignage chrétien et nous aider à répondre à notre vocation chrétienne, à savoir être saints comme notre Père céleste est saint. Cela devra aussi nous inspirer dans l’édification d’un monde de justice et de paix.

III- Être artisan de paix et se sanctifier dans le monde

Bien aimés de Dieu, la solennité de ce jour nous rappelle fortement notre destiné finale qui n’est rien d’autre que la communion avec Dieu notre père dans son royaume céleste. N’oublions jamais cependant que la vie éternelle à laquelle nous aspirons se prépare hic et nunc à travers les réalités temporelles et la construction d’un monde juste et fraternel, prémices du Royaume à venir.

La mission d’évangélisation de l’Église comporte renferme aussi bien l’annonce explicite du message évangélique que l’engagement social en vue de l’avènement d’un monde meilleur. C’est pourquoi, les chrétiens sont invités à s’engager dans la société en vue de la transformer selon les valeurs de l’Évangile ; c’est là leur voie royale de sanctification. Le Pape Benoît XVI rappelait cette mission et cette mission et ce rôle des laïcs au cœur du monde :

« Les laïcs, hommes et femmes, sont appelés avant tout à la sainteté et à vivre cette sainteté dans le monde. Chers fidèles, cultivez avec soin votre vie intérieure et votre relation à Dieu afin que l’Esprit Saint vous éclaire en toute circonstance. Pour que la personne humaine et le bien commun demeurent effectivement au centre de l’action humaine, politique, économique ou sociale, attachez-vous profondément au Christ pour le connaître et l’aimer, consacrant du temps à Dieu en priant et en recevant les Sacrements. Laissez-vous éclairer et instruire par Dieu et par sa Parole » . (Africae Munus, n. 129).

Cet appel s’inscrit bien dans la perspective et les objectifs du MIAMSI qui se regroupe des mouvements constitués de chrétiens exerçant des responsabilités professionnelles, économiques, sociales, politiques, culturelles et qui œuvrent à la transformation des mentalités et des structures de la société selon les valeurs de l’Évangile. Il a comme priorités l’annonce de Jésus-Christ, la promotion de la dignité et des droits de l’homme et la promotion de la paix, de la solidarité et de la justice. L’action et la pédagogie de ses membres sont menées à la lumière de l’Évangile et de la doctrine sociale de l’Église, selon le principe « voir, discerner, agir » pour que, dans la vie du chrétien, la foi se traduise concrètement par de bonnes œuvres.

« Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9), tel est le thème qui a orienté les travaux du MIAMSI durant quatre jours. Au cœur d’un monde marqué le terrorisme, la guerre et des conflits de tout genre, cette Béatitude constitue aujourd’hui pour nous chrétiens, un programme de vie de sainteté dans ce vaste champ de la réconciliation, de la justice et de la paix. La quête de la paix ne doit se résumer à de vains discours mais doit plutôt faire l’objet d’actions concrètes qui fassent aboutir tous les efforts en faveur de la paix. Il s’agira pour nous chrétiens d’œuvrer à construire une société juste et fraternelle selon l’esprit et la logique des Béatitudes qui a une attention particulière pour les pauvres, aux affamés et à ceux qui souffrent…Comment être artisan de paix dans son milieu de vie et dans la société et comment réaliser notre programme de vie au cœur du monde ?

Les chrétiens, il faut le reconnaitre, sont marqués l’esprit et les habitudes de leur époque et de leur milieu. Pour être artisan de paix, la logique nous commande la « metanoia » , une conversion authentique qui, par la grâce du baptême nous renoncer à l’esprit de haine, de violence et d’indifférence du monde, pour bâtir une civilisation de l’amour et de la non-violence. « Aimez vous ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent » , nous enseigne le Maître. Il s’agit de combattre en soi et autour de soi le péché et les « structures de péché » (situations objectives de péché) qui portent atteinte à la dignité de la personne humaine et au bien commun. C’est individuellement et collectivement que nous pourrons relever ce défi et réaliser ce programme pour l’avènement d’un monde meilleur.

Tout au long de cette année de la Miséricorde qui s’achève, nous avons contemplé la Miséricorde de Dieu et nous en avons fait l’expérience en vue d’être à notre tour des hommes et des femmes de miséricorde. Conformément aux souhaits du Saint Père, puisse cette année porter du fruit dans les cœurs « afin que le témoignage rendu par les croyants soit plus fort et plus efficace » et nous soyons tous, dans notre quête de la perfection chrétienne, des artisans d’un monde de réconciliation de justice et de paix.

Daigne le Seigneur, nous armer de force et de courage pour œuvrer à la transformation du monde et de la société. Que les grâces de cette Eucharistie nous sanctifier et nous fortifient dans notre marche commune vers la Patrie céleste et ce, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

Dieu nous écoute et nous exauce, lui le Vivant pour les siècles des siècles. Amen

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO

Archevêque Métropolitain de Ouagadougou