Paroisse Universitaire Saint Albert le Grand

Textes : Ex 12,1-14 ; 1Co 11, 23-26 ; Jn 13,1-15

Bien chers fidèles de la Paroisse Saint Albert le Grand,

La grâce et la paix de Dieu Notre Père et de notre Bien-aimé et Seigneur Jésus-Christ, soient toujours avec vous !

Nous célébrons aujourd’hui le Jeudi Saint, une grande fête pour l’Église. Le Jeudi Saint marque le début du Triduum Pascal et nous introduit pleinement dans le Mystère de la Pâque du Seigneur, célébration da sa passion-mort-résurrection. Je rends grâce à Dieu de pouvoir célébrer l’Eucharistie de ce soir avec vous et pour vous, fidèles du Christ la paroisse Saint Albert le Grand.

En ce jour béni du Jeudi saint, la liturgie focalise notre attention sur le Mystère de l’Eucharistie, mémorial de la passion-mort-résurrection du Christ. Le livre de l’exode nous décrit le premier repas pascal des juifs : c’est la pâque juive intervenu lors de la sortie d’Égypte et qui devait être perpétuée de génération en génération. Au cœur du rituel de ce repas pascal, se trouve l’agneau pascal dont le sang sur les linteaux des portes épargnera les fils d’Israël des fléaux infligés aux égyptiens. Cette première pâque juive était une annonce lointaine de la Sainte Cène au cours de laquelle le Christ, « l’Agneau immolé » offrira au monde l’Eucharistie, son Corps et son Sang pour la vie du monde. L’Eucharistie instituée par le Christ le sacrifice de la Nouvelle Alliance scellée dans son sang pour le salut de l’humanité.

En ce jour, l’Église qui perpétue l’œuvre du Christ est reconnaissante et rend grâce à Dieu pour les dons merveilleux qu’il a fait à l’humanité toute entière : l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce ministériel qui, de par leur nature, nous interpellent tous et nous invitent au service humble de nos frères et sœurs, à l’amour et au don de nous-mêmes.

I- L’Eucharistie et le sacerdoce ministériel

« Sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jn 13,1). Une des manifestations sublimes de cet amour, c’est l’institution de l’Eucharistie. Jésus livre son Corps et son Sang pour le salut de tous. Il permet à tous les chrétiens - de génération en génération - de recevoir son Corps sacré offert volontairement sur la croix. « Prenez et mangez-en tous : ceci est mon corps livré pour vous ; prenez et buvez-en tous car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance Nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés. Vous ferez cela en mémoire de moi. »

Ces paroles de Jésus lui-même, l’Apôtre Paul, selon une tradition reçue du Seigneur, nous les rapporte dans la deuxième lecture (1 Co 11, 23-26). Prononcées par le prêtre à chaque célébration eucharistique, ces paroles constituent le cœur même du sacrement de l’Eucharistie. Jésus, en effet s’est a offert en sacrifice sur la croix, sacrifice qu’il renouvelle au cours de la Sainte Messe pour devenir nourriture et boisson pour tous les hommes qu’il a tant aimé. L’Eucharistie est la « source et le sommet de la vie chrétienne » (L.G, n. 11), car selon l’enseignement de l’Église, elle « contient (…) l'ensemble des biens spirituels de l'Église, à savoir le Christ lui-même, notre Pâque, le pain vivant, qui par sa chair, vivifiée par l'Esprit Saint et vivifiante, procure la vie aux hommes. » (P.O, n. 5)

A l’Eucharistie, demeure intimement lié depuis les origines, le ministère ordonné ou sacerdoce ministériel. En instituant l’Eucharistie, la veille de sa passion, le Christ a donné en même temps aux Apôtres, la mission de perpétuer son geste pour le salut de l’humanité. Il instituait par là le sacerdoce ministériel. Comme vous le savez tous, le Christ est l’unique prêtre de la Nouvelle Alliance et le seul Médiateur entre Dieu et les hommes, qui puisse présenter nos offrandes au Père dans l’Esprit. Tous les baptisés partagent ce sacerdoce du Christ et peuvent s’unir par la prière à l’unique Prêtre offrant l’unique sacrifice sur l’unique autel pour la gloire de Dieu. Ce sacerdoce appelé sacerdoce commun des fidèles, est propre à tous les baptisés. Il révèle notre identité de fils et filles de Dieu, nous rend aptes au culte véritable qui consiste à s’offrir soi-même par les mains du Christ. Il existe cependant dans la communauté, les prêtres qui revêtus du sacerdoce ministériel, expriment cette réalité, la rappellent et la vivent en agissant « in Persona Christi ». Configurés au Christ Tête, les prêtres proclament la Parole de Dieu, gouvernent (guident) et sanctifient le peuple de Dieu dont ils ont la charge. Il s’agit d’une lourde responsabilité qui exige de leur part, l’humilité, le service gratuit et désintéressé, le don de soi par amour pour Dieu et pour ses frères et sœurs. Tout prêtre ne peut réaliser pleinement sa mission et vivre fidèlement ses engagements sacerdotaux que s’il reste uni au Christ. C’est dans une vie d’intimité profonde avec le Maître qu’il tendra vers la sainteté dans l’imitation du Christ chaste, pauvre et obéissant. Bien chers prêtres, en cette fête de l’Eucharistie et du sacerdoce, chacun est invité à raviver le zèle et le dynamisme des premières heures de son ministère sacerdotal, son amour pour le Christ et pour sa mission d’amour. Comme à l’Église d’Éphèse dans l’Apocalypse, le Seigneur adresse aujourd’hui à chaque prêtre cet appel et cette exhortation : « Je connais ta conduite, tes labeurs et ta constance… Tu as de la constance : n'as-tu pas souffert pour mon nom, sans te lasser ? Mais j'ai contre toi que tu as perdu ton amour d'antan. Allons ! rappelle-toi d'où tu es tombé, repens-toi, reprends ta conduite première » (Ap 2, 2. 3s). Ce sont là des paroles de réconfort, et d’interpellation qui incitent chaque prêtre à persévérer dans son ministère et à se renouveler intérieurement dans sa vie sacerdotale.

Et vous frères et sœurs, priez pour vos prêtres afin qu’ils soient des prêtres selon le cœur de Dieu, de véritables serviteurs du Christ et de l’Église et que par la parole et l’exemple, ils vous éclairent et vous conduisent vers de verts pâturages.

II- Le lavement des pieds : appel au service humble

L’Eucharistie est par excellence, le sacrement de l’amour et du don de soi. Jésus le manifeste dans l’évangile de ce jour par un geste déconcertant : le lavement des pieds de ses disciples. Au lieu de nous rapporter l’institution de l’Eucharistie, l’évangile de la célébration de la Sainte Cène en Jn 13, 1-15, nous relate plutôt l’épisode du lavement des pieds. C’est dire le lien étroit entre l’Eucharistie, sacrement de l’amour et ce geste très significatif pour l’Église et le monde.

Aux derniers instants de la vie de leur Maître, les Apôtres s’attendaient probablement à autres choses : des conseils pour le management de l’Église, des consignes diverses pour leur gouverne personnelle…Au lieu de cela, Jésus choisit de leur laisser un geste hautement symbolique: il prend le tablier de service, une cuvette d’eau, s’agenouille devant eux et commence à leur laver les pieds. Et en conclusion, il ne manque pas de leur expliquer cet acte : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous…Si donc moi, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » (Jn 13,15).

A ses Apôtres et à ses disciples, toujours prêts à convoiter les premières places, les honneurs, Jésus rappelle par ce geste, le rôle exact de la véritable autorité qui est essentiellement service. Ainsi, toute autorité administrative, politique, coutumière ou religieuse n’est rien d’autre qu’un service. Toute action ou attitude de l’Église et de la société qui ne serait pas service de l’humanité, est donc contraire à la volonté de Dieu manifestée par le Christ. Servir, c’est régner et régner c’est servir et non se servir ou se faire servir. Cela reste vrai aussi bien dans l’Église que dans la société. Halte donc à toutes les manœuvres multiformes de corruption, de détournements de fonds publics ! Halte à toute âpreté au gain, à la course au pouvoir, aux honneurs, aux décorations et promotions faciles…A l’exemple de Jésus, nous sommes tous invités, par le lavement des pieds, à servir par le don généreux de nos personnes. Tout disciple de Jésus doit être conscient de cet appel pressent à se mettre à l’école du Christ « venu pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.»

III- L’Eucharistie et le vécu du commandement de l’amour

Le lavement des pieds illustre pour tous les chrétiens, l’amour et la miséricorde de Dieu en acte. En rapportant le lavement des pieds, l’Évangéliste Jean voudrait nous renvoyer à l’essentiel du culte chrétien : servir le Seigneur et le servir dans ses frères et sœurs. Il s’agit d’une double dimension d’une même réalité : le service et l’amour de Dieu et du prochain. Amour et service de Dieu va nécessairement de pair avec amour et service des autres. Peut-on aimer Dieu qu’on ne voit pas et haïr celui qu’on voit ? Le lien est clair et évident ; Dieu est servi dans le service d’autrui car il est présent en l’autre, en tout homme crée à son image et à sa ressemblance. Ce service n’est rien d’autre que l’expression du plus grand des commandements que le Christ a laissé à ses disciples aux dernières heures de sa vie : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.»

Chers frères et sœurs, dans l’Eucharistie, Jésus se donne à nous avec amour pour être notre force et nous communiquer sa vie divine ; il voudrait aussi nous voir engager sur le même chemin pour imiter son amour et sa miséricorde. L’Eucharistie, redisons-le encore est le sacrement de l’amour qui nous pousse à accueillir l’amour qui se donne et qui nous invite aussi à nous donner à notre tour. Pour y parvenir, le Pape Benoît XVI, nous propose l’exemple sublime des saints : « Les saints, dit-il, – pensons par exemple à la bienheureuse Teresa de Calcutta – ont puisé dans la rencontre avec le Seigneur dans l’Eucharistie leur capacité à aimer le prochain de manière toujours nouvelle, et réciproquement cette rencontre a acquis son réalisme et sa profondeur précisément grâce à leur service des autres » (Deus caritas est, n. 18). Chers frères et sœurs, le sacrement de l’Eucharistie célébré et adoré est un haut lieu de sanctification pour y puiser la force d’aimer et de servir Dieu dans le visage concret des pauvres et des petits que l’on rencontre et auxquels le Christ s’identifie (cf. Mt 25).

En cette année de la miséricorde où nous sommes particulièrement invités à être miséricordieux comme le Père, l’Eucharistie peut nous y aider. A chaque célébration eucharistique, en effet, le Christ nous brûle du feu de son amour et nous envoie dans le monde pour être témoins de sa miséricorde par une vie de compassion, de partage, de service désintéressé et de don de soi. Dans cette perspective, la pratique des œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles sur lesquelles nous mettons l’accent en cette année jubilaire, constituent des actes concrets de charité qui ouvrent davantage nos cœurs à Dieu et au prochain. L’Eucharistie, sacrement de l’amour transforme le cœur et la vie ; mieux, il nous unit au Christ pour nous revêtir de ses sentiments et de sa miséricorde en vue d’aimer, de servir et de pardonner comme Lui. « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent. Priez pour ceux qui vous calomnient…Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux ». Voici ce jusqu’où doit nous conduire l’invitation du Christ à être miséricordieux, « soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,36).

Bien-aimés de Dieu, demandons la grâce de vivre toujours avec ferveur le Mystère de l’Eucharistie pour qu’au contact de l’amour miséricordieux du Père, manifesté en Jésus-Christ, nous soyons transfigurés et devenions témoins de cet amour au cœur du monde.

Daigne la Vierge Marie, « femme eucharistique », nous accompagner tous maternellement et nous entraîner à prendre toujours Jésus en nous pour qu’il fasse de nos cœurs sa demeure.

A tous et à toutes, bonne fête de l’Eucharistie et du sacerdoce ! Dieu vous bénisse !

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou

 

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