Paroisse Cathédrale de Ouagadougou

Textes du jour : Is 9, 1-6; Ps 95; Tt 2, 11-14; Lc 2, 1-14

Chers Fils et filles de l’Église Famille de Dieu à Ouagadougou,

« A vous tous, grâce et paix de la part de Dieu notre Père et de notre Bien-aimé Seigneur Jésus-Christ »

Cette année encore, la Providence divine nous accorde la grâce de célébrer NOËL, fête de l’Emmanuel, « Dieu-avec-nous », événement de joie et d’espérance pour toute l’humanité. Au terme d’une année marquée par des tensions politiques et des difficultés multiformes tant personnelles, familiales que sociales, nous voici conviés au rendez-vous annuel de la célébration de la naissance du Fils de Marie, le Fils du Très Haut, le Sauveur des hommes. Les crèches de nos enfants, le climat de fête dans lequel baigne toute la ville témoignent que nous célébrons un événement de grande importance : c’est Noël.

Je joins ma voix à celle des Anges pour souhaiter à tous et à chacun, chrétiens et hommes de bonne volonté, la paix et la joie : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime » (Lc 2,14).

I- NOËL : une histoire de salut pour tous les hommes

Dans la première lecture que nous avons entendue, le prophète Isaïe proclame : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière, sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi » (Is 9,1).

- Ce peuple, c’était autrefois les Galiléens déportés en Assyrie au VIIème siècle avant Jésus-Christ et plongés dans les ténèbres de l’humiliation et de la souffrance.

- Aujourd’hui, nous pouvons aisément nous identifier à ce « peuple qui marchait dans les ténèbres » ;

- Ce peuple qui marchait dans les ténèbres, c’est enfin notre monde. Ce peuple, c’est donc nous et l’ensemble de notre société.

Oui ! Nous vivons dans une société marquée par d’énormes et complexes défis : pauvreté, injustice, crimes de sang et crimes économiques, chômage, travail précaire, familles éclatées, criminalité… Il y a aussi cette foule immense de malades dans les hôpitaux ou dans les maisons, les prisonniers, les enfants de la rue. Autant de défis et de souffrances humaines qui défigurent l’humanité et la plongent dans les ténèbres.

La lumière dont parle le prophète Isaïe, c’est bien Jésus qui naît dans l’obscurité du monde, dans la nuit de nos vies, nuit de nos solitudes, de nos souffrances, nuit de l’indifférence, de l’égoïsme, du désespoir et du désenchantement.

Cette fête de Noël suscite en nous l’espérance car la naissance du Sauveur signe le triomphe de la lumière sur les ténèbres, du bien sur les forces du mal, les forces hostiles à la paix. Dieu s’est toujours penché sur les petits, les humbles, les pauvres comme le petit reste d’Israël, comme Marie, Joseph, les bergers et bien d’autres dans l’histoire du salut. Cette célébration est donc essentiellement une grande action de grâce à Dieu pour la surabondance de son amour et sa miséricorde. Si dans sa Providence, Dieu prend soin de tous les hommes sans distinction, nous pouvons cependant confesser sa sollicitude toute particulière à l’endroit du peuple burkinabè. Cette expérience de l’amour de Dieu, devrait nous inciter à plus d’ardeur dans la prière, dans la recherche du bien et dans l’accomplissement de la volonté divine.

La paix est un don de Dieu et le fruit des efforts des hommes. Dans ce sens, je voudrais exprimer à chacun de vous ma gratitude parce que vous n’avez épargné aucun effort, à travers les multiples sacrifices consentis et les chaînes de prières élevées vers Dieu en faveur de la paix dans notre pays. Je vous invite à rester toujours éveillés dans la prière et dans la fraternité, le respect mutuel et le dialogue pour préserver notre chère patrie de la division et de la haine ; pour préserver notre pays de toute déchirure due à la soif du pouvoir et à l’attachement à des intérêts égoïstes et partisans. Pour ce faire, gardons les yeux fixés sur le Christ notre Paix, et œuvrons ensemble pour promouvoir le Bien Commun, consolider les acquis en matière de réconciliation, de justice et de paix.

En cette nuit très sainte, notre prière se fait fervente en faveur de tous ceux qui ont perdu la vie cette année lors des événements tragiques. Qu’ils reposent dans la paix du Seigneur. A toutes les victimes, à leurs familles et à tous ceux qui ont subi quelque préjudice, j’exprime ma compassion et ma proximité affective; daigne le Prince de la paix être pour tous et chacun, source de consolation, de paix et de guérison intérieure.

II- NOËL : appel à une vie nouvelle

A Noël, Dieu naît dans notre monde, notre humanité et notre existence, pour nous renouveler de l’intérieur. Dieu manifeste sa grâce en son Fils Jésus-Christ et les hommes sont invités à l’accueillir (Tt 2, 11-12). La venue du Fils de Dieu inaugure un monde nouveau dans lequel nous sommes appelés à entrer et à vivre en enfant de Dieu.

Cette fête de Noël, en cette année 2015, ne trouve-t-il pas le monde en crise tout comme les années précédentes? L’extrémisme et l’insécurité vont grandissant, troublant ainsi la quiétude des populations. Les situations d’injustice et de corruption se multiplient, entravant le développement des nations et hypothéquant malheureusement l’avenir des populations et plus particulièrement celui des pauvres.

Les célébrations annuelles des fêtes de Noël et le culte rendu à Dieu n’ont-ils aucune incidence sur notre vie morale et chrétienne? Telle est l’impression qui se dégage lorsque l’on se réfère au spectacle désolant qu’offre notre monde. En cette année de la Miséricorde voulue par le Pape François, chacun devrait se laisser modeler par cette devise : « Miséricordieux comme le Père ». Dans la miséricorde, nous avons la preuve de la façon dont Dieu nous aime et dans l’évangile selon Saint Luc, Jésus lui-même nous indique le chemin pour vivre et incarner cette miséricorde du Père : « ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés. Donnez et l’on vous donnera … La mesure dont vous vous servez pour les autres, servira de même aussi pour vous » (Lc 6,37-38 ; cf. M.V, n. 14). La célébration de la fête de Noël est toujours l’occasion de rencontres familiales que je vous invite à transformer en des circonstances de véritable bonheur, en des instants de réconciliation et de paix pour donner tout son sens à Noël, fête de l’espérance pour l’humanité et pour le monde.

III- NOËL : défis à relever pour un monde nouveau

Chers frères et sœurs,

Pour l’avènement d’un monde plus juste et fraternel, Dieu veut, dans le mystère de Noël, s’incarner dans nos vies, dans notre agir individuel et collectif. Accepterons-nous de coopérer à l’émergence de ce monde digne de Dieu et de l’homme ?

Ces dernières années de notre pays ont été marquées par des troubles multiformes. La volonté d’instaurer un nouvel ordre socio-politique a conduit les jeunes, les associations et mouvements et de nombreuses personnes à recourir à une révolution de la violence. Il nous faut maintenant passer à une autre révolution, celle de la « Tendresse, une Révolution de la Miséricorde et de l’amour » à laquelle je vous appelle de tout mon cœur.

Chers fils et filles de l’Église Famille de Dieu, femmes et hommes de bonne volonté, en cette Année jubilaire de la Miséricorde, contemplons Jésus de Nazareth qui nous révèle la miséricorde de Dieu dans la fragilité et l’humilité d’un enfant. J’invite spécialement les jeunes à devenir les protagonistes de cette révolution de la miséricorde et de la tendresse en refusant cette culture de la violence et de l’incivisme. Ouvrons donc nos cœurs à la Tendresse et à la Miséricorde de Dieu manifesté en Jésus-Christ et nous serons alors capables, à notre tour, de ces gestes d’amour, de réconciliation, de justice et de paix.

Aux nouvelles autorités récemment élues, nous adressons nos vives félicitations. Nous les accompagnons de nos prières afin qu’ils soient de véritables serviteurs, des gouvernants en phase avec les aspirations profondes du Peuple pour promouvoir ainsi le bien de tous.

La Révolution de la Tendresse et de la Miséricorde consiste essentiellement à relever ensemble certains défis majeurs, « hic et nunc » (ici et maintenant) :

- le défi du pardon et de la réconciliation sans réserve, sans esprit de vengeance, mais dans la vérité, la repentance assumée et la conversion de tous;

- le défi de la solidarité et de l’unité nationale recherchées comme des valeurs communes fondamentales de référence pour fonder et construire la vie de la nation. En synergie, jeunes et adultes, doivent mettre en place des œuvres et des actions concrètes de tendresse et de miséricorde afin de contribuer à créer un monde plus juste, plus pacifique et fraternel ;

- le défi de l’intégrité morale et du respect de tous comme fondement de notre projet commun de société, pour fédérer les initiatives et motiver nos actions et nos décisions. Le bien-être de tous ne saurait tolérer l’exclusion des plus pauvres et empêcher leur accès à la nourriture, aux soins, à l’éducation de qualité, au travail et à un logement décent.

Le pape François s’adressant aux chrétiens les incite à vivre les œuvres de miséricorde corporelle (donner à manger aux affamés, vêtir ceux qui sont nus, visiter les malades ou les prisonniers, ensevelir les morts) et les œuvres de miséricorde spirituelle (consoler les affligés, pardonner les offenses, conseiller ceux qui doutent, supporter patiemment les personnes importunes (indésirées), prier pour les vivants et les morts (cf. M.V, n. 15 et Mt 25, 31-45).

Frères et sœurs, puissions-nous donc être attentifs au message de la crèche : Jésus faible et fragile est le signe de l’espérance, de la paix et de la joie. Cultivons donc en nous-mêmes et pour notre pays ces vertus qui nous permettront d’aller toujours de l’avant – « duc in altum » – dans le combat contre cette pensée unilatérale – la dictature de la pensée unique – qui voudrait évacuer Dieu de l’existence humaine. Car là où Dieu n’a pas sa place, l’homme perd aussi la sienne.

Que ce temps de Noël soit celui de la réconciliation et du pardon dans nos cœurs, nos familles, nos CCB, nos quartiers et notre société.

Enfin, je confie chacune de nos familles à la protection de celle qui a su faire la volonté de Dieu en demeurant ferme dans la foi, indéfectible dans la confiance et l’abandon en Dieu, humble dans le service quotidien. Que Marie, Notre Dame de Yagma, veille sur nous et intercède toujours en faveur de notre pays. Qu’elle soit le modèle de chaque baptisé qui recevra le Christ en son sein pour le donner à tous.

A tous et à toutes, j’accorde ma bénédiction et souhaite un joyeux Noël, une heureuse et sainte année 2016. Dieu bénisse chacun et chacune et protège notre pays ! Amen !

+Philippe Cardinal OUEDRAOGO,
Archevêque Métropolitain de Ouagadougou